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EAN : 9782021365795
464 pages
Seuil (16/08/2018)
3.97/5   75 notes
Résumé :
Lorsque sa femme le quitte, emportant loin de lui leur jeune fils, Tadek voit sa vie se lézarder, rattrapée par la solitude. Son frère et ses soeurs sont depuis longtemps partis d’Israël, et sa mère, face à son désarroi, n’a qu’une rugueuse indifférence à lui offrir. Il n’a plus pour compagnie qu’un fatras de souvenirs, de cauchemars - et un fantôme, celui de son père, qu’il n’a pas revu depuis vingt ans. Sur un coup de tête, Tadek décide alors de quitter Jérusalem ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
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Cronos, l'Avaleur est Polonais. Il se nomme Stefan Zagourski , et végète à Varsovie dans une maison de retraite pour anciens combattants. Dans les années soixante, sa femme est partie en Israël avec leurs enfants. Il n'est jamais allé les rejoindre et n'a plus donné de nouvelles.
Tadek, l'un des fils, est en pleine déconfiture matrimoniale et professionnelle. Hanté par le souvenir de ce père tyrannique, alcoolique, infidèle, violent, bagarreur, sympathique parfois, il décide en 1988 de retourner en Pologne pour renouer avec lui et obtenir des explications sur son comportement.
« J'en ai profité pour le détailler, cet homme qui était mon père, cet hédoniste polonais qui ne s'est pas gêné pour baiser, cogner, tuer. le voilà donc, assis sur son lit, adossé contre le mur, cheveux ébouriffés, visage gris rond rongé par des poils de barbe. S'il était né dans un autre milieu, en un autre temps, il aurait pu être un libertin plein de panache, et ami du marquis de Sade. .. Mais là, ce n'était qu'un voyou polonais qui avait émergé des égouts de Majdanek pour atterrir dans la crasse des quartiers pauvres de Wroclaw. L'aura de la liberté et du romantisme fracassée sur le sol d'une réalité viciée, sombre, nauséabonde. »

Voyou est un beau premier roman sur la relation père/fils, un portrait touchant d'un fils hanté par un ogre, et qui n'a obtenu de sa mère ni tendresse, ni réponse à ses nombreuses interrogations.
Dans les vapeurs d'alcool et les volutes de cigarettes, Zagourski livre à son fils les bribes d'un passé violent. Partisan catholique polonais non communiste, il a combattu les Allemands, connu le camp de Majdanek dont il s'est évadé dans des conditions dantesques, puis la prison après-guerre. Sa femme quant à elle, s'est retrouvée dans le ghetto de Varsovie, puis dans une prison pour femmes. Car elle est juive. Ce n'est qu'une fois parti de Pologne que Tadek apprend la judéité de sa mère, et donc la sienne, et leur départ pour Israël.
Voyou offre aussi une vision apocalyptique de la Pologne occupée, où chacun tente de survivre, entre combats, délation, résistance et collaboration, parfois tout à la fois, et où la survie tient du miracle ou du plus grand des hasards.
L'histoire, extraordinaire de Tadek est pourtant vraie, inspirée de l'histoire familiale du cinéaste polonais Tadeusz Ami Drozd, ami du père de l'auteur (l'écrivain Uri Orlev). Voyou est un roman cru, qui donne à voir la difficulté de la transmission dans un pays en pleine décomposition juste avant l'effondrement du Bloc soviétique, où l'on manque de tout, même d'allumettes, où tout semble triste et gris, et où les fantômes de la Seconde guerre mondiale viennent coller aux basques des vivants. Grâce au talent de conteur d'Itamar Orlev, le lecteur se retrouve pris dans les rets du Pater Familias comme Tadek, fasciné, suspendu aux lèvres d'un père dérangeant, tout puissant, titanesque, et qui au crépuscule de sa vie vient quémander l'affection et la reconnaissance d'un fils de quarante ans.
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C'est ton père quand même !
Cette petite phrase lapidaire ânonnée jour après jour continue ta vie durant son travail de sape et de destruction bien avancé par ton géniteur expert en coups et bosses, ingénieur en démolition de ses proches.
C'est ton repère quand même !...
Même si toi, nulle part, tu n'as plus de repaire.
Et puis, si tu y arrives, quand vingt ou trente ans plus tard tu as fait le tour, que tu as vidé ta tête au carré, une fois les angles arrondis, polis, tu y vas.
Affronter tes affres, remouiller la meule des sentiments pour y affuter la lame de la tendresse qui est pourtant prête à te fendre le coeur.

