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EAN : 9782754825733
264 pages
Futuropolis (08/06/2022)
3.65/5   17 notes
Résumé :
En sept années fulgurantes, Vaslav Nijinski est devenu un mythe. Il est à la danse ce que Picasso est à la peinture : il a ouvert les portes de l'art contemporain, brisé les règles esthétiques dans un élan de génie créatif, et provoqué par cet acte délibéré un changement irréversible.
Dominique Osuch revient sur la vie de ce danseur étoile et chorégraphe russe d'origine polonaise, "proto punk" qui dans les années 1910 a attiré les personnalités artistiques le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Vaslav Nijinski est l'un des plus grands danseurs de tous les temps selon cette biographie. J'avoue ma totale ignorance de ce personnage comparé à Picasso. Il a visiblement révolutionné la danse au début du XXème siècle en étant chorégraphe que pendant 4 années qui ont suffi à le faire entrer dans la postérité de la danse contemporaine.

Les présentations commencent assez mal par une scène où il devient complètement fou sur scène. On saura le fin mot de l'histoire après 245 pages assez chargées. C'est vrai que cela m'a donné tout de suite une très mauvaise impression.

Visiblement, il avait conscience de son talent et en a beaucoup profité. Même la célèbre Isadora Duncan qu'il va croiser ne trouvera pas grâce à ses yeux. C'est dire sur ce personnage plutôt indolent et arrogant. Il est vrai qu'il a beaucoup fasciné le gotha ainsi que les intellectuels et artistes de ce siècle. Rodin va le prendre en modèle pour ses esquisses par exemple.

Je ne suis pas arrivé à éprouver de l'intérêt car cette biographie bien que chargée m'a parue assez frivole en détails inutiles censés nous faire mieux connaître le personnage qui sombrera plus tard dans la schizophrénie. Bref, j'avoue que je n'ai pas trop aimé ce traitement assez académique et pompeux.

C'est tout de même un drame que de voir un tel talent sombrer petit à petit. Il passera trente années d'asile en maison de repos jusqu'à sa mort ce que cette biographie ne montrera pas pour rester sur une note assez positive du style « il n'était pas fou juste talentueux ».

A noter que les époques sont mélangées ce qui ne contribue pas du tout à une certaine fluidité dans la lecture. Il reste néanmoins le magnifique dessin qui met en valeur les personnages et les décors de ces célèbres opéras. On perçoit même de la grâce et de l'élégance dans les mouvements de ce danseur hors-pair.

Maintenant, les goûts et les couleurs ne se discutent pas. J'ai préféré dans le même genre « Joséphine Baker » pour tout dire. C'est à chacun de voir et de se faire sa propre idée sur cette étoile flipante de la danse.
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L'important, c'est le coeur qu'on met dans les choses et pas tellement la taille de la maison, ni la richesse.
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Ce tome contient une histoire complète, une biographie de Vaslav Nijinski (1889-1950). La première édition date de 2022. Cette bande dessinée a été réalisée par Dominique Osuch, pour l'histoire, les dessins et la mise en couleurs. Elle comprend 255 pages. L'ouvrage se termine avec une biographie de cinq pages, une bibliographie de quinze ouvrages, et une documentation iconographique de six documents visuels sur les chorégraphies du danseur.

Prélude. En janvier 1919, la famille Nijinski séjourne à Suvretta House, à Saint Moritz. Romola est sortie avec ses patins à glace, et elle dessine des arabesques en dansant, bien couverte dans un chandail de laine. Ce dernier par ressemblance de motif, évoque la croix en bois que Vaslav Nijinski s'est attachée au torse par une étoffe blanche. Il danse ainsi accoutré, torse nu, nue jambe dans la neige. Dans son esprit, il déclare qu'il veut dire aux hommes qu'il est Dieu. Il est ce Dieu qui meurt si on ne l'aime pas. Il a pitié de lui-même car il a pitié de Dieu. le soir du 19 janvier 1939, tous les notables et riches bourgeois se pressent à Suvretta House pour venir assister à la représentation du danseur : il paraît qu'il va se marier avec Dieu. La foule remplit bien vite le grand salon. le silence se fait progressivement, et Nijinski entre en scène, en tenue blanche, tenant une chaise sous le bras gauche. Il demande à la pianiste qui va l'accompagner de jouer quelque chose, du Chopin ou du Schumann. Elle s'exécute et il reste assis sur la chaise sans bouger. Son épouse s'approche pour demander à la pianiste de jouer quelque chose de plus connu, un extrait des Sylphides par exemple. Il se lève d'un bond en colère, criant qu'il n'est pas une machine et qu'il dansera quand il en aura envie. Il se rassoit, se concentre et se relève pour danser la guerre, guerre que les individus présents n'ont pas empêchée et dont ils sont aussi responsables.

