Comment vivre avec ce sentiment de culpabilité lorsque la personne qui s'est jetée sous vos roues est morte sur le coup ? Comment envisager sa vie quand, après 25 ans derrière les barreaux, on vous apprend que vous ne verrez plus votre fille Constance, percutée par une voiture ?
Voilà le contexte douloureux dans lequel sont plongés les deux personnages principaux de cette histoire. La mort accidentelle de Constance va les rapprocher malgré eux.
Nour, jeune trentenaire assistante de direction, file le parfait amour avec Jeff, fils de ministre. Sa vie n'est pas très exaltante, plutôt plan-plan, jusqu'à ce terrible accident qui la fait basculer dans la douleur et la dépression. le traumatisme est bien vu, c'est aussi le moment pour Nour de se pencher sur ce que sont vraiment sa vie et ses relations avec ses proches dont Jeff qui manque cruellement d'empathie.
Nour n'en finit pas de battre sa coulpe alors que sa responsabilité n'est pas engagée dans l'accident
« Tuer un individu, c'est être instantanément muté dans une dimension à part, une catégorie inclassable, une sous-division de l'humanité, à la toute dernière extrémité, un abject avènement. Un trou. Une enfonçure.
Il lui faudrait bien plus que mourir pour espérer revivre un jour. »
L'histoire de Nour alterne avec celle de Yarol, criminel incarcéré depuis de nombreuses années, dont la sortie est pour bientôt. Mais la mort brutale de cette fille abandonnée lorsqu'elle était bébé et qu'il espérait enfin mieux connaitre à sa sortie de prison le prive de tout espoir de réparation de son passé et le plonge dans le désespoir.
« A présent, il héberge une angoisse permanente, liquide et froide. Il est somnambule en pleine lumière, pauvre homme qui mendie l'oubli d'une abjecte réalité et celui de ses dégoûts passés. Il n'est rien. Il n'est plus rien. Il portait pour sa fille tous les rêves du monde. Il est aujourd'hui vaincu. »
Ces deux personnages vont se rencontrer dans des conditions très particulières et tout va s'accélérer. Sans doute que le fait que l'autrice est scénariste explique ce dénouement bousculé et invraisemblable. J'ai eu l'impression d'être dans une mauvaise série. C'est d'autant plus regrettable que les ingrédients d'une bonne histoire étaient là.
Avec des développements parfois longuets, j'ai trouvé le récit trop complaisant. le taulard meurtrier qui a abandonné sa femme et sa fille et devient ce repenti qui vit dans une douleur extrême le deuil d'une fille qu'il n'a pas vue depuis 25 ans et avec laquelle les ponts sont coupés, on a beaucoup de mal à l'admettre ou alors c'est du registre du fantasme.
Dans l'ensemble, les personnages manquent de subtilité et, avec leurs personnalités poussées à l'excès, on pense à ces acteurs qui surjouent.
J'ai trouvé l'écriture redondante, avec trop d'emphase dans le style.
Mon intérêt au début de ma lecture s'est vite émoussé au fil des pages. Dommage !
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C'est l'histoire de deux destins qui se percutent entre un taulard et une jeune femme ; celle-ci vient d'écraser la fille du premier.
L'alternance des chapitres racontent comment chacun va vivre cet évènement.
Cela parait triste dit comme ça mais la plume, tout en subtilité, de l'auteure arrive à nous procurer de l'émotion et un peu de légèreté.
Bien sûr, il est question de culpabilité mais de beaucoup de solitude aussi et de difficulté à trouve sa place.
La milieu carcéral est envisagé par le prisme de l'amitié, de la solidarité entre détenus et par la peur de la liberté qu'éprouve ce père endeuillé.
Les pages s'enchainent ; ces deux-là vont-ils se rencontrer, se pardonner et surmonter leur chagrin ?
On croise un directeur de prison, un prêtre, une femme qui saura avoir les bons gestes le jour de l'accident, une mère, une soeur et ceux qui ne sont déjà plus là.
Les personnages sont attachants et émouvants.