Tadek va y aller. de Jérusalem où sa mère et ses quatre enfants se sont réfugiés à Varsovie où vit encore cet homme qui a longtemps cristallisé ses rêves et qui finalement a réalisé ses cauchemars. Pour avoir des réponses à des questions qu'il n'a jamais posées, pour réparer des plaies qui n'étaient pas encore ouvertes et peut-être essayer de fermer les plus profondes.

Retrouver des racines après des lustres de sevrage, c'est de l'adrénaline à foison mais c'est rarement ouvrir une fenêtre qui éclaire l'horizon, c'est plutôt soulever une trappe du passé qui ne laisse filtrer que quelques souvenirs moisis, arrangés par les années.
Désagréable et apaisant. Baume qui gratte.

Les ingrats, c'est nous, s'il est si méchant, c'est surement de notre faute et surgissant des entrailles du temps, la culpabilité en bandoulière, les remords à la boutonnière, tu cavales.

Faire le chemin, c'est déjà pardonner. Rencontrer, c'est se donner la possibilité d'exister autrement, comme on revient d'une guerre que l'on n'a pas déclenchée. Amoché mais rescapé de soi-même.

Ta conclusion, c'est qu'il est sympa cet enfoiré, il a abandonné femme et enfants mais il a beaucoup souffert, torturé par la gestapo, devenu exécuteur de plus enfoirés que lui mais maintenant qu'il est vieux, il n'est plus que l'ombre de lui-même. Tout est-il blanchi ?
Toi, qui même jeune, par son égoïsme et sa violence était à peine l'ombre de toi-même, il ne te remerciera jamais assez d'être là pour ses dernières années, mon Tadzio adoré. Est-ce vrai ?
Va te faire dorer…

Dès le début de ce roman, je suis ferré, les lignes s'enchainent limpides comme on parle, les pensées affluent, compactes et authentiques face à des évocations incroyables de brutalité et de barbarie compensées par des passages d'amour véritables et de nostalgie palpables. C'est le roman du choix d'une vie et de ses conneries toutes générations confondues. Poignant, bluffant.

Itamar Orlev ne limite pas la trame de son premier ouvrage au nombril de Tadek, à la détresse de sa mère, à la névrose de ses frères et soeurs ni à la rage de son père, loin de là.
C'est aussi l'Allemagne qui envahit la Pologne et l'extrême souffrance d'un peuple, c'est l'omniprésence de la vodka et de ses ravages dans les familles, la pauvreté désolante ainsi que la famine qui épuise l'existence et pousse à la trahison et, sans oublier la légendaire et inéluctable traque des juifs.
Tous ces thèmes sont développés d'une écriture vive et habitée. Les dialogues sont énergiques et tendus, on y ressent la « tchatche » de la proximité de la méditerranée, le clapot des mots.
C'est ta mer quand même !
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" Alors, j'ai détaillé le profil de cet homme, mon géniteur, à la fois étranger et familier. Que j'aimais et que je détestais. Oui, j'aimais ce père que je détestais."

