C'est idiot, les surnoms, comment ça vient. Et comment ça reste.
Paloma avait peur de s’enraciner (elle imaginait que des racines allaient lui sortir des jambes et ses bras deviendraient branches, Paloma avait toujours eu une imagination encombrante).
Paloma, parfois, avait l’impression que tous les gens autour d’elle étaient de petites statues de verre si fragiles et si tarabiscotées qu’il était impensable de vouloir les changer de place de peur de les casser.
Puis elle a regardé sa fille dans les yeux, et dans les yeux de Paloma elle a dû voir la même chose que ce qu’il y avait dans ceux de son pilote de mari, il y avait du sable, du nougat et un magicien. Quelque chose qui criait AVENTURE. Et qui, si elle ne pouvait pas partir à l’aventure, s’étiolerait et deviendrait poussière. Et la mère de Paloma s’est demandé si elle avait vraiment le droit de laisser sa fille devenir poussière.
Leur père était pilote d'avion.
Il avait disparu un jour lors d'une tempête au-dessus du triangle des Bermudes. Depuis plus personne ne bougeait du petit appartement de la rue du Capitole. Aller au bout de la rue représentait déjà un immense effort.
L'école était dans la rue, l'épicier aussi, le cinéma et le bouquiniste. Que demander de plus ?
Paloma a hésité. C’était un endroit si doux finalement,
la rue du Capitole.
Paloma soupçonnait d’ailleurs que non seulement personne ne mettait le nez hors de la rue du Capitole mais qu’aucun habitant de Camerone ne quittait jamais la ville.
« Elles étaient trois sœurs, qui habitaient à Camerone, rue du Capitole.
Paloma, la cadette, collectionnait les boules de neige de toutes les capitales, et rêvait de découvrir le vaste monde.
Mais aucun habitant de Camerone ne quittait jamais la ville.
Personne n’en avait même eu l’idée. »