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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Nora, décoratrice de théâtre, femme moderne qui élève seul son fils, découvre à la mort Maroussia, sa grand-mère, les lettres qu’elle et son grand-père Jacob ont échangé pendant plus de vingt-cinq ans. Une correspondance épistolaire sincère, franche, respectueuse et attendrissante. « Un quart de siècle d’amour, d’amitié, de mariage… »

L'époque de Jacob et Maroussia (à partir de 1910, la mort de Tolstoi), et le présent de Nora (à partir de 1975-1981) sont les deux temps de narration de cette histoire familiale, une histoire de femmes libres surtout, qui entendent exister intellectuellement et socialement. D'origines bourgeoises mais progressistes, Nora comme sa grand-mère Maroussia sont féministes, souhaitent s'épanouir dans un travail valorisant et croient à la possibilité d'une justice sociale. Ce qui sur ce dernier point ne fut pas le cas de Jacob qui quand « La justice sociale tant attendue frappa ... abandonna sa carrière à peine commencée à l'institut et trouva un travail dans le département des statistiques du commissariat du peuple au Travail d'Ukraine ... se réduisit à des discussions dans un cercle intime ... son principal interlocuteur restait Maroussia, emballée par l'édification d'un avenir grandiose. » Jacob qui, par la suite accusé d'activités antisoviétiques, passa une bonne partie de sa vie en relégation.

De l'époque tsariste à celle de Poutine, en passant par celle de la révolution bolchevique et de l'URSS, avec Ludmila Oulitskaïa nul besoin d'enjamber les vides, ils n'existent pas ou si peu dans cette saga prenante de grand ampleur (plus de 600 pages quand même) inspirée par la vie de sa famille pendant tout le XXe siècle. Des juifs intellectuels et artistes pour la plupart, surdoués pour certains, dissidents pour d’autres, des hommes et des femmes avec des hauts et des bas qui ont été, à ne pas en douter, des acteurs et des témoins privilégiés de leur époque.
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Publié en 2015 en Russie et traduit dès 2018 en France, L'échelle de Jacob est un très ambitieux roman, qui conte sur environ un siècle l'histoire d'une famille, et en arrière-fond l'histoire de la Russie pendant cette période. Différentes époques sont évoquées, autour de quelques personnages clés, nous suivons en parallèle deux progressions, celle de Nora, scénographe de théâtre née en 1943 , et celle de ses grands-parents, Maria et Jacob, le destin de ce dernier prenant de plus en plus de place.

Tout débute en 1975, à la mort de Maria. Nora récupère dans la chambre occupée par sa grand-mère, à qui elle a été très attachée à un moment, des livres et une malle en osier contenant divers documents, dont des lettres et carnets intimes. le roman va ensuite dérouler, à tour de rôle, le récit de la vie de Nora, dans toutes ses évolutions, et les carnets et lettres de la malle, en partant de 1905. Les deux récits se répondent, et nous comprenons mieux certains événements de la vie de Nora à la lumière de l'histoire de grands-parents, parents, oncles, cousins, amis… L'auteure s'est inspirée pour écrire ce livre, de l'histoire de sa propre famille, des lettres qui ont existé, des archives de la police politique, des photos et sans doute des souvenirs. Il m'est difficile de dire à quel endroit se trouve la frontière entre le réel et l'imagination de l'écrivaine, mais c'est sans doute un livre très personnel, voire intime.

Le destin de tous ces personnages est façonné par l'histoire au combien tourmentée de leur pays. Pogroms, révolutions, guerres, répressions, déportations : il n'est pas possible d'échapper à tous les malheurs du temps. La maîtrise des événements échappe aux individus, dans tous les aspects de leurs vies, y compris les plus personnels. Car c'est sur cela qu'est centrée le roman, sur les personnages, sur leurs existences, leur quotidien, leurs bonheurs et malheurs, la manière dont ils se construisent, leurs valeurs pourrait-on dire. La grande histoire est au second plan, en filigrane, elle n'est pas vraiment détaillée ni expliquée. Par exemple, la guerre d'Afghanistan est évoquée par le choix que fait Nora d'envoyer son fils, Yourik, aux USA, pour échapper à son service militaire. le lecteur qui voudrait en savoir plus sur l'histoire russe sera déçu, mais le projet de Ludmila Oulitskaïa n'est visiblement pas d'écrire un roman historique à proprement parlé.

