«
Lait Sauvage » de l'auteur américaine
Sabrina Orah Mark est un recueil de 25 courtes nouvelles, traduites par
Stéphane Vanderhaeghe (2021, Editions Do, 168 p.).
Ce qui m'a surtout frappé dans cet ouvrage, ce n'est pas tant l'auteur que le traducteur.
Stéphane Vanderhaeghe est enseignant à l'
Université de Vincennes, après avoir examiné les marges et surtout les ombres et pans cachées dans la littérature récente américaine, notamment chez
Robert Coover et
Ben Marcus. du premier, il faut lire son livre « le Bucher de Times Square » (2006, le Seuil, 602 p.) sur le procès des époux Rosenberg à New York pendant les années du McCarthysme en 1951. Une séquence finale entre l'Oncle Sam et
Richard Nixon qui vaut d'être lue. Et du second, d'un tout autre genre, lire «
le silence selon Jane Dark » (2006,
Le Cherche-Midi, Lot49, 288 p.) ou «
L'Alphabet de Flammes » (2014,
Le Cherche-Midi, Sous-Sol, 352 p.). La grande période éditoriale de
Claro. Pas seulement traducteur (de bons livres), il a aussi publié «
Charøgnards » (2015, Quidam, 260 p.) et « À tous les airs » (2017, Quidam, 240 p.). le premier sur une invasion de corbeaux et charognards. Dystopie assez inquiétante. le second avec le mystère des allers et venues d'une dame de province et d'un gendarme dans un cimetière.
«
Lait Sauvage » comporte 25 courtes nouvelles, ce qui fait des nouvelles de 5-6 pages en moyenne. La première nouvelle, qui donne le titre au recueil est intitulée «
Lait Sauvage », une histoire d'intolérance au lait de la part d'un petit garçon à la crèche. « le lait que vous avez laissé était sauvage ». Donc « Merci d'apporter du meilleur lait ». On peut donc supposer que tout ce qui est d'origine sauvage est mauvais. D'où l'impérieuse nécessité de former des dompteurs de lait. On n'aura pas l'outrecuidance de dompter les sauvages.
Suivent ensuite des histoires de Rabbin, que ces dames « suivent à la piscine municipale où nous barbotons ». Personnellement, je ne vois pas pourquoi un prêtre, quelle que soit la couleur de sa religion, puise être, aux bains municipaux, distingué d''un autre nageur, en supposant qu'il ait quitté ses habits sacerdotaux. Tant qu'on en est au rabbin, on pourrait se poser la question de savoir si il dort avec la barbe au-dessus ou sous les draps. Existe-t-il une codification de la chose dans les textes liturgiques. Est-il aussi prévu un texte règlementant les tenues de baignades des femmes rabbines ?
Toujours des questions de baignades dans « Piscine ». Et pour cause. « Il y a un arbre au milieu de cette piscine ». Désolé. « C'est Grand-Mère qui fait du dos ».
Le Père, dans cette famille n'est pas mieux. « Lorsque les précepteurs arrivent pour se saisir de son coeur, Père est au téléphone. Je l'entends dire « Ils sont là ». Je l'entends dire « Gardez les os » ».
Et il y a la bonne. Celle de « La bonne, la mère, l'escargot et moi ». « La bonne montre une piscine au loin. "Tu vois cette piscine ?" ». On revient aux problèmes de rabbin, de piscine, de baignades, de noyades. « Enfant, je nageais dans cette piscine. Je ne me suis pas noyé une seule fois ». Ce qui est tout de même rassurant. « Je retrouve la bonne en boule sur le tapis de bain hirsute. Elle dort profondément ». A coté la cage de Bye Bye Françoise, la perruche. Celle dernière n'est plus là. « A sa place un Escargot de Lait. J'ai toujours voulu avoir un Escargot de Lait ».
On pense, à lire ces histoires, à celles de «
En Bas » (1973, le Terrain Vague, 67 p.) de
Léonora Carrington (1917-2011) avec une superbe couverture tirée d'un fragment de « Grand Verre » de
Marcel Duchamp. Dans la lettre à
Henri Parisot qui précède la nouvelle,
Léonora Carrington écrit : « Je suis une vieille dame qui a vécue beaucoup et j'ai changée – si ma vie vaut quelque chose je suis le résultat du temps ». le roman «
le Cornet Acoustique » de
Leonora Carrington, traduit par l'excellent
Henri Parisot figure dans la collection « L'Age d'Or » (1974, Flammarion, 256 p.). La nouvelle «
La Débutante » figure, elle, en bonne place dans « L'
Anthologie de l'Humour Noir » de
André Breton (1966, Jean Jacques Pauvert, 592 p.), entre
Jean Ferry et
Gisèle Prassinos. Roman d'initiation, en partie autobiographique, quoique…Une vieille dame de 99 ans, Marian Leatherby tricote des pulls en poils de chat chez son arrière-petit-fils Galahad. Son amie, elle aussi âgée, Carmilla, figure la meilleure amie de Leonora, c'est-à-dire la peintre Remedios Varo (1908-1963). Elles cherchent à trouver le bon rythme de vie après n'avoir jamais rien compris à rien. Mais un jour, Carmella offre à Marian un cornet acoustique, grâce auquel elle découvre que Galahad veut l'envoyer dans un hospice pour personnes âgées.
On voit que
Sabrina Orah Mark est bien dans la lignée des surréalistes.
En prime une chronique « Happily », parue dans « The Paris Review » entre janvier 2020 et mars 2021. « Nous sommes en décembre en Géorgie, et nous passons devant des lumières scintillantes, des couronnes, des baies légèrement vénéneuses et un renne en fil de fer dont le nez rouge s'allume et s'éteint, s'allume et s'éteint. Mon fils de six ans, Eli, regarde par la fenêtre. / « Pouvons-nous avoir un sapin de Noël, maman ? / "Non." / le silence. / "Et si on le peignait en
noir ?" ».
Par la suite ce sera surtout centré sur les contes de fées et la maternité. « Dans les contes de fées, les animaux parlent toujours. Même morts, ils parlent ».