Acte I. (étincelles) Variation de l'élu(e). 29 mai 1913 sur la scène du théâtre de l'Élysée, Vaslav Nijinski et la troupe des Ballets russes interprètent le sacre du Printemps d'Igor Stravinsky, avec une chorégraphie de Nijinski. La salle reste interdite au début, puis les réactions se divisent entre spectateurs sous le charme, et une majorité lançant des injures et sifflant pour huer. Tant bien que mal les artistes terminent la représentation, sous les huées généralisées. Ils se retirent dans les coulisses où l'imprésario des Ballets jubile : ce scandale constitue les prémices d'une révolution de l'histoire de la musique et de la danse. Première chute. À l'été 1895, à Nijni dans le Novgorod, les époux Nijinski finissent de s'habiller pour sortir, laissant leurs quatre enfants seuls. L'ainé Stanislav est attiré par la musique, vers la fenêtre ouverte. Il se penche et chute du troisième étage. Son père a vu la scène et il se précipite pour le récupérer dans ses bras, et ainsi amortir sa chute, sous les yeux de son épouse et de leurs trois autres enfants.

Un vrai défi : rendre compte de la vie et de l'art d'un danseur dans une bande dessinée. Dominique Osuch est déjà l'autrice de [[ASIN:2203079495 Niki de Saint-Phalle: le jardin des secrets]] (2014). Elle a choisi d'entamer cette évocation de la vie du danseur-étoile en 1919, après sa période la plus novatrice de 1912 à 1917. le lecteur est immédiatement conquis par les mouvements de Nijinski dans la neige, le découpage pour montrer l‘enchaînement de mouvements, les postures qui évoquent une maîtrise du corps peu commune, et une réelle grâce. La scène de danse suivante sur la scène de Suvretta House est toute aussi saisissante : la dessinatrice superpose le corps en mouvement du danseur sur des images de fond relatives à la guerre, faisant apparaître ce qu'il danse, la souffrance du soldat sur un champ de bataille de la première guerre mondiale. L'acte I s'ouvre avec la représentation du ballet le sacre du Printemps : l'effet premier est un peu atténué par la mise en scène de tous les danseurs, et par la priorité donnée aux réactions des spectateurs dans la salle. Par la suite, le lecteur assiste à plusieurs séances d'entraînement à l'école impériale de danse à Saint Petersburg, à quelques pointes, à quelques instants de L'après-midi d'un faune, du ballet le Spectre de la rose (chorégraphie de Fokine, 1911), les répétitions et une partie de la représentation de Petrouchka (chorégraphie de Fokine, 1911), du Sacre du Printemps, de la représentation de Till l'Espiègle (chorégraphie de Nijinski, 1917) et de Jeux (chorégraphie de Nijinski, 1913). En fonction de ses attentes, le lecteur peut se retrouver satisfait de voir évoqués ces ballets, moments essentiels de l'oeuvre du danseur, ou un peu frustré que l'autrice ne leur ait pas accordé plus de pages avec une composante vulgarisatrice ou pédagogique plus développée. le début fait bien ressortir la rupture de l'approche artistique de Vaslav Nijinski, son caractère disruptif.

