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EAN : 9782879296791
300 pages
Editions de l'Olivier (20/08/2009)
  Existe en édition audio
3.72/5   1465 notes
Résumé :
Quelque part dans une Amérique du Sud imaginaire, trois femmes d’une même lignée semblent promises au même destin : enfanter une fille et ne pouvoir jamais révéler le nom du père. Elles se nomment Rose, Violette et Vera Candida. Elles sont toutes éprises de liberté mais enclines à la mélancolie, téméraires mais sujettes aux fatalités propres à leur sexe. Parmi elles, seule Vera Candida ose penser qu’un destin, cela se brise. Elle fuit l’île de Vatapuna dès sa quinzi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (236) Voir plus Ajouter une critique
3,72

sur 1465 notes
J'ai beaucoup aimé cette histoire qui peut apparaître comme une histoire simple de femmes sur une île et dans un pays imaginaire, d'ailleurs, peut- être pas si imaginaire que cela : Véronique Ovalde a inventé l'île de Vatapuna ( bien que l'auteure ait déclaré que des personnes lui ont dit que cette île ressemblait étonnamment à je ne sais plus quelle île des Caraibes) mais elle expose clairement la condition des femmes en Amérique latine, le fait de se retrouver seule pour élever des enfants qui y est courant , le machisme, la violence, la corruption, la présence d'ex nazis réfugiés quelque part en Amérique du sud.

Histoire simple en apparence donc, mais une histoire d'une violence inouïe si on considère la vie de chacune des femmes de la lignée :

- Rose Bustamente, qui gagne sa vie en se prostituant, puis jusqu'à un âge avancé, est amenée à pêcher des poissons volants en mer pour se nourrir et nourrir sa fille née tardivement après une liaison avec Jeronimo, homme pas très recommandable dont on ignore le passé et qui semble être venu se réfugier sur l'île pour une raison inconnue du lecteur.

- Violette, pauvre petite fille sans repère ( bien que sa mère, Rose ait essayé de lui en donner avec les moyens qu'elle possédait),

- Vera Candida notre héroïne, femme à la fois de caractère, ne se laissant pas manipuler, et fragile à la fois : la vie lui imposera des épreuves qu'elle assumera tout en se montrant parfois passive face à certaines situations : exploitation dans le travail, accueil des événements sans révolte apparente. Par deux fois elle choisit la fuite par amour pour ceux qu'elle aime.

- Monica-Rose qui aura la chance de pouvoir s'instruire et vraisemblablement de s'émanciper.

En observant le parcours de Vera Candida, on peut penser à la résilience : mise au monde par une mère dans l'incapacité de l'élever, et éduquée par sa grand-mère, elle subit une épreuve qui générerait un traumatisme important chez toute femme ayant vécu une telle situation, elle choisit la fuite, elle décide de s'en sortir et de donner à sa fille une autre vie, une vie un peu moins difficile que la vie qui aurait été la sienne à Vatapuna et on peut à nouveau parler chez Monica-Rose de résilience car elle est porteuse de tout ce qu'ont pu subir ses aïeules, il serait intéressant connaître le point de vue d'un psychologue sur cette question.

Vera Candida porte en elle l'évolution de la lignée : Rose, sa grand-mère est ancrée à Vatapuna, elle y mourra, Violette incapable de s'en sortir, se laissera prendre dans les filets de cette île, Vera Candida fuira Vatapuna, sans doute pour échapper à un destin similaire à celui de sa grand-mère puis s'y réfugiera à nouveau, mais Monica Rose, elle partira vers une vie toute autre et ne connaîtra jamais cette île.

Les hommes dans la vie de Vera Candida ont également attiré mon attention : violeurs pour un certain nombre d'entre eux, et qui sont à l'origine de l'extrême méfiance de la jeune femme et de sa situation précaire, ou exploiteurs si on pense à son chef dans cette usine de paniers repas où elle travaille de nuit, et puis survient itxaga, journaliste à l'origine de la fermeture du refuge pour mères célibataires ou s'est installé Vera Candida, mais qui apparaît comme une sorte de justicier, personnage qui renforce la vision que l'on peut avoir de ces hommes tel que Vera Candida les considère : plus il se montre humain, plus les autres apparaissent comme des monstres.