Un roman poignant et délicat.,
Merci à lecteur.com pour cette découverte
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(Les premières pages du livre)
Douce est la nuit sur Paris. Nour marche en léger retrait de cet homme qu’elle appelle Jeff, diminutif de Jean-François. Il la tient par la main. Entre eux, une distance égale à deux bras tendus. Les cheveux blonds de la jeune femme, brossés de part et d’autre d’une raie centrale, forment comme les ailes d’un goéland. L’application que Nour déploie à trotter sur ses talons trop fins, à la même cadence rapide que son amoureux, le sien depuis vingt et un mois, est séduisante. Sous ses pieds, le trottoir est humide, elle est attentive aux fêlures dans la pierre, aux trous par endroits. Jeff avance vite, elle sautille derrière, la démarche imposée par ses foutues échasses est chancelante mais il fallait être bien habillée ce soir, élégante sans en faire trop, dans sa tête, elle répète ses gammes : Bonsoir Monsieur, bonsoir Madame, votre fils est une merveille, j’ai une chance folle, c’est absolument délicieux, la truite saumonée est divine, quel honneur pour moi de dîner à votre table, allez-y, s’il vous plaît, je vous en prie, contez-moi votre vie passionnante…
Un instant, Nour s’est égarée.
— Ça va ma chérie ?
Jeff se retourne vers elle, l’instant d’un sourire, il est tendu, un dîner chez ses parents, c’est quelque chose, un moment important, une fièvre toujours, au contraire de ceux passés chez la mère de Nour, qui ne suscitent ni affres ni embrasement.
Le grand boulevard bordé de noyers anciens est à deux voies. Il charrie le bruit des voitures qui s’y croisent dans un léger fracas, ça claque en douceur et, tout autour, la ville se prépare à dormir. Le large trottoir n’en finit pas de couler sous ses pas, on dirait une rivière juste avant la débâcle. Au numéro 258, la porte en bois vernis s’ouvre, tractée par le poignet gracieux de Maurice, soixante-sept ans dans la vie et vingt-cinq en fonction dans cette imposante demeure en pierres de France. La façade grise, fraîchement ravalée, s’étire sur 12 mètres au moins. « Le Château », comme elle ironise parfois. Jeff embrasse Maurice, Nour le remercie, les manteaux sont ôtés et posés au vestiaire. Devant eux, le hall est vaste, au sol des carreaux de marbre blanc et noir dessinent un gigantesque échiquier, on dirait l’entrée d’un palace londonien. Dans un coin, deux fauteuils laqués dorés, tapissés d’un tissu à fleurs rose, trônent sur un carré de laine bouclée couleur poudre. À chacune de ses visites, Nour se demande qui peut bien s’asseoir là. Pour faire quoi ? Une pause avant de monter l’escalier central, magistral, placé comme une invitation à grimper à l’échelle sociale ?
— Tu es magnifique, souffle Jeff.
— Toi aussi, répond Nour.
Sur le moment, elle n’a pas d’autre idée.
Il doit y avoir une quarantaine de marches. Personne, c’est certain, n’a jamais compté. La robe noire de Nour est courte mais pas trop, son décolleté affirmé mais pas vulgaire, elle a enfilé des bas légers, la mi-saison regorge d’interrogations essentielles de ce genre, trench ou manteau, collants ou jambes nues, cachemire ou fil de coton. Nour, en réalité, s’en contrefout, la problématique affleure trois fois l’an, uniquement lorsqu’il s’agit de venir ici et de dîner avec ces gens.
Depuis trois ans, le père de Jeff est ministre de l’Industrie et son épouse, la mère de Jeff, femme-de-ministre-de-l’Industrie.
— Dans la famille, ça a globalement rendu tout le monde assez con.
C’est ainsi que Jeff avait décrit la situation à Nour une semaine après leur rencontre.
Et ça lui avait plu, la façon décontractée dont cet homme engageant, un grand brun sacrément baisable, avait qualifié ce fait exceptionnel, avec humour et sans esbroufe. La réalité, par la suite, avait été plus ambiguë.
