16.02.2022 18ème livre
Dans le cadre des lectures de Librinova, un petit supplément que je me suis accordé dans les étoiles recommandées par les autres lecteurs et dont franchement je suis agréablement surprise.
« Les voisins » : une famille qui emménage dans la maison juste en face de chez Charles, qui habite dans une petite impasse dans un quartier calme et paisible d'une ville du sud de la France, et qui va lui faire vivre un vrai calvaire.
Charles est traducteur pour différentes maisons d'édition, il a connu un certain succès en traduisant le roman d'un grand écrivain allemand, mais depuis il vivote en traduisant, sans grande conviction, ce que l'on peut appeler communément des romans de Gare. Il a fui Paris il y a déjà six ans en laissant son amie Astrid, elle aussi travaillant pour une maison d'édition et maman de jeunes ados. Ils se voient épisodiquement lorsque Charles remonte un week-end de temps en temps sur la capitale. Pour compléter ses revenus littéraires irréguliers, il a réussi à rentrer dans le service culturel du département.
Et voilà donc que débarquent le père de famille, qui anime la rue dès 6h30 le matin en faisant profiter tous les voisins de la radio à tue-tête, puis enchaîne avec l'autoradio fenêtres ouvertes de sa voiture ! La mère, qui elle fait profiter le quartier des émissions de télévision, à grands volumes bien sûr, pas forcément culturel, lorsqu'elle n'est pas à hurler et maugréer toute la journée après tout et n'importe quoi. le fils, fan de motocross, qui fait vrombir par de nombreuses accélérations très sonores aussi, sous prétexte de réglages, son deux-roues devant la maison. Enfin une jeune adolescente plutôt discrète dans la mesure où elle a toujours les yeux sur son téléphone et les écouteurs sur les oreilles. Ajoutez à cela un chien agressif qui fait ses besoins devant la porte d'entrée de Charles bien évidemment, qui aboie toute la journée, et parvient même un jour à lui mordre le mollet…
Charles, à leurs arrivées, se présente en bon voisin, mais se fait hurler dessus par la méchante mégère.
Plutôt en surpoids, victimes de mal bouffe et de surconsommation de produits industrialisés et transformés, d'une hygiène douteuse, un langage vulgaire, limite raciste, on comprend vite que les liens de voisinage seront plutôt limités.
Notre malheureux narrateur en arrive rapidement à faire des cauchemars et ne supporte plus les activités débordante de ses intrus, allant jusqu'à imaginer tout un tas de stratagèmes pour les faire fuir, voir même les faire disparaître…
C'est écrit avec humour, on se met facilement à la place de ce pauvre Charles, car à même, tout un chacun (je ne le souhaite à personne) de devoir supporter, pourquoi pas un jour, l'arrivée tonitruante de nouveaux voisins de ce style…
Éric Onnen a très bien su nous faire partager les nuisances subies par Charles puis sa prise de conscience et petit à petit, sa métamorphose !
Mais je n'en dirais pas plus pour ne pas dévoiler, les rebondissements, les histoires qui s'imbriquent et le final…
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Pour illustrer son propos, Joseph se saisit délicatement d’un insecte imaginaire sur le bord d’une table et, le projetant au-dessus de lui, il écarte les bras en un large mouvement circulaire et, écarquillant les yeux, par ce tour de magie, il fait apparaître l’immensité d’un univers.
Grâce à la lecture, ni ses jambes trop courtes ni son nez trop long ni ses grosses lunettes ni sa frêle constitution d’enfant toujours malade ne pouvaient s’opposer à ce qu’il chevauche à travers les steppes d’Asie centrale à la tête d’une horde de cavaliers intrépides, à ce qu’une irrésistible princesse arabe tombe follement amoureuse de lui, à ce qu’il invente un vaisseau spatial révolutionnaire pour explorer les confins de la galaxie, à ce qu’il échappe miraculeusement à la mort lors d’une bataille sans pitié, à ce qu’il vole au secours de la veuve et de l’orphelin, déjoue les stratagèmes diaboliques d’un aspirant maître du monde, déduise d’indices négligés par les policiers la culpabilité indiscutable d’un meurtrier en série et construise en plein désert une imposante forteresse dont les tours se perdent dans les nuages. Désormais, Joseph pouvait être tour à tour homme ou femme, prince ou mendiant, bandit ou commissaire de police, explorateur ou savant de laboratoire, esclave noir ou général d’armée, chien de traineau ou aviateur, enfant abandonné au cœur d’une ville brumeuse ou noble vieillard dépositaire de savoirs immémoriaux. Il pouvait avoir toutes les nationalités, vivre à toutes les époques, arpenter toutes les contrées de la terre et éprouver toutes les émotions qui avaient agité le cœur des humains depuis la nuit des temps. Il découvrait l’amour fou et la haine féroce, la jalousie et la fierté, la peur panique et l’ivresse du pouvoir, la fourberie et le sens de la justice. Les limites étriquées de sa propre existence explosaient, l’ouvrant sur les espaces infinis de la connaissance et de l’imagination et, dès lors, Joseph comprit que, grâce aux livres, objets totalement absents du domicile familial, sa vie serait opulente, bigarrée, palpitante, formidable…
Il est frappant que, plus les événements qui nous sont rapportés sont tragiques, plus les commentaires que nous en faisons sonnent creux. Comme si nous nous sentions obligés de prononcer des paroles qui ne visent qu’à nous hisser au niveau de la tragédie et y échouent lamentablement.
J’ai pris conscience assez tôt du scandale que constitue le fait que, non seulement on ne vive qu’une seule vie, mais qu’en plus, sauf exceptions rarissimes, il faille en consacrer une bonne partie à travailler pour la gagner, sa seule et unique vie.
- « Ma mère, elle dit comme ça que plus un travail est sale, plus il est mal payé et qu’au contraire, ceux qui gagnent le mieux leur vie n’ont jamais à se salir les mains… C’est vrai ça ? »
- J’ai bien peur que sur ce point ta mère ait entièrement raison… »
J’ai toujours eu du mal à me lever le matin, un acte qui relève à mes yeux d’un héroïsme quotidien dont je comprends mal que des disciplines aussi prestigieuses que la philosophie, l’anthropologie, la psychologie ou la sociologie se soient désintéressées jusqu’ici.