En tant que lectrice de ce roman, c'est avec grand intérêt que j'ai suivi l'évolution de Vera Candida, un livre que je conseille à toute personne qui s'intéresse aux problèmes de l'Amérique latine, aux difficultés rencontrées par les femmes dans le monde, à la psychologie, même si d'autre ouvrages creusent certainement plus la question.

Challenge tour du monde
Challengue multi-défis.
Lien : http://1001ptitgateau.blogsp..
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Une petite île d'Amérique du sud, le soleil, la chaleur, les hommes et trois femmes : Rosa, Violette et Vera Candida.
Rosa a été une prostituée très demandée, la meilleure du village, avant de devenir une excellente pêcheuse de poissons volants. Une existence tranquille, sans histoires, jusqu'au jour où elle croise la route de Jeronimo. Riche, sulfureux, mafieux sans doute, il se construit un palais à flanc de colline et la petite cabane de Rosa lui gâche la vue. Mais Rosa résiste, refuse toutes ses offres, ne souhaite même pas le rencontrer pour, finalement, tomber dans ses filets. de cette étrange histoire d'amour, lui restera une folle envie de liberté et une fille, Violette. Belle mais pas très futée, Violette se laisse séduire par tout homme qui la flatte ou lui fait un cadeau. Elle se laisse engrosser par un de ses prétendants et donne naissance à Vera Candida. Sa vie se finira tragiquement et c'est Rosa qui élèvera sa petite-fille privée de mère et née de père inconnu. Vera est intelligente, obéissante, c'est l'amour de la vie de Rosa. Et pourtant, Vera Candida quitte le village, quitte sa grand-mère, sans un mot, en cachette. C'est que Vera Candida a aussi croisé la route d'un homme violent, d'un porc qui a semé sa graine en elle. Trop honteuse pour se confier, elle a préféré rompre avec l'île et a atterri dans une maison pour mère célibataire sur le continent. L'adolescente est meurtrie mais loin d'être vaincue. Quand elle donne naissance à Monica-Rose, elle se jure de tout faire pour lui donner une belle et bonne vie. Seule, grâce à son opiniâtreté et sa rage. le beau journaliste Itxaga saura-t-il la convaincre de la pureté de son amour et de sa volonté de l'aider sans la blesser ?