La question centrale du livre, est à mon sens, comment vivre. Dans une époque tourmentée, pour les personnages du roman, mais la même question se pose évidemment partout et de tout temps. Jacob et Nora, décident, non pas d'ignorer ce qui se passe autour d'eux, mais de faire quand même ce qu'ils considèrent avoir à faire. Jacob va continuer à apprendre, à étudier, même si les résultats de ses recherches seront détruites. Nora va imaginer ses scénographies et mises en scène, même si certaines seront très vite retirées de la scène, voire jamais jouées. Mais l'essentiel est que tout cela a été fait, pensé, que le faire les a enrichi, leur a permis de se réaliser. Nous sommes dans un milieu intellectuel et artistique, et penser et créer donne sens à leur vie. Mais au-delà, c'est leur capacité à tirer plaisir des moments de bonheur que l'existence leur offre, plus ou moins parcimonieusement, qui est essentielle. Un refus de ressassement, de victimisation, de juger les autres, qui ont fait plus de compromissions, qui ont choisi un parcours moins inconfortable à priori.

Un très beau livre, très sensible et intelligent, très romanesque et très réflexif à la fois. Un immense plaisir de lecture.
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Cette passionnante chronique familiale nous raconte à travers les vies de Nora et de Jacob l'éternel récit des destins brisés par les évènements historiques. Il s'agit ici de la Russie du 20 ème siècle, de la révolution jusqu'aux années Poutine. S'inspirant de la correspondance de ses grands-parents, Ludmila Oulistskaïa, met en scène des personnages qui se débattent dans les rets du filet de la grande histoire.
Nora, petite-fille de Maroussia et de Jacob, a grandi dans l'URSS post staliniste et contrairement à sa grand-mère, elle a pu développer ses talents artistiques dans la conception de décors pour le théâtre et la mise en scène. A l'aube de la vieillesse, elle prend connaissance de la correspondance entre Jacob et Maroussia et découvre l'histoire tragique de ce couple fusionnel que la révolution communiste et les répressions qui ont suivi ont fini par séparer.
Alternant la vie de Nora et celle de Jacob dont on suit la vie à travers les nombreuses lettres qu'il a écrites à sa femme de ses différents lieux de détention, l'autrice remonte le cours du temps et des générations qui se succèdent, donnant ainsi une grande amplitude à son roman. de cette transmission découle la consolation que rien n'est jamais perdu et que chaque naissance est un nouveau pari sur l'avenir. C'est dans ce sens que l'on peut interpréter le titre « l'échelle de Jacob » à la portée hautement symbolique, ainsi que le prénom du personnage principal.
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Au fil des quelque 600 pages de ce roman, nombreuses sont les existences qui se croisent, dans un arrangement où la chronologie n'a pas sa place. Jacob, musicien et lecteur insatiable ; Maroussia, artiste indépendante et flamboyante ; Nora, scénographe sensuelle et audacieuse ; Yourik, musicien curieux ; Heinrich, fils si désireux de protéger sa mère : tous constituent une famille qui, de génération en génération, connaît les visages successifs de la Russie.

