Les derniers jours de Muhammad

J'ai beaucoup apprécié cet ouvrage et je remercie chaleureusement mon ami Mohamed (ici présent) de m'en avoir offert la lecture. En fait, je n'avais aucune curiosité particulière vis-à-vis de l'Islam, je n'en connaissais strictement rien et pour tout dire, je m'en portais très bien. Mais voilà, j'ai fait cette immersion dans « Les derniers jours de Muhammad » et la porte d'un autre monde s'est ouverte.

L'historicité concernant ce Prophète est abondante, il y a semble-t-il toute une littérature à son sujet ; c'est justement cette abondance de récits et de versions souvent divergents voire contradictoires qui a conduit Hela Ouardi à aller y voir de plus près et confronter l'immense masse des textes disponibles, aussi bien sunnites que chiites pour tenter d'approcher la vérité historique, tenter de démêler la vérité de la fable.
Elle a centré son enquête principalement autour des événements mystérieux ou incompréhensibles qui auraient eu lieu au moment de la mort de Muhammad : de quelle mystérieuse maladie souffrait-il ? Pourquoi l'a-t-on laissé sans sépulture pendant trois jours ? L'aurait-on empoisonné ? Pourquoi n'a-t-il pas pu organiser sa succession ? Où est-il réellement mort ? Mais aussi comment le Prophète a-t-il vécu son agonie dans une période de crise politique qui menaçait son autorité ?
C'est passionnant, captivant…. Mais au-delà des récits et intrigues, ce qui m'a le plus intéressée c'est qu'à partir, et autour de seulement quelques épisodes de sa vie, quelques tableaux de la personnalité de ses principaux proches et des premiers califes, et des circonstances particulières de sa mort, on en arrive à s'interroger en profondeur non seulement sur les circonstances de la naissance de l'Islam et son essence, mais de sa paternité même ! Mais aussi et surtout, sur le prolongement et les résonances que ces événements peuvent avoir aujourd'hui, en tout cas, il y a là matière à nous interroger…

Cette lecture m'a été d'un grand profit en me donnant quelques premières clefs de compréhension du vaste et complexe monde musulman d'aujourd'hui, et l'envie d'en découvrir un peu plus, dès que l'occasion de lectures aussi intéressantes se présentera.

le prophète reste un grand méconnu malgré sa place centrale dans l'imaginaire collectif musulman et sa mort est toujours nimbée de mystères. Hella Ouerdi, qui a, dans un premier temps, ramassé des notes de lecture sur la vie du prophète en se basant sur les récits de la tradition musulmane, a été par la suite encouragé à publier ses notes. C'est en fait un projet de lecture qui s'est transformé en projet d'écriture. Il en a résulté un livre traitant d'une période cruciale dans la formation du futur khalifat qui est la période des derniers jours du prophète de l'islam, Mohamed. Il lève, ainsi, le voile sur certaines vérités longtemps restées l'apanage d'une poignée d'érudits qu'on appelle dans le jargon des initiés "khasat el khasa". C'est une narration qui reconstitue le déroulement des événements sur l'état psychologique de Mohamed, sur la guerre de succession entre les différents prétendants. Tout ceci se passe avant, pendant l'agonie et après la mort du prophète. Pendant cette période, Hella Ouerdi, comme c'est mentionné dans les écrits de Boukhari, Mouslim ou Tabari, décrit le prophète dans un état d'abattement, de solitude et d'une certaine façon otage d'une "séquestration symbolique" par son entourage immédiat, à savoir ses compagnons et ses femmes. Alors qu'il revenait de pèlerinage de l'adieu ou "Houdjat el ouadaa" et venait de subir une défaite dans son entreprise de conquête de Jérusalem, alors sous l'emprise byzantine, le prophète sombrait dans une grande déception et de solitude. On lui a même refusé de dicter son testament dans le fameux épisode du jeudi avant sa mort et qu'on appelle "le jeudi de la calamité". Omar Ibn El Khattab s'est opposé à l'écriture de ce testament en invoquant que le prophète délire et que le Coran est suffisant. Ceci cache sa crainte qu'il soit écarté du pouvoir au profit du favori du prophète, à savoir Ali Ibn Abi Taleb. Ce dernier, cousin et gendre du prophète par Fatima, était le favori du prophète qui le voulait, selon la chercheuse, comme une courroie de transmission du pouvoir à ses deux petits-enfants Hacène et Hocine. Cette situation n'arrangeait pas forcément les autres prétendants qui se sont ligués pour l'isoler et l'écarter de la succession ainsi que ses deux fils. Ces deux derniers seront, d'ailleurs, victimes d'assassinats physiques, après la mort de leur grand-père, par les califes ommayades, d'où la naissance du Schisme qui ravagera la "communauté des croyants «entre les sunnites et les chiites». On comprend aisément, après ce récit, que la figure sacrée du prophète s'est faite bien après sa mort ou autrement dit à postériori. Et ceci s'explique, en partie, par la volonté de réparer le "péché originel" qui est l'abandon du prophète. Les sources musulmanes sont, d'ailleurs, unanimes sur ce point comme l'affirme l'enseignante à l'institut supérieur des sciences humaines de Tunis. L'épisode de l'abandon du corps mort du prophète et sa putréfaction est plus que révélateur. Ce livre qui a été condamné dans plusieurs pays arabes et musulmans sans être lu, se base sur des sources musulmane, aussi bien Chiite que Sunnite qui curieusement se recoupent sur cette période.

