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Critique de Enroute


L'histoire en est à ce point où l'Europe a deux problèmes à résoudre : celui de l'homme-masse et celui de son trop de succès. le XIXème siècle en augmentant significativement la diffusion des connaissances et la production industrielle dans le monde a certes permis au monde de s'élever d'un niveau, mais il a aussi produit l'homme-masse. Sa principale caractéristique, abreuvé qu'il est de civilisation, est de croire que l'égalitarisme est l'équivalence d'idée entre les individus, sans soupçonner que l'investissement intellectuel module en réalité la valeur de ces idées entre elles. de fait, l'homme-masse prend ce qu'il est et ce qu'il pense intuitivement très exactement pour équivalents à la pensée et à l'action de n'importe qui et, en retour, tout ce qui se trouve sur son chemin pour des productions (intellectuelles ou manufacturières) sans plus de valeur que les efforts qu'il met lui-même à produire sa pensée - c'est-à-dire aucune. de là sa "balourdise" qui fait qu'il impose sa vulgarité simpliste au monde et qu'il prend la civilisation où il vit pour un acquis qui lui est dû. le problème de l'homme-masse, c'est qu'il est incapable de gouverner le monde et que son mode d'action est la brutalité. Il faut donc l'empêcher de prendre le pouvoir et, au plus vite, "reprendre le commandement". L'autre problème, c'est que l'Europe a européanisé le monde. Ortega y Gasset relève que ce que l'on tient pour une caractéristique essentielle de l'Amérique, son pragmatisme et sa technique, sont justement nés en Europe au XVIIIème siècle, c'est-à-dire au moment de la naissance des Etats-Unis. le problème ne vient donc pas de là. C'est qu'en s'étant internationalisée, les têtes de pont de l'Europe que sont l'Allemagne, l'Angleterre et la France, se sentent à l'étroit dans leurs frontières respectives, et cela provoque leur démoralisation. Bref, la solution, la seule, ouvrir les fenêtres, donner de l'air, en un mot, créer l'Europe, c'est-à-dire l'ultra-nation.
Plus que la thèse, c'est l'écriture, très imagée, dynamique et vivifiante que j'ai trouvée enthousiasmante. Il faut aussi noter que le texte est écrit en 1930 et qu'il a surtout vocation à évoquer le franquisme, le fascisme et peut-être Ortega le voit-il déjà, le nazisme. Pourtant, puisque la thèse est somme tout relativement sobre et s'élève au-dessus des horreurs qui lui sont contemporaines, elle s'applique assez bien à notre monde actuel et incite à réfléchir sur notre avenir en tant qu'ensemble de population et sur le rapport que nous pouvons entretenir avec tous ces objets qui nous entourent et autres médias innombrables, dont l'utilisation et la consultation frénétique nous assimilent certainement, au moins par instants, à cet "homme-masse"...
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