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Marie Darrieussecq (Traducteur)
EAN : 9782846822824
432 pages
P.O.L. (23/10/2008)
3.97/5   18 notes
Résumé :
Il y a deux mille ans exactement, en décembre 08, Ovide est exilé par Auguste aux confins du monde connu, chez les Barbares du delta du Danube. Après un long périple par les mers et les terres, le grand poète mondain va vivre huit ans entouré d'hommes vêtus de peaux de bêtes, qui ne parlent ni latin ni grec. Et il écrit, une centaine de lettres autobiographiques, que j'ai eu envie de traduire pour leur beauté, leur mélancolie, et le regard qu'elles portent sur d'aut... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Malheureux Ovide qui, par imprudence, est entré dans le secret des Dieux ; qui a vu quelque chose qu'il n'aurait pas dû voir ; qui s'est trop « approché des récifs dangereux ». Ovide ! l'élégant, le poète délicat, le douillet Ovide, l'écume de la civilisation latine, un sommet de brillance et de légèreté, admiré, chéri, applaudi par tout le gratin de la Rome impériale, se retrouve du jour au lendemain exilé chez les barbares, chez les « Gètes hirsutes ». A Tomes exactement ! la « dernière ville, sur la côte nord-ouest de la mer Noire, où se jette le delta du Danube, ce lointain point du monde où les eaux se mélangent ». Aux confins de la terre. A la dernière frontière avant le « grand Autre » du monde romain. A Rome, il était au centre de tout. A Tomes, il se retrouve « au bord du Styx ». le choc est brutal.
« Tristes Pontiques », c'est un appel désespéré au secours. L'auteur des « Métamorphoses » et de « L'art d'aimer » inondera de lettres sa famille, ses amis, ses connaissances, les suppliant de ne pas l'oublier, et d'intercéder en sa faveur auprès d'Auguste. C'est une longue plainte mélancolique et douloureuse sur le paradis perdu et la fidélité des amis qui s'évaporent au fil des ans.
« ils ont été nombreux à quitter le navire
m'abandonnant avec mes voiles déchirées
mais toi tu restes encore
comme une ancre solide
ton amitié m'est si précieuse »
Ovide écrit, ne cesse d'écrire, jusqu'à arriver « à bout de mots ».
À travers le regard d'Ovide, nous voyons le monde barbare : ce « Grand Autre » de la civilisation romaine. C'est « un monde marécageux où se perd la Danube ». C'est un ciel nu, des étoiles froides, une terre sans arbres, un pays sans feuillages engourdi par l'hiver qui succède à l'hiver.
« j'ai vu l'immense mer arrêtée sous la glace
j'ai vu les eaux figées sous sa croûte glissante
on marche sur les flots sans se mouiller les pieds
les dauphins pris dessous se meurtrissent le dos
aucun remous »
Ceux qui vivent là-bas le révulsent. Il les méprise. Il les redoute.
« on peine à contenir un mouvement d'horreur
à la vue de leurs peaux de bêtes
et de ces chevelures ».
Et toujours les escarmouches, la guerre larvée, ces cavaliers hirsutes qui viennent se fracasser sur les dérisoires remparts censés protéger l'empire.
« visage cruel chevaux haletants
Ils tirent des flèches empoisonnées
Ce sont des loups qui emportent comme des brebis
Ceux qui n'ont pas pu se mettre à l'abri »
Ovide prend-il conscience que ce Grand Autre, au bout du compte, parviendra à vaincre la puissance romaine ?
Quel texte, mes amis ! Un texte deux fois millénaire qui a survécu à la poussière. Tant de poètes se sont inspirés des frayeurs d'Ovide jeté sans ménagement sur une autre planète, de ses plaintes amères, de ses lamentations prophétiques. Un texte modernisé, toiletté par la talentueuse Marie Darrieussecq pour le rendre accessible à des néophytes dans mon genre. Ce fut un voyage mouvementé, une sacrée expérience.




