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EAN : 9782358480550
240 pages
Bleu autour (17/04/2014)
4.05/5   10 notes
Résumé :
Après Les nuits froides de l'enfance, son premier roman troublant et plein d'éclats (Le Monde), voici l'autre œuvre majeure de l'écrivaine turque Tezer Ozlü, qu'elle a composée en allemand, la langue de l'exil, quatre ans avant sa mort.

Dans La Vie hors du temps, elle a les mêmes mots, simples, le même style, déstructuré, pour dire le chaos qui l'habite à Berlin, puis son voyage à travers l'Europe sur les traces de Kafka, Svevo et, surtout, Pavese, s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
C'est sans violence que la voix de cette femme incandescente s'insinue en nous à la lecture de cette « Vie hors du temps ». Je suis restée subjuguée par tant de vie, de poésie, comme envoutée. 

Comment fait-elle pour que l'on soit embarqué immédiatement avec elle, dans ce voyage sur les traces de Kafka, Pavese et Svevo qui est plutôt un voyage à la rencontre d'elle-même puisqu'elle nous dit, au sujet de Pavese, dès le début « Qu'y a-t-il en moi qui fait que les battements de mon coeur, que toutes les images jamais perçues par mon oeil, je ne puisse les retrouver que dans ses phrases à lui, dans des mots choisis par lui ? »

A l'écoute des autres et d'elle-même elle rejoint ceux dans les pas desquels elle marche, écrivains et amis disparus ou éloignés.
C'est une femme ardente qui se consume, pleinement habitée par la vie et par conséquent par la conscience aigüe de la mort.

Mort qu'elle a traversée lors de séjours à l'Hôpital psychiatrique où elle a subi de multiples électrochocs.


Dans son premier livre « Les nuits froides de l'enfance » elle dit « Je sens que le monde est autre que celui qu'on nous assigne, qu'on nous enseigne » et son refus d'une vie conforme à celle de ceux qui l'entourent, son refus d'être « convenable va la conduire nous dit-elle « Dans cette chambre où je suis entrée à vingt quatre ans, (où) on allait pendant 5 ans me retirer mes émotions, ma sensibilité, l'audace et la liberté sans limites de mes pensées. »

Après la traversée de cette torture de l'enfermement en clinique, elle se souhaite, au cours de ce voyage, de ne pas laisser derrière elle son insatiable faim de vivre et de conserver son intranquillité »
Il y aura de belles rencontres comme celle de Letizia à Trieste, fille de Svevo : « Une vieille femme, mais qui, au lieu d'aller chercher dans le passé les images de son existence, les porte en elle. Voilà pourquoi elle a réussi à rester si belle dans sa vieillesse »,

de douloureuses, celle d'immigrés turcs fatigués qui ont fait halte et essaient de se détendre : « Ils n'y arriveront pas. Jamais ils ne pourront se détendre. de toute leur vie. Même leur mort ne sera pas une détente. On les prive de leur mort comme de leur vie. » 

Tezer Özlü est attentive à tout ce qui l'entoure, elle est ouverte aux autres et elle illustre par son écriture ce conseil de Pavese : « Le monde ambiant ne doit pas être décrit, mais réellement vécu par des sensations » C'est sans doute cette faculté de saisir ses sensations et non d'expliquer qui fait que j'ai eu comme Ster l'amie « babelio » qui me l'a fait découvrir, l'impression d'être en présence d'une amie proche, quelqu'un qui me connaîtrait mieux que je ne pourrais le faire.