Quand Véronique Ovaldé s'essaie au réalisme magique, cela donne un très beau roman avec de magnifiques figures féminines. Comparativement, les hommes sont pitoyables, jaloux, violents, violeurs. Sauf Itxaga, bien sûr. Mais il a dû faire ses preuves pour apprivoiser Vera Candida, issue d'une lignée de femmes qui ont souffert de la cruauté des hommes. A quinze ans, elle décide de se construire une nouvelle vie, loin de l'île qui a gardé ses aïeules enfermées dans le carcan des traditions patriarcales.
C'est un roman vif, violent, cruel, au style enlevé qui fait la part belle aux femmes. C'est aussi un roman coloré, exotique qui baigne dans une nature foisonnante, une chaleur tropicale qui exacerbe les sentiments et, sans avoir l'air d'y toucher, c'est un roman engagé qui dénonce les abus des hommes, pointe du doigt certains travers des sociétés d'Amérique latine. Une belle réussite.
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Véronique Ovaldé est une magicienne ! Elle m'a emmenée dans une île où il fait toujours chaud, où la vie s'écoule, lente et tranquille…Puis lentement mais inexorablement, j'ai suivi la trajectoire de ces 3 femmes (la grand-mère, la mère, la fille) enchaînées à un homme, immonde. La plus jeune des 3 s'échappe. Elle a bien raison car elle fuit l'inconcevable.
Véronique Ovaldé est une magicienne…Elle m'a emportée au pays des mots justes et forts, au pays des images qui parlent d'elles-mêmes.
Véronique Ovaldé, vous m'avez séduite mais vous ne m'abandonnez pas. Je vous ai suivie jusqu'au bout de votre histoire, tumultueuse mais si claire. Et après avoir tourné la dernière page, celle-ci va me hanter encore longtemps…
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Situé dans une zone imaginaire d'Amérique du Sud , le roman semble pourtant se passer dans des lieux réels.
Vera Candida se situe au centre du récit et pourtant sa mère Violette, sa grand-mère Rose occupent une place très importante également, ainsi que ses sentiments envers sa fille Monica Rose.
Ces trois femmes présentent un point commun, elles élèvent un enfant sans pères.
Rose se laisse séduire par un pêcheur. Violette se laisse séduire et tombe enceinte de Rosa Candida qui sera élevée par sa grand-mère. Vera Candida quittera l'île, pour échapper à son destin .
Les trois femmes veulent assumer leur destin, afficher une liberté mais sont habitées régulièrement par une grande mélancolie.
C'est avant tout un roman d'ambiance où l'écriture est très imagée. Ne cherchons pas les actions mais l'atmosphère et l'humour sous un certain détachement.
J'ai lu l'histoire en 2012 aux éditions "J'ai lu" avec une magnifique couverture.
Je me souviens d' avoir lu certains passages à voix haute tellement je les trouvais étranges et agréables à la fois.
Ne nous méprenons pas, certaines scènes sont cruelles et ne font pas la part belle aux hommes.
J'ai noté tout cela sur une petite fiche car à ce moment, je n'étais pas encore membre de Babelio.
Je me souviens cependant de nombreux détails et surtout du départ de Vera Candida .
Ma sympathie allait vers le courage de la grand-mère, Rose et de son attitude envers sa petite-fille.
Je commençais une relecture partielle du livre et finalement, j'ai tout relu car certains détails m'avaient échappé.
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« Ce que je sais de Véra Candida » est un roman d'une vitalité incroyable. Véronique Ovaldé nous transporte dans un lieu imaginaire, quelque part en Amérique du Sud et on suit avec un plaisir jubilatoire, trois femmes d'une même lignée. Son écriture est colorée, rythmée, les chapitres sont courts, pétillants, teintés d'une légère mélancolie, elle nous tient sous le charme de Rose, Violette et Rosa Candida. Rose était la plus belle prostituée de l'île de Vatapuna mais à quarante ans elle décida d'habiter une petite cabane en bois et de pêcher tranquillement des poissons volants. Fichu destin, le flamboyant Jeronimo vint construire sa villa au-dessus du village….
Bien des années plus tard, sa petite fille, Véra Candida s'enfuyait de l'île de Vatapuna à quatorze ans pour se délester de l'histoire familiale aux filles sans pères… A Lahomeria, où elle décida de faire table rase du passé, elle trouva sur son chemin, Itxaga, journaliste à L'Indépendant, venu mettre son nez dans le foyer d'hébergement pour jeunes mères abandonnées où elle résidait. A partir de là, rien n'arriva comme prévu.

Mais « Quand on lui apprend qu'elle va mourir dans six mois, Véra Candida abandonne tout pour retourner à Vatapuna ».

On comprend mieux pourquoi en lisant ce conte merveilleux qui parle avec une apparente légèreté et beaucoup de grâce de sujets lourds et de l'amour.