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Une centaine de lettres d'Ovide sont traduites par Marie Darrieussecq. Ce n'est pas une version érudite que nous propose la traductrice, plutôt une volonté de rendre lisibles et contemporains ces textes souvent très poétiques. Les sentiments nous semblent proches : mélancoliques et plaintives, ce sont des lettres d'exilé, de courtisan et d'artiste
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Après voir lu les "Métamorphoses" ou l'"Art d'aimer", il faut lire les "Tristes" pour pénétrer au plus profond de la beauté de l'art poétique d'Ovide. Par accident (personne ne sait au juste la cause), il se fait reléguer aux frontières nord-orientales de l'Empire romain, près du Pont-Euxin, au bord du Danube.
Là, il souffre immensément de n'être plus à Rome, dans la cour de l'Empereur qui était son milieu naturel. Et il se met à écrire en vers sa tristesse infinie.
Marie Darrieusseq traduit admirablement ce livre avec celui qui l'accompagne, les "Pontiques", qui rassemble la correspondance versifiée d'Ovide écrite dans son exil à tous ses amis à Rome.
L'amertume et la nostalgie qui se lisent dans ces vers est unique au monde. Elle apprend beaucoup de l'âme humaine frappée par le malheur d'être relégué.
Les "Tristes" inspireront une oeuvre poétique mémorable d'Ossip Mandelstam, "Tristia", à l'occasion de son exil intérieur (pour avoir écrit un poème satirique contre Staline) et une œuvre éponyme d'Hector Berlioz.
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Ovide, auteur des Métamorphoses et de l'Art d'aimer, est proche de la famille impériale mais, on ne sait trop pourquoi il a déplu et est exilé à l'actuelle frontière de la Roumanie et de l'Ukraine où on ne parle ni latin ni grec...
La traduction de Marie Darrieussecq rend les textes accessibles. L'évolution des sentiments d'Ovide est intéressante.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
par deux fois le soleil a touché les Poissons
il a bouclé deux fois sa révolution
et deux fois le soleil est revenu vers moi
après les glaces et le froid de deux hivers

et pendant tout ce temps pas une fois tu ne m'auras écrit

j'ai eu des amitiés plus brèves
ces amis-là m'écrivent encore

quand je brisais le cachet d'une lettre
j'attendais toujours ton nom

peut-être que tu m'as écrit
mais que toutes se sont perdues

j'essaie d'y croire

autant croire à Méduse aux cheveux de serpents
autant croire à la vierge à la tête de chien
autant croire au dragon moitié lion moitié chèvre
autant croire aux centaures au Sphinx et aux Harpyes
autant croire aux géants aux jambes de reptiles
autant croire à Gygès l'homme aux cent mille mains
et autant croire au Minotaure

j'aimerais mieux croire à ces mythes
qu'à la fin de ton amitié

combien de montagnes se dressent entre nous
combien de plaines combien de mers
combien de fleuves et de chemins

des milliers d'obstacles
expliquent aisément que tes lettres se perdent
et que je n'ai pas eu la joie d'en ouvrir une