Ces quelques phrases nous donne la mesure de ce très beau roman sur l'histoire d'une filiation compliquée et douloureuse entre un père et son fils.
Tadek, notre héros, se retrouve seul, sa femme l'a quitté emportant son jeune fils. Cette paternité a été si dure à concevoir, la sienne renvoyant dans un miroir celle de son père.
Alors, il décide de retourner voir son père qui croupit dans un hospice de vieux à Varsovie.
Besoin de comprendre son propre père, homme violent et aviné de vodka toute sa vie.
Tous deux, décide de partir dans ce petit village de Pologne, où sont leurs racines et le reste d'une partie de la famille.
Ce voyage est une véritable odyssée qui permet au père de raconter à son fils la guerre qu'il a vécu, les atrocités commises de chaque côté.
Il y a cette scène magnifique et grandiose, où le père prend un bain à l'hôtel, se mettant à nu devant son fils au sens propre comme au figuré, racontant son passé d'homme fort d'alors, tandis que sa vulnérabilité l'empêche de sortir du bain seul.
C'est un beau livre qui nous révèle l'indicible des relations humaines et des secrets que chacun porte en lui.
J'ai envie de terminer sur cette phrase:
C'est quand on n'a pas raison qu'on peut laisser la porte ouverte aux émotions complexes et bouleversantes, de celles qui emportent et secouent, de celles qui peuvent aussi tout détruire sur leur passage. "
C'est merveilleusement dit, après, on écoutera le silence et le vent.
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« J'ai toujours été un fumier, et ça ne m'a pas posé de problèmes. Qu'ils aillent tous se faire enculer. le truc, c'est que j'ai aussi été une merde de père. Une merde de mari. Une merde d'ami. J'ai peut-être vieilli, mais maintenant, ça commence à me déranger. »

Tadek vit seul depuis que son épouse est partie, emmenant avec elle leur enfant. le moment de faire le point sur sa vie. Pourquoi en est-il arrivé là ? Serait-ce lié à son enfance, à ce père qu'il n'a pas revu depuis si longtemps. Depuis le jour où sa mère a décidé de quitter la Pologne avec ses quatre enfants, laissant derrière elle Stefan. Ce père bagarreur, alcoolique, menteur, dont il n'a plus de nouvelles et qui croupit dans un hospice de vieux.

Les retrouvailles vont rebattre les cartes. Entre deux verres de vodka, Stefan va peu à peu dévoiler ce que fut sa vie, sans pathos.

Un premier roman très fort qui nous parle de la violence de la guerre et ses séquelles sur ce père autrefois si flamboyant, tout à la fois victime et bourreau. « L'homme agit comme il agit, et moi, ce que j'ai fait, je l'ai fait. »


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« Les pères et les fils peuvent essayer de se cramponner les uns aux autres, ils resteront à jamais des étrangers… »

C'est dans l'espoir de faire mentir cette maxime que Tadek quitte un beau matin Jérusalem et sa vie bousculée, pour Varsovie, sur les traces de son passé et de son père qu'il n'a pas revu depuis des années. Qu'attend-il ? Il n'en sait trop rien. Que risque-t-il ? Pas grand-chose… En Israël, sa femme vient de le quitter avec son fils déjà distant ; ses relations avec sa mère sont orageuses et superficielles ; et son métier d'écrivain végète dans l'attente de pages qu'il ne parvient pas à écrire.

Tadek débarque donc à Varsovie que sa mère leur fit autrefois quitter pour échapper à ce mari et père violent, volage et alcoolisé. Un père qu'il retrouve dans un hospice d'État, devenu vieillard proche de la fin de vie, abruti par la vodka mais avec l'esprit toujours fougueux et révolté. Remontant le fil de leur passé qui les conduira jusqu'au village-berceau de leur famille, Tadek et son père Stefan vont se renifler, se jauger, se confronter, se détester. Mais surtout se parler, beaucoup. Et se comprendre, un peu mieux…

Le passé de Stefan durant la guerre, ses blessures, emprisonnements, tortures et humiliations dévoilent à Tadek toute une facette de son père jusque-là cachée. Mais est-ce suffisant pour pardonner la violence physique et morale reproduite ensuite envers sa propre famille ?