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critiques presse (2)
Lecturejeune
17 février 2012
Lecture Jeune, n°132 - décembre 2009 - « Rose Bustamente, la grand-mère maternelle de Vera Candida, avant de devenir la meilleure pêcheuse de poissons volants de ce bout de mer, avait été la plus jolie pute de Vatapuna ». Dans une Amérique du sud imaginaire, baroque, colorée et moite, trois générations de femmes affrontent leur destin : la violence des hommes, la maternité non choisie... Vera Candida, petite fille de Rose, choisit de rompre avec ce qui ressemble à de la fatalité : à 15 ans, enceinte, elle quitte l'île de Vatapuna. Loin des démons du passé, elle tente de prendre son destin en main, élève sa fille Monica Rose, et rencontre Itxaga qui tombe fou amoureux d'elle. Forcément, elle retournera à Vatapuna... Fable initiatique, saga familiale, le souffle romanesque de Ce que je sais de Vera Candida emporte... La langue de Véronique Ovaldé est sonore et joliment ornée ; elle construit un univers teinté de fantaisie et de merveilleux qui réjouit dans l'avalanche de textes « réalistes ». L'auteur nous offre ici des personnages hauts en couleurs, inoubliables ; des femmes fortes, en lutte et si vulnérables (l'ouvrage ne devait-il pas s'intituler Vies amazones ?). Les jeunes lecteurs ne s'y sont pas trompés en attribuant à Ce que je sais de Vera candida le 18e prix Renaudot des lycéens. Hélène Sagnet
Lire la critique sur le site : Lecturejeune
LesEchos
06 septembre 2011
Tour à tour romantique, nostalgique et cruelle, la romancière excelle à remonter le cours douloureux de la mémoire, à rendre les palpitations du coeur et les frémissements de l'âme.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Citations et extraits (153) Voir plus Ajouter une citation
[ Incipit ]