Rapidement, Nour avait compris que la nature de son poste d’assistante de rédaction au journal Le Monde suscitait une sorte de malaise, à la fois parce qu’elle travaillait dans un média réputé de centre gauche alors que le ministre Tanguy Éluard appartenait à une majorité de droite ; mais aussi parce que sa position au sein du journal, insignifiante en réalité, sans aucun pouvoir ni ambition d’en avoir, faisait d’elle une espionne dans la place, certes, mais de bien modeste facture. Ce qui, compte tenu de l’éminent statut du ministre, semblait désobligeant.
Durant les premiers mois de leur histoire, Jeff avait semblé rejeter l’idée qu’il puisse y avoir, même inconsciemment, deux camps au sein de son entourage proche. Et puis un jour, au retour d’un voyage d’affaires en Angola, Nour l’avait surpris qui murmurait au téléphone avec son père, dans une discrétion relative. Alors, sans détour, elle avait éclaté de rire, le ridicule de la situation s’était emparé d’elle, l’avait enlacée comme une étole gigantesque, elle n’avait rien pu faire d’autre que se gausser. Comme si elle avait l’intention de les trahir, le ministre et son fils, quoi qu’ils aient pu conspirer tous les deux ! C’était si mal la connaître, si mal l’apprécier surtout ! Plutôt que de reprocher à Jeff sa soudaine et ridicule paranoïa, elle avait choisi d’en rire, elle était tellement gênée pour lui qu’il puisse penser qu’il fallait se protéger d’elle, au point de chuchoter grossièrement derrière un rideau comme au temps des vaudevilles et de la guillotine. Ça n’avait fait marrer qu’elle. À compter de ce jour, peu à peu, Jeff s’était mis à revêtir une étrange armure de fils de ministre, de plus en plus épaisse, une sorte de cape censée le préserver d’agressions extérieures dont il ne fut jamais capable de déterminer la nature précise.
Alors, imperceptiblement, leur vie avait continué, leur amour aussi, mais d’une façon un peu différente, comme s’ils partageaient désormais la même pitance mais qu’ils s’abreuvaient à deux sources discordantes.
— Bonsoir, ma jolie.
Tanguy Éluard procède ainsi lorsqu’il ne se souvient plus du prénom de Nour, en lui attribuant un inoffensif sobriquet coquin qu’il attribuerait à n’importe quelle minette de passage.
— Bonjour, Tanguy.
À dessein, elle se retient de l’appeler Monsieur le ministre en retour, bien qu’il ne lui ait jamais donné l’autorisation de procéder d’une autre manière, dès lors il affiche un air brièvement contrit, la désapprobation se lit clairement dans ses yeux, mais que peut-il maintenant qu’elle a osé ? Il se tourne vers son fils, lui expédie une étreinte couplée d’un sourire forcé afin d’évacuer son courroux. Jeff a entendu, il est secrètement navré pour son père, pourtant, à Nour, il ne reprochera rien. À quoi bon tenter d’éduquer quelqu’un qui se refuse à l’être ? Au bout de quelques longues minutes à gober des olives dénoyautées en faisant un bref point sur l’état mental et physique de chacun, Madame la ministre qui, dans l’intimité, se prénomme Agathe, invite les convives à passer à table. Elle le fait d’un geste délicat, ses mains aux longs ongles bardés d’un vernis rubis brassent un air pleutre de salon mondain, constitué d’invisibles compromis en tout genre. Agathe est la reine des angles arrondis qu’elle polit avec énergie dans le sillon de son mari hâbleur. Nour la considère avec compassion, pour rien au monde elle n’aimerait être à sa place, quelle sorte de femme fait encore ce choix-là, celui de l’ombre perpétuelle avec, pour seul salut, les rires forcés d’une blague au formol et de la tarte fine au dessert. Parfois, Nour ose des questions plus personnelles à la mère de Jeff, un audacieux « comment allez-vous, chère Agathe ? » Mais la maîtresse de maison, bien que reconnaissante, botte en touche car parler d’elle n’est pas une option, et ses réponses – « bien, bien, Tanguy travaille beaucoup » ou « il a une vie à cent à l’heure, mais on ne va pas se plaindre » – sont l’aveu sans cesse répété d’une seconde place acquise pour l’éternité.
