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Critique de Ingannmic


Le reproche qui est souvent fait aux recueils de nouvelles est leur manque de cohésion, d'homogénéité. Reproche que l'on ne saurait faire à ce titre d'Amos Oz, dont les textes sont liés par un point commun qui les cimente en une habile et solide construction : le village de Tel-Ilan.

Chaque récit, qui s'attarde sur l'un de ses habitants, représente ainsi une facette de cette bourgade séculaire, environnée de champs, de vignes et de vergers, dominée par le Mont Manassé, dont les nuits apparemment paisibles sont parfois traversées du cri d'un chacal, ou du miaulement des chats errants fouillant les poubelles.
Une bourgade qui connait des mutations, devenant peu à peu un lieu de villégiature secondaire. Les étrangers, venus de la ville, y sont de plus en plus nombreux, créant une effervescence jusqu'alors inconnue de ce village où tout le monde se connaissait... le samedi, les voitures envahissent le centre. Quant aux natifs, si certains s'obstinent à vivre de l'agriculture, la plupart ont affermé leurs terres pour se reconvertir dans les chambres d'hôtes, les commerce ou les restaurants, quand ils ne travaillent pas à l'extérieur.

Comme en écho à ces évolutions, Amos Oz s'attarde entre autres, dans ces "Scènes de vie villageoise", sur les rapports qu'entretiennent ses personnages quadragénaires ou quinquagénaires avec des parents dont ils assument la charge, opposant cette responsabilité à la rupture du lien entre ces mêmes personnages et leurs propres enfants, avec lesquels ils n'ont quasiment plus de rapport..

Dans "Les héritiers", Arieh Zelnik, que sa femme a quitté trois ans auparavant, et qui n'a plus de contact avec ses grands enfants, a quitté l'obscurité paniquante de son appartement vide pour retourner vivre dans la maison familiale, auprès de sa mère, une sourde et taciturne nonagénaire. Il apprécie son environnement paisible et bucolique, mais se laisse aller à d'inavouables rêves éveillés, où, contraint de placer sa mère en établissement spécialisé, il pourrait accueillir une nouvelle jeune et belle épouse... Un importun se prétendant de sa famille, dégingandé et mal fagoté mais très sûr de lui et d'un enthousiasme intrusif, fait un jour irruption dans son jardin...

"Les proches" met en scène le médecin de Tel-Ilan, Gili Steiner, vieille fille maigre et sèche, venue attendre à l'arrêt de bus du village son neveu Gideon, fils de la soeur avec laquelle elle est fâchée, et qui arrive de Tel Aviv. Elle aime plus que quiconque au monde ce jeune homme distrait et silencieux, qui fut un enfant indolent et rêveur, avec lequel s'est instauré, au fil de ses "séjours à la campagne", une relation profonde. Mais le bus arrive, et Gideon n'en descend pas...

On passera ensuite un moment avec Pessah Kedem, ex-député, vieillard bossu, aigri et râleur, hostile à la modernité, sa fille Rachel, professeur et jolie veuve de quarante-cinq chez laquelle il est hébergée, et Adel, un jeune étudiant ayant interrompu ses études pour se consacrer à un ouvrage comparant la vie de villages arabe et juif, qui loue une chambre chez les Kedem, et que Pessah traite avec une méprisante hostilité.
Depuis quelque temps, le père de Rachel se plaint d'entendre chaque nuit creuser dans les fondations de leur maison...

Dans "Perdre" puis "Attendre", ce sont respectivement l'agent immobilier puis le maire du village qui sont mis en scène. le premier est ravi de recevoir l'appel de la veuve du célèbre écrivain du village Eldad Rubin, dont il convoitait jusqu'à présent en vain la vieille maison décrépite et tarabiscotée, datant de la création du village, qu'il souhaite détruire pour en revendre le terrain. Mme Rubin a surement changer d'avis... Se rendant sur place pour se le faire confirmer, il est accueilli par la fille du défunt écrivain.
Le second reçoit quant à lui un message moins réjouissant, porté par Adel (le jeune arabe hébergé chez Rachel), qui ayant croisé la femme du maire, s'est vu remettre un billet dans lequel elle invite son époux à ne pas s'inquiéter pour elle...

Après un épisode ("Les étrangers") évoquant la passion sans espoir du frêle et sensible Kobi Ezra, âgé de dix-sept ans, pour la bibliothécaire du village, une trentenaire divorcée, potelée et chaleureuse, "Chanter" regroupe plusieurs des protagonistes rencontrés dans les textes précédents, réunis pour leur répétition mensuelle chez un couple d'amis dont la femme s'occupe de la chorale de Tel-Ilan. Une information entendue à la radio, annonçant la réussite d'une mission militaire israélienne, y est commentée, suscitant des réactions contradictoires.

Je passe sur le dernier texte, d'un glauque oppressant, dont je n'ai surtout pas compris le lien avec le reste du recueil.

J'ai beaucoup apprécié cette balade à Tel-Ilan, l'auteur nous rendant certains de ses lieux familiers, en les évoquant dans plusieurs des nouvelles, tel le Parc du souvenir, square que l'on traverse, dans lequel on fait de curieuses rencontres, sur les bancs duquel on s'assoit... mais ce qui m'a sans doute emballée le plus, c'est l'étrangeté de l'atmosphère dont il colore son recueil, lançant d'inquiétantes énigmes dont il livre rarement la clé, concluant ses textes par des portes laissées ouvertes sur un mystère dont le lecteur n'a plus qu'à imaginer la nature. Certains de ses personnages sont pris de l'inexplicable et pressant sentiments d'être investis d'une mission cruciale dont ils ignorent les modalités et l'objectif, d'autres vivent des événements troublants, inquiétants, et à la limite du surnaturel...

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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