Ce roman est une véritable épopée : il nous plonge, ainsi que son jeune héros, dans la tourmente de la révolution russe et de la prise de pouvoir bolchévique, en Ukraine, dans la région de Chépétovka. Si l'on en croit la biographie de l'auteur, c'est un roman très largement autobiographique.
Nous suivons Pavel Kortchaguine, jeune homme rebelle, après son exclusion de l'école locale et sa découverte du milieu du travail, au buffet de la gare. D'un jeune sauvageon, Pavel deviendra, grâce à son grand frère Artem et à des rencontres opportunes, un jeune homme totalement engagé dans la construction du socialisme.
Pavel connaît bien quelques histoires d'amour, relativement malheureuses, mais c'est surtout l'élan héroïque, l'aventure de son époque, qui le porte. Il s'engage à 15 ans, sur un coup de tête, dans la cavalerie rouge de Semion Boudienny, jusqu'à être gravement blessé dans une charge. Il se révèlera, par la suite, un excellent cadre, capable d'entraîner et de motiver aussi bien de jeunes recrues militaires que de jeunes paysans du komsomol (Union Communiste de la Jeunesse). Il ne compte pas ses heures, ni ses efforts, allant jusqu'à faire partie du détachement qui déblaie la neige dans des conditions terribles au chantier de Boïarka, pour ravitailler la ville en bois, ou encore à travailler sur la frontière avec la Pologne, et à chasser les bandes armées qui sévissent dans la région.
Sa santé se dégradant, il envisage enfin d'écrire un roman sur sa vie, pour ne pas rendre les armes…
Mon avis sur cette lecture :
Ce roman est vécu de l'intérieur, et nous donne donc à voir, quasiment à vivre, cette réalité de manière orientée, et même sans doute partisane. C'est toutefois un éclairage intéressant, puisqu'il conte la mise en place du régime soviétique à ses débuts, tout en nous offrant des fenêtres sur des moments importants : les batailles avec la Pologne, l'opposition de Trotski, la mort de
Lénine ; toutefois, c'est le plus souvent une vision très quotidienne et réaliste, qui nous fait entrer de plain pied dans la vie des Ukrainiens en cette période tourmentée, mais aussi porteuse d'espoir.
Les personnages sont attachants, on retrouve avec plaisir le parcours de certains des amis de Pavel, et l'on entre avec facilité dans leurs motivations. Même les personnages secondaires sont pittoresques et bien dépeints – ce roman est bouillant de vie, et l'on ressent l'amour de l'auteur pour les gens simples, le prolétariat, à qui il a consacré toute sa vie brève et intense. Par ailleurs, il évoque bien la camaraderie entre les hommes et les femmes, et l'auteur se montre d'ailleurs franchement partisan de l'émancipation de celles-ci par le savoir et l'action collective.
La principale restriction que j'émettrais, qui ne m'a pas facilité la lecture de ce roman déjà long, c'est la construction assez hachée. le roman donne l'impression davantage d'une juxtaposition de scènes de genre et tableaux, que d'une composition mûrement réfléchie et dynamique. Je me suis prise à me demander si la rédaction n'en avait pas été fragmentaire – il se trouve que l'auteur a procédé à plusieurs réécritures, en demandant l'avis de ses camarades, pour que le roman soit plus juste politiquement. C'est peut-être dommage, car le roman perd en force du fait de cette parcellisation.
Cela reste malgré tout une lecture vivante et sympathique, ainsi qu'une fresque informative remarquable, et sans nul doute inspirante pour son époque.