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Critique de Dridjo


Dridjo
06 septembre 2014
Janis Otsiémi fait partie maintenant du paysage africain du polar. Après la lecture de son "Le chasseur de lucioles", j'ai plongé dans ce 4ème livre du genre avec l'espoir que l'impression mitigée de ma découverte de son univers s'estompe. Las, ce "African Tabloïd" m'a fait l'effet d'un déjà-lu qui ne soulève pas mon enthousiasme.

Janis Otsiémi campe des agents de la Direction Générale de recherche d'un côté et de la Police Judiciaire de l'autre. Deux services de l'ordre gabonais fait de personnages assez hauts en couleur et qui suivent en parallèle des enquêtes différentes.

"Maryline ne travaillait pas. Son parcours était presque le même que celui de la plupart des jeunes filles qu'on pouvait rencontrer dans les rues grisâtres des matitis de la ville. Elle avait cassé le Bic au cours moyen première année. Elle savait à peine orthographier son nom sur un bout de papier. A vingt ans, elle avait attrapé un gosse avec un étudiant qui l'avait aussitôt abandonnée. Elle avait élevé son môme toute seule."

D'un côté, le meurtre de Roger Missang, un journaliste anti-pouvoir assez virulent et qui fait passer sur l'enquête une atmosphère de complot politique au plus haut niveau. de l'autre côté, une affaire de vol de chéquier d'un ancien ministre, qui a toujours le bras long, dont les voleurs se servent pour aller vider les comptes remplis d'argent d'origine douteuse, évidemment. En fond sonore, plusieurs petites affaires sont relatées mais ces deux enquêtes sont celles qui rythment les deux cent pages du roman.

"Rythme" est bien le mot. C'est justement son manque qui est le plus flagrant. Pour rester dans le registre policier, on a l'impression de lire un "Inspecteur Derrick" ou un "Les 5 dernières minutes" quand on a l'habitude de "Les experts" ou "NCIS". L'auteur a le souci de nous dépeindre l'environnement gabonais, de faire des apartés sur l'histoire social et politique du pays, sur les vies de – plus ou moins – luxures des flics, … et justement, ces parenthèses trop nombreuses ont eu tendances à couper mon rythme de lecture. de plus, certaines anecdotes, scandales politico-financier, semblent ne pas être de la fiction et, quand on ne connait pas le contexte gabonais, on a du mal à placer la limite entre ce qui est de l'imaginaire de l'auteur pour habiller son récit et ce qui serait une dénonciation des réalités politiques du pays.

"Pavel Kurka a été découvert au petit matin dans sa voiture par une dame qui allait aux champs. C'est elle qui a alerté les gendarmes du CAP Estrias. Quand ils sont arrivés sur les lieux, ils ont découvert son identité. Ils ont tout de suite appelé le ministère de la Défense nationale qui a confié l'affaire au B2 dès les premières heures."

Cependant, Janis Otsiémi garde ce que ses lecteurs aiment ; son style. L'auteur utilise une langue vivante et proche de ce que serait la réalité de ses personnages. de nombreux néologismes qui sont surtout une restructuration de la langue française par des gens qui se sont approprié ses mots pour en faire quelque chose de propre. La langue française de Janis Otsiémi n'appartient pas à la France, elle est gabonaise, sans aucun doute. Cette lecture m'a fait penser – toutes proportions gardées – à "La reine des pommes" de Chester Himes. Même souci de coller à l'atmosphère, même irrespect pour la langue "littéraire" tout en jouant avec ses mots, avec amour.

Le choix de donner au narrateur omniscient cette "langue" particulière faite parfois de parti-pris dans les propos m'a quelque peu gêné. J'ai préféré "entendre" cette langue gabonaise de la voix des personnages alors que, de la part du narrateur, j'aurai préféré un ton plus neutre.

Ceux qui sont réellement friands de polar auront peut-être une autre impression mais le lecteur lambda que je suis aurait souhaité trouver plus de suspens, une tension qui monterait crescendo, au de-là de la violence qui, elle, existe et est parfaitement dosée. L'auteur n'en fait pas trop.

J'ai aimé les personnages, tous, flics et voyous, qui sont bien conçu et qui donnent l'impression qu'on pourrait les rencontrer dans les rues de Brazza ou d'Abidjan. Contrairement à ce que j'avais pensé du "Chasseur de Lucioles", dans cet "African Tabloïd" nous découvrons Libreville. Les descriptions faites de la capitale gabonaise permettent de la visualiser de façon assez réaliste, je pense, même pour ceux qui n'y ont jamais mis les pieds.

Au final, je garde ce sentiment mitigé que j'ai eu à la lecture du "Chasseur de Luciole". Une lecture pas déplaisante, mais les aspects "polar" m'ont laissé sur ma faim et le sentiment qu'avoir une "langue" bien à lui ne suffit pas à l'auteur pour faire adhérer complètement le lecteur lambda que je suis. Mais je vous invite tout de même à le découvrir.

Lien : http://www.loumeto.com
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