AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de kielosa


Un peu beaucoup étonnant qu'Amos Oz, sûrement l'auteur israélien le plus lu dans le monde n''ait pas encore reçu les faveurs du jury Nobel. Est-ce que, par hasard, cet écrivain serait trop pacifiste pour pouvoiŕ compter sur l'appui de son gouvernement ? Je vois, en effet, difficilement l'actuel premier ministre, Benjamin Netanyahou du Likoud (un parti de la droite nationaliste), faire des efforts monstres pour soutenir à Stockholm la candidature de ce casse-pieds d'homme raisonnable. Car Oz cumule, à mes yeux, ces deux qualités plutôt rares au Moyen-Orient : le pacifisme et la raison.
Dans les presque 70 ans de son existence, l'État d'Israël n'a eu qu'un seul Nobel de littérature : l'illustre inconnu Samuel Joseph Agnon en 1966. de lui je n'ai lu qu'un seul livre "La dot des fiancées" et , honnêtement, cela me suffit largement. Une histoire qui aurait pu être intéressante, si un Isaac Bashevis Singer, son frère Israel Joshua ou sa soeur Esther Kreitman avait manié la plume. Ou Amos Oz, qui en était un voisin. À croire que les suédois se sont trompés de rue à Jérusalem !

Amos Oz est un sabra ou juif né en Palestine/Israël de parents polono-lituaniens en 1939. Ses parents, 2 intellectuels polyglottes, interdisaient le petit Amos de s'exprimer autrement qu'en hébreu. Plus tard, il changea son nom de famille de Klausner en Oz, qui signe force ou courage. À l'âge de 12 ans, sa mère, en proie à des dépressions nerveuses, se suicida. Un drame qu'il a relaté, un demi-siècle plus tard, avec maestria dans son chef-d'oeuvre (à mon avis) " Une histoire d'amour et de ténèbres", qui a accueilli sur Babelio une excellente critique de melpomene125 ou Laure Barachin, à laquelle je vous invite de jeter un coup d'oeil. Deux ans après, il joint un kibboutz. Sans oublier ses études de philosophie et littérature hébraïque pour autant, ce qui lui a permis de devenir plus tard dans cette dernière matière professeur à l'université de Beer-Sheva. En 1960, il maria Nilly Zuckerman, qui lui a donné 3 enfants. L'aînée Fania Oz-Salzberger, après des études brillantes est devenue professeur d'histoire à l'université d'Haïfa et ses travaux sur le Siècle des Lumières lui valent une autorité mondiale. Avec sa fille, Amos a écrit un ouvrage curieux, mais qui m'a fort plu : "Juifs par les mots", dans lequel ils expliquent avec beaucoup d'érudition et humour que leur peuple s'est perpétué grâce aux livres et mots. Un délice pour tout linguiste. Il est vrai que les Oz ne sont certainement pas de fanatiques religieux.

Et avec ce mot fatidique de 'fanatique', j'arrive à son oeuvre, qui me sert de base pour situer Amos Oz comme humaniste et fervent avocat de la paix. Quel autre ouvrage de lui servirait mieux que ce bref essai "Comment guérir un fanatique" de 2006, d'une centaine de pages ?
Dans la brève introduction de ce livre, la prix Nobel 1991 sud-africaine Nadine Gordimer, qualifie Oz comme la voix de la raison et d'équilibre mental.

Ce qui pour un Klausner, dont le grand-oncle, Joseph, un apôtre du sionisme révisionniste de Vladimir Jabotinski, et à ce titre candidat présidentiel aux premières élections en Israël, est loin d'être évident. Rappelons que c'est Chaim Weizmann, plus modéré, qui remporta, en 1949, ces élections comme chef du nouvel État. Amos, connaîtra une évolution dans l'autre sens, d'abord socialiste et proche de l'actuel président, Shimon Peres, puis membre du parti Meretz (énergie en français). Ce parti est laïc et socialiste, défenseur des droits de l'homme et, comme Amos, partisan de la formule "2 peuples, 2 états" pour résoudre le conflit israélo-palestinien.
Amos Oz est également le cofondateur du mouvement extra-parlementaire "La Paix maintenant", créé en 1978, et qui proclame un retrait d'Israël de la bande de Gaza en Cisjordanie et est radicalement contre les colonies illégales qui s'y sont établies.
Ses idées sont proches de 2 autres écrivains israéliens : David Grossman et Avraham Yehoshua.

Depuis son premier livre en 1965, "Les Terres du chacal", Amos Oz a publié 19 autres romans, 3 recueils de nouvelles et 5 essais importants. Parmi ses oeuvres je peux vous conseiller : "Mon Michaël" de 1968 ; "La Boîte noire", qui a reçu le prix Femina étranger en 1988 ; "Une panthère dans la cave" de 1995 et son tout dernier, "Judas" de 2016. Parmi ses recueils, je garde un très bon souvenir de ses "Scènes de vie villageoise" de 2010.

Peu de gens peuvent se vanter d'autant de prix, titres, distinctions, doctorats honoris causa... en dehors de leur pays d'origine qu'Amos Oz. En parcourant la longue liste, l'on est tenté de vérifier quels pays européens manquent et sa reconnaissance, soit comme auteur, soit comme homme de paix, ne se limite pas à notre continent, puisque la Corée du Sud et la Chine, par exemple, lui ont aussi prouvé leur appréciation. Il est le seul auteur dont l'oeuvre en hébreu a été traduite en chinois et fait partie du programme officiel d'éducation.

Amos Oz, qui a souvent dit et répété qu'aucune idée ne peut être vaincue par la force, n'est pas un idéaliste rêveur, qui juge le monde et les hommes à partir d'une tour ivoire, mais un combattant actif et engagé pour la paix, fort conscient de la faiblesse humaine, y compris de son propre peuple. Pour terminer sur une note plus légère et, ma foi, assez humoristique je me réfère à une boutade de lui, qui figure en fin de volume du présent ouvrage, et où il dit que le problème d'Israël avec ses 8 millions d'habitants est, qu'il compte aussi 8 millions de premier ministres, de prophètes et de messies.





Commenter  J’apprécie          248



Ont apprécié cette critique (19)voir plus




{* *}