Citations sur Le Potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison (24)
L'espace d'un instant, l'inspecteur principal Jalmari Jyllänketo s'imagina en ver de terre se tortillant tranquillement dans un riche humus, plutôt satisfait de sa vie dans le sein protégé de la terre. Tout va bien, jusqu'à ce que sa chaîne nerveuse ventrale l'avertisse d'un séisme dû à l'approche d'un tracteur et qu'en un rien de temps toutes ses galeries creusées à grand peine soient balayées par d'énormes vagues de pisse. Choc amoniacal! Sauve qui peut ! À la grâce de Dieu !
Tous les hommes, policiers compris, sont en fin de compte des pécheurs qui méritent leur sort. L'inspecteur principal avait lui aussi quelques squelettes dans son placard, à quoi bon le nier. Il n'aimait pas y repenser. Dans son enfance, il avait martyrisé le chat de sa grand-mère, qui était mort d'une inflammation de la prostate après qu'il lui avait passé les couilles au goudron. C'était horrible et il le payait maintenant.
Tout semblait si terriblement sain et rationnel que c'en était inquiétant
N'importe qui pouvait rédiger des lois et pondre des directives au ton grandiloquent, c'était bien pour ça qu'on ne manquait jamais de candidats avides de siéger au parlement.
Il ficela Pulliainen sur la banquette arrière, si serré que même Houdini, à sa place, n'aurait rien pu faire.
L'inspecteur principal songea qu'il n'y avait rien de plus facile, dans ce monde, que d'élaborer des règles et des programmes théoriques. C'était une autre paire de manches que de mettre en pratique ces nobles idéaux. N'importe qui pouvait rédiger des lois et pondre des directives au ton grandiloquent, c'était bien pour ça qu'on ne manquait jamais de candidats avides de siéger au parlement. Mais qui appliquait et exécutait la législation ?
Le cimetière se trouvait à six cents mètres de son extrémité, mais le bruit des avions ne dérangerait guère les défunts - pour ce que peuvent en savoir des vivants n'ayant encore aucune expérience personnelle de la question.
Jalmari Jyllänketo était un homme de terrain, âgé d'une quarantaine d'années. Avec son mètre soixante-dix-huit, ses quatre-vingt-dix kilos et ses cheveux blonds, il avait tout du Finlandais moyen - avantage utile quand il s'agissait de mener de discrètes investigations dans le pays. Pour un policier, il était d'un caractère plutôt accommodant et observait volontiers les gens, les choses et la vie. Il procédait sans états d'âme aux arrestations et prenait même un certain plaisir, proche de l'ivresse de la chasse, à dire « suivez-mo i» aux individus suspectés de haute trahison.
Jyllänketo était venu de Helsinki pour enquêter sur le domaine de l'Étang aux Rennes, où l'on pratiquait la culture biologique d'herbes aromatiques. Au fil des ans, toutes sortes de rumeurs étaient parvenues aux oreilles de la Sécurité nationale. Les dénonciateurs prétendaient que des gens avaient disparu sur les terres de l'exploitation.
Le cimetière se trouvait à six cents mètres de son extrémité, mais le bruit des avions ne dérangerait guère les défunts - pour ce que peuvent en savoir des vivants n'ayant encore aucune expérience personnelle de la question.
Mais soudain la pinède clairsemée des rives de la Harlière surgit du rideau de pluie et la clôture grise du cimetière devant eux. Sanna hurla, cette fois Jalmari était allé trop loin - littéralement- . Pour éviter le crash, l'inspecteur principal tira brusquement le manche, la gouverne de profondeur se releva, la queue de l'appareil s'abaissa tandis que son nez se cabrait. Le Cessna bondit dans les airs comme propulsé par une catapulte. Le cimetière passa sous son ventre, trop vite pour pouvoir lire les inscriptions des croix. L'avion s'élança pleins gaz dans le ciel pluvieux. "On vole" mugit Jalmari Jyllänketo. Quel sentiment grandiose ! Il avait réussi à décoller. Dans un puissant grondement, l'appareil montait en flèche. Sanna pleurait et gémissait morte de peur, insensible au plaisir de prendre de l'altitude. Ailes vibrantes, ils s'enfonçèrent dans les nuages, le monde devint d'un blanc laiteux, le sol disparut. C'était leur premier vol. Il semblait que ce serait aussi leur dernier, car Jalmari Jyllänketo ne savait pas piloter, les conditions météo étaient mauvaises et ils ignoraient où ils allaient. L'inspecteur principal avait lui aussi le visage crayeux. Il était conscient d'avoir fait la plus grosse bêtise de sa vie en accélérant comme un fou sur la piste. Ils étaient dans les airs pour l'instant tout allait bien, mais comment réussiraient-ils à se poser sans casse? Telle était la question. Il lui en vint une autre; "Sanna si on meurt, est-ce que tu m'aimes?