Je salue un grand travail de recherche qui pose des questions cruciales sur l'Islam. Loin de la polémique du dogme et de la foi, Hela OUARDI revient sur la dimension historique et son importance pour la compréhension de la naissance de la religion islamique et son évolution à travers les siecles.
Un ouvrage très bien documenté et accessible.
Cependant on peut reprocher à l’auteur le fait qu’elle base tout son récit sur des témoignages qu’elle qualifie elle même de douteux et invérifiables. Aussi toute l histoire romancée qu’elle en tire n’est pas authentique ni véridique. De même les personnages du Prophète Muhammad et ses compagnons ne sont que des fictions imaginés par l’auteur. Ce livre n’a de valeur historique que par les questions qu’il pose.

Je tiens d'abord à souligner que ma lecture et mon évaluation ci après cité, ne représentent nullement ma propre opinion sur le sujet, quoique, comme tout livre, on est d'accord sur quelques points et non sur d'autres.

On réssent que l'auteur à dépenser une énergie phénoménale dans la lecture minusieuse de pratiquement toutes les sources de la tradition musulmane. Avec un aspect comparatif aboutissant des fois à des contradictions sur des faits et dires cruciaux.

Cependant, l'auteur a fait preuve de beaucoup de subjectivité en utilisant des adjectifs qui ne sont liés à aucune source biographique mais à de simple conclusion (par des préjugés ou par activité cérébrale qui lui est propre)

Ce que je retiens par contre, c'est qu'il ne faut pas se prétendre détendeur de la vérité absolue, allusion faite au courant sunnite, surtout que le premier livre existant décrivant la biographie et le parcours du prophète est attribué aux shiites.

Ce qui m'a aussi impressionné c'est le nombre important de question posées dans les différents chapitres auxquelles l'auteur tente de répondre, mais aussi, invite tous les lecteurs à y contribuer et s'approcher encore plus de la vérité absolue inaccessible.

Il faut d'abord saluer le travail de recherche de H. Ouardi qui a réussi, face à la masse colossale et confuse des sources musulmanes, à dénouer les informations, les recouper et tenter de dégager une chronologie des derniers jours de Muhammad.
Le problème vient du fait que ces sources de la Tradition ne livrent pas toujours la vérité historique pure, mais une vérité parfois orientée ou remaniée au gré de considérations idéologiques ou politiques.
Prisonnière du cadre balisé par cette orthodoxie musulmane, l'auteure ne peut rien faire de plus que poser des questions sur les nombreuses zones d'ombre entourant l'épisode de la mort du Prophète.
Ses pistes de réflexion sont parfois intéressantes, mais parfois aussi hasardeuses voire fantaisistes.
J'ai également été gêné par un certain manque d'impartialité de Mme Ouardi, qui cherche souvent à discréditer les compagnons de Muhammad, notamment les deux futurs premiers Califes qui ne sont pas présentés sous un jour glorieux.
Le fait-elle pour susciter le débat (sur un terrain polémique) ou est-ce le signe d'un parti-pris idéologique ?
Ce livre aura tout de même éveillé ma curiosité et me donne envie d'en savoir davantage sur l'islam des origines.