En termes de structure de cette biographie romancée, la scène du prélude fait sens : montrer le moment où le danseur-étoile est au sommet de son art, et en même temps déjà enfermé dans son monde, dans sa maladie. Par la suite, il vaut mieux que le lecteur soit un peu familier la vie de Nijinski s'il ne veut pas perdre le fil par moment. L'autrice donne régulièrement un repère temporel avec une année, avec la représentation d'un ballet, avec un fait historique, ce qui permet de se situer. Mais certaines scènes n'en bénéficient pas, et d'autres semblent faire implicitement appel à la connaissance préalable du lecteur en s'appuyant sur des liens de cause à effet, ou des événements tenus pour sus. le lecteur néophyte peut parfois se retrouver déstabilisé en se demandant comment s'est opéré le montage financier et logistique de tel ballet, ou un retour d'une tournée dans tel pays, ou encore le début ou la fin de telle ou telle relation. En outre, l'ouvrage ne prenant pas en charge un rôle de vulgarisation, le lecteur ne prend conscience des talents de précurseur innovateur de Nijinski qu'au travers de la réaction du public, ou d'autres créateurs comme Isadora Duncan (1877-1927), ou Sarah Bernhardt (1844-1923), sans parvenir à bien saisir la nature de son génie et son expression.

D'un autre côté, il s'agit également de la vie d'un individu à une période bien identifiée dans des cercles sociaux particuliers. Les pages présentent une belle variété visuelle, avec une proportion significative de plans taille et gros plans, sans qu'ils ne deviennent majoritaires. L'artiste réalise des pages au dosage parfaitement équilibré entre traits de contour définissant bien les silhouettes, les traits de visage et les formes des bâtiments, des intérieurs, des paysages, et une mise en couleur qui vient nourrir les surfaces ainsi délimitées. La qualité de cette complémentarité n'apparaît que si le lecteur fait l'effort conscient de séparer les traits de la couleur. À la lecture, les deux composantes se fondent dans un tout harmonieux. le récit commence avec cinq pages silencieuses, à l'exception d'une très courte phrase, donnant à voir l'ambiance lumineuse complexe et enchanteresse au-dessus de la glace, la texture du pull en laine de la femme, l'ambiance lumineuse très particulière de la neige à la fin de la tombée de la nuit, le paysage enneigé de montagne avec les sapins et au milieu Suvretta House. Puis il passe à la chaude lumière à l'intérieur du bâtiment avec les bourgeois bien emmitouflés, en habit ou robe de soirée sous leur manteau. le lecteur se trouve transporté dans ce lieu, à cette époque.

Au fil des épisodes de la vie de Vaslav Nijinski, le lecteur voyage et se mêle à différents cercles sociaux, grâce à une narration visuelle riche, solide, élégante et légère. Ainsi il est le témoin de la chute d'un enfant depuis le troisième étage dans une cour d'immeuble. Il assiste à une représentation de marionnettes Petrouchka, aux exercices de danse dans l'académie de danse impériale de Saint-Pétersbourg, à la remise de prix par l'empereur et l'impératrice dans le théâtre Mariinsk à l'occasion de la fête de l'empereur, à un bal masqué dans le palais Kchessinskaia, à une discussion intime autour du bassin à carpe de la demeure du prince Lvov à Saint Pétersbourg, à des ripailles dans une taverne mal famée en compagnie de prostituées bon marché, à une répétition sur les marches d'un palais à Monaco, à des roulades dans l'herbe entre Nijinski et sa fille dans l'île de Bar Harbor aux États-Unis, à des répétitions sur le pont d'un paquebot lors d'une traversée transatlantique vers Buenos Aires, etc. À chaque fois, les costumes sont choisis et représentés avec soin, à la fois en termes de d'exactitude historique, à la fois en cohérence avec le lieu, l'activité et le climat.