Ensuite, le dîner se déroule entre soufflé de homard et tournedos à la crème, tout ce qu’elle déteste, ces menus de l’an quarante que plus personne ne propose ailleurs que dans ces endroits où les traditions sont maintenues sous des cloches en porcelaine, assorties de privilèges dont quelques rares personnes se sustentent encore.
— Un tournedos à la crème, putain… D’écrevisses en plus. Un terre-mer.
Deux jours plus tard, avachie dans un canapé trop mou à siroter un café serré, Nour décrit le reste de la soirée, un supplice, à Rosalie, son amie journaliste rencontrée à la fac, engagée ensuite à Libé au service Culture, il y a cinq ans, pendant que Nour remplit encore des formulaires de déduction fiscale pour les déjeuners de son patron.
— J’ai été promue.
— Non ?
Nour ne s’étonne que pour la forme. Rosa est une travailleuse acharnée, elle l’a toujours été, l’exact opposé d’elle-même, et sa promotion n’a rien d’une surprise.
— Je m’occupe des portraits de quatrième de couv. Avec Sébastien. On est deux.
De joie, Nour pousse un cri d’Indien.
— Tu devrais écrire un papier sur mon beau-père. Une belle photo au gros grain en noir et blanc avec un titre un peu choc…
— « La crème de la crème » !
Rosa se marre et Nour se redresse pour ne pas avaler de travers.
— Tu réalises que le mec n’a pas arrêté de parler de prise de risque politique et de louer l’importance d’avoir confiance en les gens, de faire confiance ? Et, à côté de ça, il a passé son temps à se sentir agressé par tout, les opinions des autres, sa putain de sauce aux crustacés, la fumée de ma clope, le bruit des voitures.
Lasse, Nour relate sa conversation de l’avant-veille avec le ministre. Elle lui a raconté avoir acheté une automatique, silencieuse et propre, Éluard soupirant aussitôt, c’est le genre de considération qui l’assomme, du politiquement correct à l’emporte-pièce, ces gens qui se croient écolos parce qu’ils conduisent une hybride… Ses mots fatigués ont rebondi sur sa lèvre inférieure ourlée comme un tuyau avant de tomber dans un mépris saisissant. Dans un premier temps, Nour s’est rebiffée, vous pouvez pas dire ça, même Jeff a osé une plainte contre son père, que ce dernier a ignorée en changeant de sujet, ajoutant au mépris l’indiffé
Yarol ferme les yeux, sa tête doucement bascule vers l’avant, il acquiesce en silence et, aux parages de l’espoir, en lui, le calme advient. Peut-être en a-t-il assez de compter sur la douleur. Peut-être en a-t-il assez d’être un passant invisible dans l’air du jour.Nour affiche un sourire timide. Furtifs sont les bonheurs mais la voilà soulagée.Les yeux de Ponthus brillent d’une lumière douce et son visage semble à l’affût, quelque chose affleure, il le sent, en lien avec la joie ou le risque de la joie. Mais il se tait. À cet instant précis, dans ses entrailles, il a beau être le plus heureux possible, il s’arroge le droit de ne pas être apte à l’exprimer. Pas encore.Tout ne peut pas être si simple. Les progrès sont comme des poussins, ils forcent la coquille et éclosent en petits miracles, peinant parfois à trouver leur place ensuite. En ce jour de printemps qu’il constate par la fenêtre fendue là-haut de sept barreaux, vient à Yarol la pensée d’une légère victoire.
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Des contours brumeux plus que des traits distincts, une silhouette, peut-être une voix, une façon de se mouvoir, un éclat de rire, se précisent ensuite des cheveux vaporeux qui, le plus souvent, balaient une nuque. Des mains minuscules, de petites chaussures marron, une odeur de savon tiède - quelque chose comme du réglisse-, le velouté d'une peau si fine, transparente par endroits. Il entrevoit des yeux clairs et une main qui lui tend une feuille, avec une fierté portée par des mots encore en jachère. Lui revient aussi l'esquisse d'un premier dessin puis son émotion, celle d'un jeune père qui porte son enfant jusqu'à son visage comme on soulève un trophée, qui l'embrasse et, plonge dans son cou, l'inspire toute entière, elle et tous ses parfums d'un souffle nouveau.