Je retiens de ce grand roman que les femmes peuvent certes être des mères et des épouses, mais toujours en restant les personnages de leur propre existence, les actrices de leur histoire. « le destin avait voulu que toute sa jeunesse, elle soit l'épouse d'un seul homme, mais intellectuellement, elle était une femme libérée, une femme moderne, émancipée. » (p. 507) L'échelle de Jacob est un texte profondément féminin et féministe. En écrivant l'histoire de sa famille, l'autrice s'inscrit dans une continuité artistique et affranchie qu'aucun régime politique n'a sur réduire au silence.
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Magnifique histoire de famille ! L'histoire avec son grand H est là pour le rythme mais pas pour s'imposer comme l'essentiel.
L'essentiel est ailleurs, chez cette femme à l'orée du féminisme , de l'émancipation. Elle est belle, coriace, intelligente, touchante. La grande et belle Russie en toile de fond. Les personnages sont touchants, surtout Jacob qui ne semble pas mériter de devenir ainsi "Persona non grata"
Ça sent les vieux livres au fond des malles, les vieilles photos et le parfum des grands mères à qui on n'a pas assez dit " je t'aime"
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Jacob Ossetzki est un personnage lumineux. Même si l'auteur Ludmila Oulitskaia nous met en garde et nous rappelle que son personnage principal c'est l'essence et les êtres incarnés n'en seraient que des demeures provisoires.
La correspondance de Jacob de 1911 à 1955 retrouvée dans une malle par Nora, sa petite fille, nous donne à lire les plus belles pages d'amour et de noblesse de ce roman fleuve. Ses lettres sont d'une exquise tendresse et d'une délicatesse remarquable.
L'échelle de Jacob ne se réduit pas à la seule correspondance de Jacob, elle embrasse 4 générations d'une famille juive d'intellectuels, d'artistes, d'ingénieurs ou de gens simples de la Russie impériale à la Russie actuelle. Intellectuel, économiste, scientifique musicien par dessus tout, Jacob verra son destin bouleversé par le régime soviétique. Des pires souffrances endurées il s'efforcera toujours de retenir le positif. Les femmes qui tenteront pendant ces périodes troublées de se libérer sont moins charismatiques. Nora, seule, les dernières années de sa vie parviendra à une belle sérénité.
La grande force de cette fresque est de ne pas s'appesantir sur les événements. Ni la Révolution, ni les deux guerres mondiales, ni la Shoah, ni la Perestroïka, ni le Goulag ne sont le sujet. L'auteur nous épargne avec subtilité cette épreuve...et pourtant j aime L Histoire. C'est une toile de fond tragique mais ce n'est pas un roman historique.
Les préoccupations théâtrales, philosophiques ou scientifiques de Jacob et Nora m'ont parfois semblé lointaines. Dire que ces réflexions plombent ce roman serait trop sévère mais il aurait gagné en légèreté sans certaines digressions.
On retrouve aussi non sans surprise, aux côtés de Tolstoï, Dostoïevski, Tchekhov ou Gorki des auteurs français dont l'aura est quelque peu flétrie aujourd'hui, Romain Rolland, Anatole France ou Giraudoux.
Il reste une formidable plongée dans une histoire, une géographie et un espace russe  si troublant et fascinant.
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L'échelle de Jacob entre ave brio dans le cercle des grandes sagas Russes. Avec en prime l'avantage d'être résolument moderne, puisque qu'elle investi une large période - de 1975 à maintenant. Sur le devant de la scène, la scénographe Nora, féministe convaincue, hérite de la malle de sa grand mère Maroussia, dont elle découvre la vie à travers de nombreuses lettres ... ainsi que le point commun qu'elles partagent : la volonté, même femme, de vivre leur vie comme elles l'entendent. Seulement, l'histoire soviétique bouleverse les convictions ...

Cette saga familiale est hautement instructive, documentée à grands renforts de précisions historiques. le récit n'en demeure pas moins vivant, puissant.
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Nora trouve dans une vieille malle les lettres de son grand père à sa grand mère et c'est le début d'une saga familiale dans la Russie du XXe siècle. En filigrane la grande Histoire, de 1911 à 2011, et l'incidence des événements (Révolution de 1917, Nep et déportation, guerres mondiale ou d'afghanistan) sur le destin de Maroussia, Jacob, Nora ou Yourik.
De Moscou à Kiev, de Novossibirsk à Kharkov, de Biisk à New York, on aime et on souffre, on pense et on vit, au fil de ces 600 pages, dans l'intimité de ces êtres ballotés par l'existence mais portés par la passion du savoir, l'ambition de (se) comprendre et le désir de créer, la volonté de surmonter ses difficultés et de transcender le malheur. D'une plume qui « fouille » les tréfonds de l'âme humaine Ludmila Oulitskaia évoque, sans pathos mais avec sensibilité la maladie, la maternité, l'amour conjugal, le féminisme, la vieillesse et la mort.
Cerise sur le gâteau, on croise au gré de cette odyssée familiale les grandes figures qui ont marqué leur temps dans les domaines de la musique, de la science, du théâtre, de l'art, de la littérature, de l'economie et, bien entendu de la politique.
Il souffle entre les lignes un air de Tolstoï, de Tchekov, et pourquoi pas d'un Paul Auster … preuve que l'intelligence, la culture, la soif d'apprendre et de partager, le talent sont universels.
Avec l'humour en prime (la naissance du jeune Jacob, dernier né de la lignée et le récit de l'accouchement est un véritable numéro des Marx Brothers... Hilarant et surréaliste !
Cette Échelle de Jacob m'a, personnellement, fait grimper très haut !!