Afin d'éclairer la danse de Vaslav Nijinski, l'autrice met visuellement en relation des expériences de vie fortes, voire traumatiques et certaines de ses chorégraphies, de ses mouvements, ce qui donne à voir la façon dont il exprime ses émotions, ses ressentis, ses sentiments. Cela amène Dominique Osuch à mettre en scène de manière descriptive ou de manière allusive ces moments. le lecteur peut voir Stanislav monter sur le rebord de la fenêtre, perdre l'équilibre et tomber, ou Vaslav tomber vers le fond d'une piscine remplie puis pousser sur ses jambes pour remonter sans que l'inquiétude ne se lise sur son visage alors qu'il ne sait pas nager. de même le lecteur le voit enfant, lourdement chuter lors d'exercices de danse sans surveillance du fait de la malveillance d'un de ses camarades, ou encore avoir une relation sexuelle avec un homme plus âgé, alors que par comparaison la répression sanglante de la foule le 8 janvier 1905 se limite à deux images, ou encore le mime d'un orgasme à la fin de la première représentation de L'après-midi d'un faune n'est surtout évoqué que par les mots.

Une bande dessinée très ambitieuse : réaliser une biographie de la vie de Vaslav Nijinski qui est bien documentée, ce qui impose de faire des choix, reconstituer une époque historique, et de nombreux lieux et cercles de société, rendre apparent l'apprentissage de cet artiste hors du commun, son approche en décalage avec les traditions, sa vie intime, ses traumatismes et les événements qui ont marqué sa personnalité et sa sensibilité, leur incidence sur son art. La narration visuelle s'avère d'une élégance rare, grâce à une complémentarité organique épatante entre formes détourées et couleurs, et une capacité étonnante à mettre la description au service de la sensation et de son expression. du fait de ce parti pris sous-jacent, la lecture peut parfois sembler heurtée, le propos ne relevant pas d'une exposition explicative explicite ou d'une vulgarisation, mais d'un parcours de vie nourrissant et modelant un artiste, d'un besoin vital de s'exprimer.
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J'étais curieuse de découvrir au moins une partie de la vie de Nijinski et surtout ses apports en tant que danseur et chorégraphe d'avant-garde du début du XXème siècle et j'avoue avoir été assez désarçonnée par ce roman graphique de Dominique Osuch.

La structure narrative aux nombreux chapitres avec des temporalités complètement éclatées, faisant sans cesse des allers-retours m'a plus perdue qu'autre chose, les pièces du puzzle s'ajoutant selon moi dans un assez grand désordre (même s'il y a une certaine logique, tout de même), l'intérêt de nombre de détails m'a vraisemblablement échappé.
Est-ce une volonté de mimer par la forme la santé mentale défaillante de l'artiste ou son style si particulier ? Pour ma part, j'ai trouvé cela superflu et maladroit.

J'ai tout de même appris certaines choses sur Nijinski, la biographie récapitulative de fin a le mérite de clarifier le tout et de remplir des blancs du récit, mais j'y ai peu trouvé de plaisir.
J'ai apprécié globalement le dessin, surtout des mouvements, scènes et costumes de danse. J'aurais aimé que ses grands rôles et ses propres mises en scène soient davantage approfondies, résumant au minimum le contenu et l'approche de Nijinski - c'est assez bien fait pour quelques menues idées concernant "l'après-midi d'un faune", "Jeux" et "Till l'espiègle", mais un goût de pas assez pour moi.

Peut-être quelqu'un connaissant bien la vie et l'art de Nijinski s'y retrouverait-il mieux.
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Retour sur la vie d'un prodige de la danse classique, Vaslav Nijinski (1889-1950) dans un album de 255 pages agrémenté en toute fin d'une reprise chronologique de sa vie résumée en 5 pages.
Danseur étoile puis chorégraphe, Dominique Osuch nous montre en quoi Nijinski a totalement révolutionné la danse devenant ainsi un mythe.
Avant une fin tragique il aura croisé les différentes personnalités intellectuelles et artistiques les plus en vue de son époque, parcouru le monde, sans cesser de rappeler son attachement à la culture de son pays et son amour à sa mère.
C'est la découverte détaillée d'une vie riche mais aussi d'un homme tourmenté que nous propose de faire l'auteur.
Le dessin et la mise en couleurs, particulièrement réussis, permettent de passer outre un scénario parfois un peu confus.