PROLOGUE

Le retour de la femme jaguar

Quand on lui apprend qu'elle va mourir dans six mois, Vera Candida abandonne tout pour retourner à Vatapuna.
Elle sait qu'il lui faut retrouver la petite cabane au bord de la mer, s'asseoir sur le tabouret dehors et respirer l'odeur des jacarandas mêlée à celle, plus intime, plus vivante, si vivante qu'on en sent déjà poindre la fin, celle pourrissante et douce de l'iode qui sature l'atmosphère de Vatapuna. Elle se voit déjà, les chevilles sur le bord d'une caisse, les mains croisées sur le ventre, le dos si étroitement collé aux planches qu'il en épousera la moindre écharde, le moindre nœud, le plus infime des poinçons des termites géantes.
Tout au long du voyage en minibus qui l'emmène du port de Nuatu jusqu'à Vatapuna, Vera Candida somnole en goûtant à l'avance la lenteur du temps tel qu'il passe à Vatapuna. Vera Candida sait qu'en revenant à Vatapuna, elle récupérera son horloge. Celle qui ne ment jamais, qui ne fait pas disparaître comme par un enchantement malin les heures pleines, celle qui ne dévore rien et égrène avec précision, et une impartialité réconfortante, les minutes, qu'elles soient les dernières ou qu'elles ponctuent une vie encore inestimablement longue.
Il y a longtemps de cela, Vera Candida a perdu son horloge.
C'est arrivé quand elle a quitté Vatapuna vingt-quatre ans auparavant. Elle avait pris dans le sens inverse le même minibus que celui-ci - moins rouillé sans doute, moins rafistolé avec des tendeurs et du gros scotch noir, moins bringuebalant et bruyant, moins sale, la route n'était pas encore visible sous les pieds quand on soulevait le tapis de sol, les pneus étaient moins lisses, mais le chauffeur était le même, des grigris jumeaux se balançaient au rétroviseur, juste empoussiérés maintenant et plus ternes, la radio diffusait déjà une soupe inaudible et criaillante, une sorte de continu crachotement de sorcière.
Vera Candida est seule dans le minibus, elle n'a plus de bébé dans le ventre, mais quelque chose de moins étranger et de plus destructeur, et elle n'a plus quinze ans.
Terminus, gueule le chauffeur.
Vera Candida s'empare de son sac à dos, elle le glisse sur ses épaules, les sangles lui blessent la peau, elle grimace, se dit, C'est ainsi que je sais que je faiblis, le type la regarde descendre, il se penche vers elle quand elle est sur la chaussée :
Je vous connais ? lance-t-il.
Elle se retourne et le fixe. Il paraît gêné. Il dit :
Je croyais que je vous connaissais. Mais je vois tellement de gens.
Il fait un geste rond qui englobe la rue et les alentours déserts.
Vous ne pouvez pas me connaître, répond-elle. Elle sourit pour ne pas paraître trop abrupte. Elle sait quelle impression elle peut produire; elle a trente-neuf ans, à cet âge on sait quelle impression on produit sur ses contemporains. Elle devine le malaise du chauffeur, Vera Candida a le regard azur et féroce, ce qui coïncide mal. Elle a, depuis qu'elle est née, toujours gardé les sourcils froncés. Il y a des gens qui ne regardent jamais leur interlocuteur dans les yeux mais juste au-dessus, sur le point le plus bas du front, et ce décalage crée un trouble indéfinissable. Vera Candida a ce genre de regard, c'est comme un muscle de son visage qui serait toujours crispé, une malformation congénitale, impossible d'avoir l'air doux et attendri. Déjà minuscule, Vera Candida ne lâchait personne avec sa scrutation, elle semblait percer chacun à jour - sans que cela fût vrai d'ailleurs, Vera Candida n'avait pas ce pouvoir, elle ne faisait que fixer les gens comme l'aurait fait un bébé jaguar. Et on n'avait qu'une envie, c'était de décamper le plus vite possible.
Le chauffeur referme la porte coulissante et démarre.
Vera Candida pose son sac, elle respire l'odeur des palétuviers, la poussière de la route, le gasoil, et les effluves du matin caraïbe - le ragoût et les beignets -, elle perçoit le jacassement des télés et des radios par les fenêtres ouvertes - il doit être sept heures sept heures trente, estime-t-elle -, le ressac de la mer en arrière-plan, un chuintement discret, elle reprend son sac et traverse le village, se dirige vers la cabane qu'elle a quittée vingt-quatre ans auparavant.
Il y a un snack à la place.
Une baraque en tôle cadenassée. Vera Candida s'approche pour jeter un œil à travers la porte vitrée, les relents persistants de graillon lui rappellent l'état de son estomac, elle se sent nauséeuse, elle jure entre ses dents, Putain de putain, elle s'attendait de toute façon à ce que la cabane en bois ait été rasée, c'était couru d'avance, elle le savait, n'est-ce pas, avant d'avoir entrepris le voyage, alors pourquoi a-t-elle entrepris ce voyage, elle entrevoit des tabourets retournés sur les deux tables et un comptoir bricolé avec du bois de récupération, elle s'assoit sur son sac et reprend son souffle, elle croise ses mains devant elle, voit ses doigts se superposer les uns aux autres, elle pense à ce que charrie son sang, elle pense à son corps qui déclare peu à peu forfait, elle a la tentation de se laisser aller à un désespoir tranquille. Elle ne se sent pas si mal, elle se sent juste en proie à la fatalité.