J'ai cru retrouver souvent, au détour de ses phrases, des échos de la voix d'Alejandra Pizarnik que je ressens comme étant de la même sensibilité, passée par le feu elle-aussi :

Tezer aurait pu dire à Pavese ce court poème d'Alejandra :

Seul toi tu fais de ma mémoire

une voyageuse fascinée

une incessante flamme

ou à elle-même, celui-là :
je fus toute offrande

une pure errance

de louve dans la forêt

dans la nuit des corps
(extrait des Travaux et les nuits d'A Pizarnik)
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Une femme fait un étrange voyage. Un voyage sur les traces d'écrivains qu'elle admire : Kafka, Svevo, et surtout le plus aimé entre tous, Pavese, dont les citations parsèment le livre. Elle voit les lieux, rencontre des gens qui les ont connus. Et dans le voyage, il y a aussi les hommes, celui qu'elle quitte, d'autres qui croisent son chemin un tout petit moment, avant de passer à un autre lieu et à un autre homme. Il y a un mal de dent tenace. Il y a les souvenirs, de l'enfance, des séjours en hôpitaux psychiatriques, violents et douloureux. Et ceux des personnes, vivantes ou mortes qui ont comptées à un moment.

Un livre écrit à la première personne, sans distance aucune entre la narratrice et l'auteur. Cela semble une sorte de journal, pas une fiction. C'est très fort et très surprenant. J'ai eu une petite difficulté avec l'écriture, faite de phrases courtes, sans fioritures, un peu hachées, à première vue pas littéraires. Mais en persévérant, j'ai trouvé le rythme, le souffle qui les habite. La volonté d'être au plus près de ce que vit cette femme, d'éviter le pathos, un aspect brut en apparence, très sophistiqué et pensé en réalité. Et emprunt d'une poésie très personnelle.

Une errance à la recherche de traces, des autres et de soi. Où s'affirme une formidable soif de liberté, le refus les limites que d'autres voudraient lui imposer et s'imposent à eux-mêmes. Par habitude, goût de puissance, par manque d'imagination, par préjugés, par sentimentalisme. Tout ce qu'elle refuse. Sans grands discours ni credo. Juste dans les petits gestes, une façon d'être, avec soi-même et les autres, le monde.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Il arrive si souvent qu'on pense que tout est fini, mais aucune vie n'est assez longue pour nous permettre de mesurer l'infinité de la vie. p 137

Je n'aime pas les livres ni les films où l'on prétend que les personnages et les lieux sont inventés. Rien ne peut être inventé. Une invention, c'est un fait qui n'est pas encore admis. p 140
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Cette vie ne me comble que lorsque les mots que j'aligne correspondent aux vents qui soufflent en moi, à l'amour qui aime en moi, à la mort qui meurt en moi, à la vie qui veut jaillir de moi. p 31
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"Les larmes du monde sont immuables. Pour chacun qui se met à pleurer, quelque part un autre s'arrête." Cette phrase de Beckett, je la réécrirais ainsi, à l'ombre de la tonnelle de Nuto :
"Les histoires du monde sont immuables. Pour chacun qui se met à raconter, quelque part un autre s'arrête."
"Les suicides du monde sont immuables. Pour chacun qui se tue, quelque part un autre commence à mourir."
"Pour chacun qui se met à mourir, quelque part un autre commence à vivre."
p 166-167
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La voiture directe pour Prague vient de Hongrie. En face de moi, c'est encore lui. La même taille. Des yeux verts, et non pas bleus ou bruns. Il fait de l'aquarelle. Ce sont de calmes paysages, tempérés comme tout son être timide.
Soudain l'envie me prend de lui donner tout ce que j'ai. Les bananes, la bière, les cigarettes, l'argent, mon enfance, ma fatigue, ma fuite dans ce voyage. Ma peau. Moi. Je sais bien que sa peau ne suffirait pas encore à me faire resentir quelque chose. Mais au moins je ne verrais pas en lui un autre. Ce qui serait me mentir à moi-même. Je n'échapperai qu'à la nuit. Ou à moi, qui suis si difficile à vivre. J'esayerai de percevoir quelqu'un, pour une fois, dans sa nudité et son altérité. Je ne peux pas en attendre davantage. Je n'ai pas à offir davantage. p. 48
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Ne sais-tu pas que tu es au monde pour raconter, raconter, et quant au reste connaître la faim, la soif, l'abstinence, une fin misérable ? Tu ne le sais pas ? C'est Pavese qui te le dit.
(extrait d'une lettre de Cesare Pavese à Silvio Micheli du 20 mars 1946, cité par Tezer Özlü)
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