Grandeur et décadence d'une famille de haute lignée, répandue dans toute l'Europe, habitée par son passé, et qui déchois au fil du temps et des événements, pour n'avoir pas su assez évoluer sinon resserrer les rangs face aux moeurs et aux idées nouvelles.
Au plaisir de Dieu, auteur Jean d'Ormesson de l'Académie française. La précision s'impose, c'est à n'y pas croire; c'est désespérant : même les plus illustres institutions sombrent dans la décadence. Je ne suis pas de ceux qui n'aiment pas un roman pour n'avoir pu s'identifier au personnage principal. C'est à mon sens une vision nombriliste et réductrice du pouvoir de la littérature : on perd ainsi des milliers de vies virtuelles, celles qu'on aurait pas oser ou pas voulu vivre. Et pourtant, il faut bien avouer que ce roman sur l'aristocratie de la haute-Sarthe, racontée avec la première personne du singulier et la première personne du pluriel exclut l'écrasante majorité des lecteurs, la troisième personne du singulier se serait moins imposée et aurait créer une distance moins élitiste. le narrateur fait partie de la famille, mais il n'agit pas du tout : il pense, il parle, il juge, mais il lui manque les bras, c'est une conscience désincarnée. De mémoire de lecteur je n'avais jamais lu un roman sans dialogue : il y a un embryon d'échange vers la page trois cent mais c'est le seul. Ça ressemble à la vie fantasmée de d'Ormesson. C'est comme un vieil homme, assis au coin du feu, racontant par le menu sa vie, sans égard pour le jeune homme qui l'écoute, des jours et nuits durant, sans possibilité de boire, de se sustenter ou de dormir, qui meurt d'inanition, ce change en squelette et que les araignées, avec leurs toiles, colonisent. Quelques passages surnagent à peine, évocation du Tour de France, voyage à travers la Méditerranée, souvenir de quelques grandes figures de notre pays. Mais que de phrases convenues, quelle platitude de style, quelle médiocrité générale! Je me rappelle l'auteur comme une personne affable, faisant montre d'une grande urbanité, satisfait de lui-même, très répandu dans les émissions télévisées et sur les ondes radiophoniques. Mais voilà, à trop côtoyer le monde, comme un prêtre mondain, on en oublie le principal : son sacerdoce. Je prédis une double mort à cet immortel, la première fut éclipsée par celle de Johnny Hallyday comme le décès de Cocteau le fut par celui Édith Piaf. Mais la plus navrante ou la plus rassurante, c'est selon, est que l'on peut s'attendre, sans trop préjuger de l'avenir, à ce que son oeuvre soit complètement oubliée dans les vingt-cinq années à venir. Pauvre Académie française!
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