Dans Voyou, Itamar Orlev écrit une énième version du « Je t'aime, moi non plus » qui régit souvent les relations père-fils, mais trouve dans le contexte historique (le destin des partisans polonais durant la Seconde Guerre mondiale) et la verve enlevée de son écriture, deux leviers pour rendre son approche originale et creusée. L'intérêt pour ce combat de boxe émotionnel que se livrent Tadek et Stefan, monte progressivement en puissance, sans temps mort durant 500 pages. Une belle découverte donc de cette sélection 2020 du Prix du Meilleur Roman Points.
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critiques presse (3)
Liberation
28 décembre 2018
Dans ce récit d’une relation entre un père et un fils, on partage, impuissant, les inlassables tentatives d’un échange réparateur.
Lire la critique sur le site : Liberation
Actualitte
04 octobre 2018
Quoi qu’en dise la dernière de couverture, je n’ai pas réussi à trouver, au milieu de tout cela, une histoire d’amour. Bref, à mon avis, si vous avez le moral en berne, il me semble qu’il vaut mieux que vous passiez votre chemin.
Lire la critique sur le site : Actualitte
LeMonde
24 août 2018
Les détails scabreux ou l’étalage de l’intimité scatologique ne suffisent pas à garantir la modernité de l’écriture. On trouve aussi quelques allusions attendues à l’Antiquité. Mais elles ne gâchent pas ce qui demeure le plus réussi, l’ultime face-à-face avec un père affaibli qu’on aime et qu’on craint.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (47) Voir plus Ajouter une citation
J'ai alors posé sur la table la bouteille de whisky que j'avais aussi achetée au marché noir. Les deux hommes l'ont regardée avec méfiance.
" C'est quoi? a demandé mon père.
- On dirait de la vodka périmée, a marmonné Wojtek.
- C'est du whisky.
- Du whisky, a répété ce dernier.
- Mais oui, pour sûr! s'est écrié mon père avec une émotion décuplée. C'est la boisson de ces putains de Britanniques! Ben oui, ces trous du cul boivent du whisky. Allez, mon Tadzio, va te chercher un verre, qu'on trinque avec la bibine de cette bâtarde de reine d'Angleterre!"(...)
- "Na zdrowie!" avancé mon père.
Ils ont pris une gorgée, ont échangé un regard perplexe et ont aussitôt recraché.
"Infect! a dit Wojteck.
" C'est quoi? Du tord-boyaux maison? Mon Tadzio, j'ai l'impression qu'ils se sont foutus de toi là-bas, ces fils de putes.! Je te conseille de ne pas le boire, tu risques de devenir aveugle."
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"Tu te souviens, le jour de votre départ, à la gare, juste avant que vous montiez dans le wagon... tu te souviens de ce que tu m'as dit ?" a-t-il demandé.
J'ai répondu que non. "Tu m'as lancé un regard furieux et tu as refusé de monter. J'ai essayé de te pousser parce que le train allait partir, mais tu n'as pas voulu bouger. Tu avais les yeux pleins de larmes et tout à coup tu m'as dit d'une voix chevrotante "Maintenant tu es content, mais plus tard tu seras drôlement triste." Alors seulement tu as accepté de monter. Et en effet j'ai été triste, mon Tadoush, si tu savais comme j'ai été triste."
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La nuit, quand on dort ensemble, le cerveau se met en veille et n'impose plus à la chair un qui-vive inquiet et des gestes tranchants, il ne lutte plus, le cerveau, ne s'accroche plus à ses principes, se déleste de ses rancœurs, n'entraîne plus l'organisme à sa perte sous l'effet de pulsions autodestructrices. Le corps, dans sa quête et son besoin de chaleur, échappe à la tyrannie des neurones et trouve enfin, dans le silence, instinctivement, le corps de l'autre. Et le réconfort qui va avec.
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Je me suis souvenu d'une femme, une voisine de la grand-mère, à qui les Ukrainiens avaient effectivement défoncé la tête à coups de hache, mais, étrangement, elle n'en était pas morte. Une partie de son crâne était devenue toute plate, comme une planche, sans cheveux, et quand elle voulait nous faire rire, elle posait dessus un verre de thé.
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Le général s'exprimait très bien, avec le vocabulaire élaboré des gens cultivés. Ses gestes délicats et son attitude aristocratique témoignaient qu'il n'avaient rien de commun avec l'homme simple qui lui faisait face. Pourtant cette différence de classe flagrante ne semblait entamer en rien l'intimité qui les liait, une sorte de fraternité si forte qu'elle l'emportait sur tout ce qui pouvait les séparer. De plus, en présence de son ami Pawel, mon père ne se curait pas le nez avec vulgarité, ne crachait pas part terre et ne jurait pas.
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