mais pour franchir ces milles obstacles
écris donc plus souvent
que je n'aie pas à te trouver mille excuses
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quand la Fortune est avec nous
foule d'amis
quand on est démuni
plus personne
la loyauté s'éprouve dans les temps difficiles
c'est par le feu qu'on voit si l'or est authentique
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le vent est si violent qu’il arrache les toits
il fait tomber les tours
les gens se défendent du froid comme ils peuvent
avec des peaux de bêtes et des braies mal cousues
on ne voit plus que leur visage
leurs cheveux tintent quand ils les secouent
c’est le bruit des glaçons
et leur barbe blanchie de gel scintille
même purs les vins sont durs comme la pierre
ils gardent la forme du pot
les gens ne les boivent pas
ils sucent des morceaux passés de main en main
et les ruisseaux s’arrêtent
contractés par le gel
c’est à la hache qu’on puise l’eau des lacs
le Danube lui-même
large comme le Nil
et qui mange la mer de ses sept embouchures
le Danube lui-même voit durcir ses eaux bleues
elles glissent à la mer par des chemins secrets
on peut passer à pied où voguaient les bateaux
les sabots des chevaux cognent les eaux gelées
et par ces ponts nouveaux les chariots sarmates
attelés à des bœufs avancent pesamment
je sais qu’on ne me croira pas
pourtant je suis témoin de ces prodiges
j’ai vu l’immense mer arrêtée sous la glace
j’ai vu les eaux figées sous sa croûte glissante
on marche sur les flots sans se mouiller les pieds
les dauphins pris dessous se meurtrissent le dos
aucun remous
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et je serai le seul livré à la colère
d'un seul
ça ne sert à rien
ce que j'écris
je parle à la mer et au vent
mes mots se perdent dans les vagues
mes vers mes vœux mes voiles
s'envolent vers le vide
mon visage est trempé par les paquets de mer
et des montagnes d'eau roulent jusqu'aux étoiles
des creux grands comme des vallées
s'ouvrent dans la houle
mer et ciel
de tous côtés
où qu'on regarde
la mer est lourde d'eau
le ciel est lourd de nuages
entre les deux un gouffre
le vent
un tel tourbillon que les vagues
ne savent plus rien
tous les vents à la fois
Orient rougeâtre
Occident lointain
Nord nu et Sud affrontés
ça souffle et lutte de tous côtés
le barreur ne sait plus
quel cap tenir et quel cap fuir
perdu
plus d'espoir
j'écris et l'eau salée coule sur mon visage
je suffoque
j'ouvre la bouche pour prier
la mer immense s'y engouffre
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Ces mots écrits sur des supports fragiles ont traversé des mers, franchi des montagnes, pris des chemins à peine tracés, vers Rome où ils ont été lus, appris, recopiés puis recopiés encore, de siècle en siècle jusqu'à croiser l'invention de Gutenberg. Il y a quelque chose de miraculeux à être assise deux mille ans plus tard devant un ordinateur, entre un vieux classique Garnier et mon dictionnaire d'étudiante, pour écouter penser Ovide, et continuer à transmettre ses mots.
J'entends ses lettres comme ce qu'elles sont : des appels. Leur rendre une langue lisible m'est devenu - momentanément - une mission, très agréable. J'ai vécu dans la compagnie d'Ovide chaque fois que j'ouvrais ses lettres, chaque fois que je cherchais le mot juste pour lui être fidèle. Je voyais par ses yeux les marais barbares d'il y a deux mille ans. " Entends moi, lecteur ", demande Ovide depuis l'ancien bout du monde. Ce lecteur c'est moi. Ce lecteur c'est vous. J'ai souvent imaginé son fantôme sur mon épaule, éberlué de me voir à la tâche devant mes outils modernes - et une femme, en plus !
[ Avant-propos de Marie Darrieussecq ]
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Videos de Ovide (19) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Ovide
"Le voyage de Chihiro", sorti en 2001 au Japon, est un film sous le signe de la métamorphose, un voyage chez les morts et dans l'imaginaire fantastique japonais. Miyazaki est-il l'Ovide du cinéma d'animation ? Est-ce de l'errance que naissent les meilleures expériences ?
Dans ce sixième épisode, Adèle van Reeth reçoit Hervé Joubert-Laurencin, professeur en études cinématographiques à l'université de Paris Nanterre.
"Philosopher avec Miyazaki", c'est une série de podcasts en huit épisodes qui revisite huit films du génial Hayao Miyazaki. Vent, enfants, personnages étranges, nature, animaux, machines, guerre... Chacune de ses oeuvres offre de multiples niveaux de lecture et renferme de grandes notions philosophiques.
Pour en savoir plus : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-philosopher-avec-miyazaki
Découvrez aussi notre vidéo sur ce génie de l'animation : https://youtu.be/sFGMoBpO2S4?si=W26ErDQByCq3FU7a
#miyazaki #anime #philosophie _____________
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