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Mettre en lumière la vie d'un danseur étoile par le dessiN, c'est un défi que Dominique Osuch a brillamment réussi. Traduire la danse et le mouvement à l'aide de la couleur, en nuançant l'ombre et la lumière, c'est magnifiquement réussi.

Nijinski est un danseur qui a marqué les esprits et la danse contemporaine. Un avant-gardiste, un danseur génial devenu fou. Une étoile filante de la danse moderne.

Le roman graphique commence le jour où Nijinski est entré en fusion avec Dieu et s'est brûlé les ailes pour sombrer dans la folie.

Nijinski est né à Kiev en 1889, d'origine polonaise. Ses parents sont danseurs mais très tôt se séparent. Un père volage, sa mère, Eléonara qui devra l'élever seule avec son frère et sa soeur, frère qui tombera du 3ème étage et deviendra mentalement handicapé, des faits qui laisseront probablement des traces pour Vaslav qui en souffrira.

Il sera admis à l'école impériale de ballet de Saint Pétersbourg contre la volonté de son père, probablement jaloux. Vaslav est un prodige, c'est le plus aérien des danseurs, il va briser les codes, créer l'adoration ou le scandale avant de sombrer dans la folie.

Modernité et inventivité, le tout dans un contexte historique retraçant une époque culturellement et politiquement complexe.

Intéressant.