Pssst, entend-elle.
Elle lève le nez et aperçoit sur sa gauche, à travers le grillage, une petite vieille, les doigts accrochés au fil de fer, debout dans son jardin pelé, qui lui sourit d'un sourire de nourrisson édenté.
Pssst, répète-t-elle.
Vera Candida se remet sur ses pieds et se dirige vers la vieille, soupçonnant que la voix de celle-ci ne pourra venir jusqu'à elle, elle s'approche tout près de la vieille femme qui porte des breloques brillantes autour du cou, des médailles surdimensionnées et des sautoirs en strass, on dirait un catcheur, elle a l'air d'avoir sorti la totalité de son coffre à bijoux et enfilé tout ce que ses cervicales peuvent encore endurer, elle a un œil morne et un œil pétillant, elle semble avoir cent-dix ans. Vera Candida regarde les doigts de la vieille accrochés au grillage comme des griffes de serin, elle dit, Bonjour.
Tu es Vera Candida, rétorque la vieille de sa toute petite voix. Elle toussote et ajoute, Ta grand-mère m'avait bien dit que tu reviendrais.
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L'odeur de Monica Rose faisait chavirer Vera Candida. Elle s'asseyait près de sa fille et plongeait le visage dans ses cheveux. Ils sentaient le sel et l'iode, le vent et quelque chose de plus souterrain et mammifère, comme la sueur d'un minuscule rongeur ou bien d'un petit loup. Monica Rose sentait la fourrure. Vera Candida se disait toujours, Comment ferai-je quand je serai une très vieille femme, que je n'y verrai plus, que je tenterai de me souvenir de cette odeur. Elle s'efforçait d'enregistrer comme sur des cylindres d'argile les sensations liées à sa fille : la main de la petite dans la sienne, la façon dont Monica Rose serrait son cou avec ses bras aussi fins que des roseaux, elle serrait serrait en y mettant toute sa minuscule force, et c'était inenvisageable de ne plus être deux un jour, c'était si injuste que cela paraissait impossible.
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Petit con.
La réplique força l'admiration d'Itxaga : cette fille était toute seule sur une route déserte en plein milieu de la nuit et traitait de petit con le type louche qui la suivait. Elle se remit à marcher. Il suivit le mouvement.
Vous êtes désagréable, constata- t-il.
Je vous emmerde.
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Rose Bustamente fut une grand-mère formidable. Elle débitait des sentences à tout bout de champs et Vera Candida les notait (du coup, elle avait en permanence un petit carnet et un minuscule crayon de bois dans la poche de son short pour noter les phrases de sa grand-mère et pouvoir les relire à loisir, y réfléchir et les relire, tenter d'y déceler du sens, et puis abandonner et se dire, Ce sera pour plus tard, comme si elle avait engrangé des noix de cajou pour parer à une famine à venir).
Il y a des gens qui pensent qu'il suffit que vous leur plaisiez pour qu'ils aient droit à votre corps, énonçait souvent Rose Bustamente...
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Elle s'interrogea, quand la mort vient lentement (puisque la mort s'installe bien plus souvent lentement que brutalement), les gens autour de vous deviennent-ils crépusculaires, les voyez-vous avec de moins en moins de clarté, l'ombre gagne-t-elle le champ de vision, deviendrai-je bleue comme les vieilles personnes le deviennent, que vais-je faire de toute ma connaissance et de toute mon expérience, que vont-elles devenir, vont-elles s'enfoncer dans le sol avec moi ou s'effilocher autour de ma tête et se disperser dans l'atmosphère? Mais la connaissance de quoi au fond?
Elle se rendit compte que, à chaque fois qu'elle avait lu un livre pendant toutes ces années, elle avait cherché un éblouissement, quelque chose qui lui dirait comment appréhender la mort. La barrière à franchir est dans ma tête, se dit-elle. Et en réalité il n'y a pas de barrière. Quelqu'un a tracé sur le sol une ligne et je l'enjambe avec une facilité déconcertante, d'un côté de l'autre d'un côté de l'autre, et hop vous voyez, il ne se passe rien de spécial. De ce côté-ci je suis avec les vivants, de ce côté-là je suis avec les morts. C'est comme un petit pas de danse que j'improvise pour vous.
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Vidéo de Véronique Ovaldé
Fille en colère sur un banc de pierre de Véronique Ovaldé, disponible mercredi 7 février en poche ! https://www.jailu.com/fille-en-colere-sur-un-banc-de-pierre/9782290391020
Iazza, une île volcanique au large de la Sicile. Un soir de carnaval, Aïda et sa petite soeur Mimi bravent l'interdit en s'échappant par la fenêtre. La tragédie de cette nuit-là changera à jamais le destin de la famille Salvatore. Alors qu'elle a été bannie de l'île depuis quinze ans, Aïda décide de revenir à Iazza.
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