Citations sur Rendez-vous dans le noir (27)
Elle, elle avait la maison et les ténèbres qui l’emplissaient. C’était son monde à elle, compact, dépouillé de toute autre chose. La maison était une coquille d’œuf, l’obscurité le blanc et elle le jaune. Elle en éprouvait à la fois tristesse et douceur. C’était comme si on l’avait emmitouflé dans un linge doux.
Le médecin lui annonça qu'elle perdrait presque complètement la vue sous peu. Tout découlait de l'accident. Elle traversait la rue quand une voiture, grillant le feu, l'avait renversée. A part un violent choc à la tête, elle n'avait souffert d'aucune blessure. Et pourtant, la lumière l'avait abandonnée.
Son cœur, dur et affûté au point qu'elle-même risquait de s'y blesser, s'était adouci au contact de cette petite marque de gentillesse.
Sous les yeux d'Akihiro, un flocon de neige tomba dans la main de la jeune femme. Sa blancheur s'évanouti aussitôt, laissant place à une goutte d'eau translucide. Il était témoin d'un instant précieux. Il aurait voulu continuer à marcher ainsi à l'infini. La lente descente des flocons aériens vers le sol qui les absorbait lui rappelait que, malgré tout, le temps poursuivait son cours.
Je ne sais que faire pour toi, si ce n'est te prendre dans mes bras et te serrer contre moi.
Une réflexion de ce genre lui donnait l’impression d’être un cube de bouillon qui n’aurait pas fondu, à la dérive dans le ragoût qu’on appelle le monde. (p.93)
Jusqu’alors, l’intérieur de la maison avait été un espace où clos flottant dans l’univers, semblable à un oeuf de ténèbres. Sa tiédeur avait préservé Michiru du froid, la laissant reposer dans un monde rassurant.
L’oeuf ne flottait plus dans l’air, elle avait le sentiment qu’il s’était posé. Dans son obscurité, elle avait moins l’impression de se trouver aux confins de l’univers. La présence d’un tiers l’ancrait à terre. (p. 133)
L'express allait passer. Qu'arriverait-il s'il le poussait sous les roues du train? Peu importait qu'il y ait ou non du monde sur le quai. S'il ne tuait pas Matsunaga il sombrerait dans la folie, il sentait l'urgence l'envahir. Tout en songeant a la notion de chatiment, Akihiro s'approcha du dos de l'homme. Combien de personnes celui-ci avait-il bien pu faire souffrir? Au loin, le signal du passage a niveau retentit. Traversant le ciel glacial, par-dessus les toits des maisons, le son parvenait a ses oreilles...
Elle deviendrait juste une âme pondérée, qui ne ressent ni joie ni peine, que rien n'émeut.
Le bourdonnement sourd du réfrigérateur lui parvint de la cuisine. La maison se décomposait doucement de l’intérieur, dans une pourriture sucrée. C’était l’enfer. Son univers contenu dans la maison tombait lentement, s’enfonçait dans les entrailles de la terre pour finir sa course en enfer.
Elle en était convaincue.