Ma note : 8/10

Lien : https://nathavh49.blogspot.c..
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critiques presse (1)
ActuaBD
26 juillet 2022
Au final, ce roman graphique au long cours, est une belle réussite. Libre sur la forme et particulièrement bien informé, il nous donne envie d’en savoir plus.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Budapest, le 6 mars 1912. Ma mamoussia chérie, je crois que je suis dans une période de confidences. J’ai besoin de te raconter aujourd’hui cette épouvantable journée du 8 janvier 1905, lorsque nous avons enfreint les ordres des maîtres de l’École Impériale parce que nous voulions voir les cosaques avec leurs fouets et leurs chevaux qui devaient défiler dans la ville. Nous sommes tombés sur une énorme manifestation d’ouvriers. Nous étions tous les trois : Babitch, Tola et moi, à ne pas avoir obéi, et à n’être pas rentrés chez le dimanche après la messe. Nous avons été happés par la foule qui se dirigeait comme un énorme fleuve vers le Palais d’Hiver du Tsar. Impossible d’aller contre le courant ! Nous nous sommes tenus très fort les mains pour ne pas être éloignés les uns des autres. Nous avons eu peur de la foule avec ses poings levés, ses visages en colère. Un jeune homme en voyant nos uniformes aux emblèmes de l’Opéra impérial nous a donné un drapeau rouge en rigolant. Nous avons été amusés et fiers de le brandir parmi tous les autres. Tout à coup, c’était comme si nous faisions partie de la manifestation envers le tsar ! Mais les gens étaient pacifiques, ils avançaient sans armes, seulement avec les poings nus et criaient qu’ils voulaient manger, qu’ils voulaient pouvoir nourrir leur famille, suppliant le Père des peuples. Devant la Palais d’Hiver, quand nous sommes arrivés, des soldats étaient postés tenant en joue leurs fusils à baïonnette qui luisaient dans le jour pâle de l’hiver. Les cosaques étaient bien là. Ils se tenaient immobiles en ligne, bien droits sur leurs chevaux. Un jeune officier a crié quelque chose en traçant un cercle avec son épée. Personne n’a compris ce qu’il voulait dire quand tout à coup une salve de balles a explosé dans l’air glacé et immédiatement de nombreuses personnes sont tombées au sol parmi la foule. Alors ce fut la cohue. Les gens couraient dans tous les sens en hurlant. Les balles sifflaient. Les corps tombaient. La neige rougissait. Nous avons fui tous les trois comme du gibier aux abois en nous tenant très fort pour ne pas nous perdre. Nous avons couru à travers la perspective Nevski jusqu’à tourner dans la rue du Théâtre. À ce moment, a surgi de nulle part une horde de cosaques sauvages, le sabre et la nagaïka dégoulinants de sang. Ils frappaient sur les gens au hasard en tous sens, femmes enfants vieillards succombant sans avoir le temps de s’enfuir. Nous glissions sur les pavés trempés de sang gluant. J’ai reçu coup avec l’extrémité du fouet qu’un cosaque brandissait. J’ai senti le goût du sang qui coulait sur ma bouche. Nous nous sommes perdus les uns les autres dans la panique. Il y avait du sang partout sur les murs aussi. Ils tranchaient tout ce qui dépassait fendant les corps tremblants jusqu’à la colonne vertébrale. On voyait les squelettes mis à nu. Je ne sais pas comment nous avons fini par retrouver chacun la porte d’entrée de l’école par laquelle le portier nous a tirés tour à tour promptement à l’intérieur. Nous avions vécu la pire journée de notre vie, tremblants plusieurs jours après. Aujourd’hui je ne peux encore pas sans convulsions évoquer ces événements. Le lendemain de notre escapade, Babiteh nous a annoncé que sa sœur n’était pas rentrée à la maison. Les parents affolés nous ont demandé de la chercher partout car il y avait trop de morgues, de commissariats et d’hôpitaux pleins de cadavre pour qu’ils aient tous les deux le temps d’en faire le tour avant que les corps ne soient enterrés. Nous avons cherché partout, dû regarder chaque pauvre fille morte, mutilée pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas de la sœur chérie de Babiteh. Cette sœur que tout le monde aimait et qui était si belle et si douce. Nous avions tous été amoureux d’elle ! Nous ne l’avons pas retrouvée. Elle n’est jamais reparue. Elle a sûrement été jetée dans une fosse commune comme des centaines d’autres. J’ai gardé depuis un sentiment diffus de l’horreur du monde et d’une souffrance incommensurable. Un sentiment de mort. Pardon ma petite Maman pour toutes ces horreurs. Je n’aurais pas dû te livrer des souvenirs terrifiants. Je ne t’enverrai jamais cette lettre. Mais cela m’a fait du bien de te l’écrire car seule toi tu peux comprendre mon désarroi et ma grande souffrance. Ton fils adoré et aimant.
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Un jour, j’ai été très malade parce que j’étais allé voir une cocotte avec Tola et elle m’avait refilé une chaude-pisse. Un docteur m’a donné une piqûre à faire dans le membre, et mes testicules ont gonflé un autre docteur m’a parlé des sangsues. Les sangsues se tortillaient, c’était horrible, et moi je pleurais, je pleurais. Heureusement Pavel m’a fait soigner par son docteur spécialiste. Le prince a été si gentil avec moi, plus qu’un père. Il m’a aimé comme un homme aime un jeune garçon.
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Je ne pouvais pas supporter l’idée de toute cette souffrance, de tous ces morts, de toute cette jeunesse fauchée par la bêtise et la soif de profit. Je fuyais des heures comme une bête aux abois mais toujours, il me fallait revenir et continuer à vivre.
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Je veux vous dire à vous les hommes, que je suis Dieu. Je suis ce Dieu qui meurt, si on ne m’aime pas. J’ai pitié de moi-même, car j’ai pitié de Dieu. […] Je suis ce dieu qui meurt si on ne l’aime pas. Je suis cet enfant qui tombe parce qu’il est trop léger mais que l’air est trop lourd. Parce qu’il fallait que ça commence : le poids des choses, le poids de la vie. J’ai sombré avec Stasik ce jour-là, j’étais avec lui par la fenêtre et l’angoisse du vide ne m’a plus jamais quitté.
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J’ai composé ce ballet sur le désir. J’ai composé ce ballet tout seul. Diaghilev voulait avoir deux garçons. Il m’a plusieurs fois parlé de cette intention mais je lui ai montré les dents. Les deux garçons sont les jeunes filles et Diaghilev c’est le jeune homme. J’ai déguisé ces personnages exprès car je ne voulais pas que les gens éprouvent du dégoût. J’éprouvais du dégoût, c’est pourquoi je n’ai pas pu terminer ce ballet.
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