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Critique de Presence


Ce tome fait partie d'une série de réédition thématique (autour d'un dessinateur) en noir & blanc, éditée par Fantagraphics, à partir des publications EC Comics. Comme son titre l'indique, celle-ci est consacrée à Joe Orlando. Ce tome comprend 23 histoires en noir & blanc, 15 écrites par William M. Gaines et Al Feldstein, 2 écrites par Feldstein sur la base d'une nouvelle de Ray Bradbury, 2 écrites par Jack Oleck, et 4 écrites par Feldstein sur la base de nouvelles d'Otto Binder, toutes dessinées et encrées par Joe Orlando.

À l'origine, ces récits sont principalement parus dans les magazines "Weird science", "Weird fantasy" et "Shock SupspenStories", entre 1953 et 1955. Il comprend également une introduction (8 pages) de Bill Mason sur les points saillants des récits du recueil (en particulier l'histoire "Judgment day"), une postface de 6 pages de RC Riggenberg sur la vie de Joe Orlando, 2 pages laconiques sur les différents auteurs, et 3 pages pour un bref historique contextuel des EC Comics.

Chacune des histoires est construite suivant le même principe : à partir d'une situation dangereuse s'inscrivant dans le genre de la science-fiction (de type technologie futuriste et impossible, ou extraterrestres venant sur Terre), le récit s'achemine vers une chute à base de justice poétique. Les histoires comportent 6, 7 ou 8 pages. D'une histoire à l'autre, les intrigues proposent des robots, des conquêtes spatiales, des retours dans le temps à l'époque de nos premiers ancêtres hominidés, des invasions extraterrestres, des premiers contacts avec une vie intelligence extraterrestre, des situations de vie post apocalyptique, une inspection de civilisation (qui donne son titre au présent recueil).

Avec ce recueil, le lecteur peut apprécier toute la pertinence de l'éditeur Fantagrahics d'avoir constitué des anthologies autour d'un dessinateur. le brassage de récits provenant de sources différentes assure une diversité qui empêche la redite. Comme les autres tomes de la collection, le lecteur reste abasourdi devant l'imagination sans cesse renouvelée de William M. Gaines & Al Feldstein. Certes il retrouve plusieurs fois les mêmes prémices, mais il n'éprouve jamais la sensation de lire 2 fois la même histoire. Même lorsqu'il s'agit pour une peuplade survivante ayant tout oublié d'explorer les ruines de la civilisation humaine ravagée par la guerre, la chute est de nature sensiblement différente d'une histoire à l'autre.

Au fil de ces récits, les scénaristes abordent des thèmes aussi divers que la solitude de l'individu (le colon seul sur son astéroïde), les paradoxes temporels, la peur de l'envahisseur, le poids de la culpabilité, la justice immanente, la civilisation parfaite, l'ostracisation de l'individu différent, l'appât du gain, l'aspiration à vivre dans un environnement meilleur, et l'intolérance.

L'histoire "Judgment day" est restée dans les annales à la fois pour son thème, et pour les menaces de censure dont elle a fait l'objet. Un inspecteur terrien se rend sur une planète pour juger si le niveau d'évolution de sa civilisation la rend apte à rejoindre la colonie terrestre. Il y fait le constat d'un racisme entre robots de couleurs différentes.

Il est possible que le lecteur qui ouvre cette anthologie soit déjà familier du nom Joe Orlando. En effet en 1987, il a réalisé le seul dessin de la série "Watchmen" qui ne soit pas effectué par Dave Gibbons, une page du Black Pirate, illustrant le texte de fin de l'épisode 5. À partir de 1968, il a commencé une carrière de responsable éditorial, qui l'a mené jusqu'au titre de "executive editor".

Le texte de présentation de la carrière de Joe Orlando explique qu'il travaillait avec Wallace Wood (voir Came the Dawn, and other stories et Spawn of Mars, and other stories dans la même collection) qui l'incita à venir travailler pour EC Comics. Il fut embauché pour la ressemblance de ses dessins avec ceux de Wood.

Joe Orlando réalise des dessins descriptifs, détaillés et minutieux, sans la légère touche romantique de Wallace Wood. Comme les autres artistes travaillant pour EC Comics, il doit fournir des dessins dont une partie sera mangée par le texte (bulles et cellules), occupant de 25% à 60% de la surface de la case. Orlando met en scène des personnes d'âges différents, il n'y a pas de jeunisme systématique dans ces individus, qui sont surtout de race blanche. le lecteur voit défiler de nombreux individus, tous avec des visages différents, et des tenues vestimentaires variées. Orlando réussit mieux les visages de ces messieurs que ceux des dames qui manquent un peu de finesse.

Au vu des scénarios, Orlando doit dessiner de nombreuses scènes en milieu naturel. Il n'est pas possible de reconnaitre les essences des arbres, mais les paysages de végétation ont une apparence convaincante. Il doit également dessiner de nombreux extraterrestres. Il s'en tient à la forme humanoïde, avec des appendices étranges et variés, et des visages avec des déformations de type trop d'yeux, des écailles à la place de la peau, ou un front trop large, l'ordinaire des représentations de l'époque.

Il doit également représenter de nombreux vaisseaux spatiaux, souvent sur la base d'une forme oblongue, ou d'une soucoupe volante. Ses dessins de petites villes américaines comportent suffisamment de détails pour que le lecteur n'ait pas l'impression qu'il s'agit de simples façades en carton. Sa représentation des technologies d'anticipation ou futuriste est assez passe-partout, sans réel parti de nature esthétique ou de nature scientifique.

Cette anthologie dédiée à Joe Orlando permet de satisfaire la curiosité du lecteur sur les travaux de ce monsieur, dont le nom est resté dans l'histoire des comics, pas uniquement parce qu'il a travaillé pour EC Comics. La nature même de ses dessins en fait un bon faiseur, mais pas un artiste remarquable comme certains de ses collègues ayant oeuvré pour le même éditeur. Il n'y a pas de manque criant dans ses cases, mais il n'y a pas de souffle ou personnalité comme chez Wallace Wood, Al Williamson, Johnny Craig ou Jack Kamen.

Elle est également l'occasion de découvrir une histoire entrée dans le patrimoine culturel des comics pour son importance historique et son intrigue : "Judgment Day". Elle permet aussi de constater une fois encore le degré d'inventivité inextinguible et inépuisable de William M. Gaines et d'al Feldstein. Enfin, elle contient les 3 histoires de robot d'Otto Binder, dont celle intitulée "I, robot" qui a influencé des auteurs comme Isaac Asimov (pour sa série des robots). Ce recueil vaut donc avant tout pour ces intrigues astucieuses et pour sa valeur historique des comics.
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