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Critique de sarahauger


La trilogie psychiatrique de James Osmont, parue aux Editions Nouvelle Bibliothèque, regroupe trois romans en un seul volume. Trois histoires menées par un fil conducteur, la musique, qu'il est également possible d'écouter en parallèle, des flashs codes offrants un accès à la playliste.
Trois histoires qui nous promènent aux confins de la pathologie psychique et tous ses noms barbares, et on sent que l'auteur, avec toute son empathie, maîtrise son sujet.
La folie regorge d'une telle amplitude de possibles. Et contrairement à ce qu'on pourrait croire, elle ne se croise pas que dans l'enceinte confinée de l'hôpital psychiatrique.
Tour à tour, on plonge au coeur de la psychose, de la névrose et des états limites, et bien plus encore.


Même si c'est en ces lieux que tout débute, on rencontrera aussi la « petite folie », celle qui n'offre pas autant de symptômes et ne nécessite pas d'enfermement, ou est passée a travers les mailles du filet, celle qui ronge un peu plus chaque jour, qui use et pousse vers l'irréversible, vers la réalisation d'actes effroyables, contre les autres ou contre soi-même.
On ne rencontre pas que la maladie mentale, le mal est lui aussi grandement abordé dans ces trois opus.


Le projecteur éclaire également ceux qui vouent leur carrière à aider les âmes en peine. On ressent la difficulté de ces métiers, les risques que l'on prend à tutoyer la détresse des hommes au quotidien. Tous ces portraits sont empreints d'un grand réalisme, d'une authenticité qui me fait dire que je pourrais presque en reconnaître certains pour les avoir croisés un jour sur mon chemin.


On remonte aux origines du mal qui ronge tous ces personnages, on entrevoit leurs enfances perturbées, maltraitées, délaissées, en manque d'amour. Tous ces destins gâchés par des carences liés au passé. Les maltraitances de toutes sortes, même celles qui ne disent pas leur nom portent leur lot de responsabilité dans la construction défaillante de nombreuses personnalités abîmées.
« Mais quoiqu'on y fasse, c'était son vécu personnel, abandonnique viscéral, ses fondations, quoi que vaille la piètre maçonnerie sur des bases carencées. »


Régis, c'est tout l'univers de la psychiatrie. On y découvre les délires, la fragilité, l'hyperacuité, l'interprétation du malade schizophrène. C'est un monde hors du temps, un milieu protecteur pour la plupart des internés bien que situé hors de la réalité. Et quand celle-ci s'invite en ces murs, elle devient source d'angoisse et d'interprétation supplémentaire. Régis, c'est une lutte de tous les instants contre soi-même, mais quel moyen existe-t-il pour sortir en vainqueur de cette vaine lutte ?
« Dompter le réel : la question ne se pose pas pour le commun des mortels ! Mais pour lui, cela devenait au contraire un enjeu fondamental. »


Sandrine, c'est la vision du soignant qui prend à coeur son travail. Peut-être trop, car sa forte implication envers ses patients la pousse vers une lente descente aux enfers dans la dépression et la mélancolie, celle qui ne présente rien de poétique. Quand l'empathie et la distance thérapeutique font place à la sympathie et à l'attachement, la pente devient glissante. Quoi de pire, que de découvrir un jour, l'envers du décor, avec tout ce que cela implique.
« Cette femme était devenue ce qu'elle méprisait : une faible qui ne fait pas face, qui profite à tort de la solidarité nationale, souffrant d'un mal qui ne se voit pas, mais doit surtout ne jamais être vu. »


Dolorès c'est une personnalité borderline, constamment sur le fil du rasoir, sans cesse à repousser ses limites, tout le temps entre deux passages à l'acte, dans l'excès permanent, l'autodestruction. C'est une jeune fille meurtrie au plus profond d'elle-même qui cumule les carences affectives et questionne à sa façon les notions d'attachement et d'amour, si tant est qu'elle soit en capacité de les comprendre.
« Dans ces moments-là, elle n'était même plus sûre de qui elle était vraiment : « sortir de ses gonds », « être hors de soi », elle vivait l'expérience au premier degré, dissociative. Aucune limite.»
Mais Dolorès, c'est bien plus que cela. Ce dernier acte clôt cette époustouflante trilogie. le questionnement du bien et du mal s'approfondit encore. On sort aussi de la psychiatrie pure pour croiser les folies et horreurs de notre monde. On quitte le vase clos pour affronter « le monde réel ».
Au cours de cette histoire, on rencontre nombre d'âmes meurtries, de personnages complexes et tourmentés, on s'enfonce dans les profondeurs les plus noires de l'être humain, on visite la violence, les addictions, les TOC, les scarifications, on côtoie les blessures les plus secrètes, les plus sombres. On prend le risque de s'égarer aux confins de l'aliénation mentale.


L'écriture riche et précise s'habille de poésie et de spleen, le tout agrémenté de citations choisies, de dessins torturés, et de musiques que j'avoue, je n'ai pas écoutées, mais dont j'ai simplement lu les traductions qui émaillent l'ouvrage. C'est un travail incroyable pour faire coller les paroles des chansons qui accompagnent la noirceur des vécus de chacun des protagonistes. Nos nerfs sont mis à rude épreuve, nos émotions sont bousculées, chahutées.
L'intensité de ce qui se déroule sous nos yeux monte crescendo de page en page.


« Ce qu'il y a de plus affolant pour un être doué de conscience, c'est de ne plus pouvoir arrêter sa pensée.» Et ce livre en connaît un rayon pour ce qui est de faire s'activer le cortex.
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