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Lorsque Nora s'occupe de l'enterrement de sa grand-mère, elle découvre une malle contenant courriers et documents retraçant toute une vie à travers le XXe siècle mouvementé de la Russie. S'inspirant de sa propre famille, Ludmila Oulitskaïa (découverte il y a fort longtemps avec « Sonietchka » et « Médée et ses enfants ») nous retrace donc les aléas de cette famille d'artistes et d'intellectuels en mêlant intelligemment périodes et personnages au fil des chapitres. On y découvre principalement Nora bien sûr, décoratrice de théâtre, sa relation compliquée avec Tenguiz, un metteur en scène géorgien, et élevant seule une enfant surdoué et asocial, à la limite de l'autisme. Celui-ci, Yourik, connaîtra bien des déboires dans la Russie post-soviétique, ainsi qu'aux États-Unis et cela malgré un talent manifeste pour la musique. Il faut dire qu'il est le fils de Vitia (ou Viktor), un mathématicien de génie qui semble dénué de tous sentiments humains et premier mari presque involontaire de Nora. Celle-ci est la fille d'Heinrich, un ingénieur soviétique qui était lui-même un enfant difficile avant de subir indirectement les purges staliniennes. Marié dans un premier temps avec Amalya, la mère de Nora, partie filer le parfait amour avec Andreï à la campagne, il montre un certain égoïsme, à moins que ce soit une méthode d'autodéfense. Quant à Amalya, elle fut une mère/copine avant que les deux femmes ne s'éloignent au fil des ans. La grand-mère Maroussia et le grand-père Jacob (dont pourtant Nora n'avait jamais entendu parler avant de récupérer les documents) ont connu un amour fusionnel durant plus de 30 ans. Pourtant le couple ne fut pas réuni très souvent : le service militaire, la révolution de 17, la guerre civile qui s'ensuivit mais surtout les différentes condamnations de Jacob au fil des ans séparèrent souvent les amoureux. Condamnations d'un homme qui ne pouvait s'empêcher au fil des ans d'étudier, d'analyser, de critiquer et de réfléchir. Des actes hautement répréhensibles dans l'empire soviétique. Tous ces personnages, et bien d'autres encore vont nous faire découvrir un siècle de guerres, de révolutions, de violence et d'idéologies meurtrières. Et pourtant la vie ressort victorieuse de ce siècle tumultueux. Si la multiplication des personnages et la pagination importante peuvent effrayer, tout autant que la structure morcelée du récit, il n'en est rien. Une fois que les personnages nous sont présentés, nous les suivons avec plaisir dans le monde du théâtre, des mathématiques, de la génétique, de l'économie ou encore de la musique. Un roman fleuve en hommage à un pays continent ainsi qu'à une famille qui en a façonné certains contours.
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Alors que la grand-mère Maroussia vient de mourir, sa petite file Nora retrouve une vielle malle abîmée dans laquelle elle retrouve les correspondances entre Maroussia et mari Jacob. De ces lettres, Nora découvrira les faces cachées de ses grands-parents, leurs engagements, marqués par l'Histoire du pays du XXème siècle. Un livre qui met en avant les femmes, malgré les tourments.
Une saga familiale attachante et passionnée.
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