Dans un de ses livres,
Gérald Bronner évoque le livre d'
Yves Paccalet et plus généralement ce courant de l'écologie radicale qu'il nomme anthropophobie. Cela m'a intrigué. Quelle est donc cette peur ou cette haine de l'Homme ? Et tout d'abord qui sommes-nous ?
Homo sapiens ?
Plus précisément quelle est la spécificité de l'être humain par rapport aux autres animaux ? L'auteur, "philosophe et écologiste engagé, mais aussi enragé", reconnaît à Sapiens son intelligence mais en fait son péché originel1 en pensant qu'il la met exclusivement au service de ses pulsions : sexe, territoire et hiérarchie. Comme tous les animaux ! Mais il est vrai avec un succès qu'on ne peut que constater et que lui déplore. Quand on est un gauchiste on n'aime pas les puissants. L'humanité est puissante donc je la déteste et espère qu'elle disparaisse ! La logique est radicale mais se tient. A ceci près qu'il ne faut pas généraliser. Certains individus sont "méchant, menteur, voleur, égoïste, aigri, vindicatif et raciste" mais on ne peut pas dire de l'espèce qu'elle soit "envahissante, nuisible, mal embouchée et peu durable".
Le singe nu, le troisième chimpanzé… de nombreux intellectuels ont proposé leur définition de Sapiens. J'aime bien celle de Frans de Waal : le singe bipolaire. Nous sommes capable du meilleur comme du pire. Parler de "primate insignifiant" me paraît stupide. A moins qu'on s'arrête à un énergumène pris isolément. Et ce n'est peut-être pas si grave que ça car il est possible que les vices individuels fassent les vertus de l'espèce. Beaucoup de gens sont "bête et méchant" mais collectivement nous avons inventé la démocratie et aboli la peine de mort. Pas partout c'est vrai mais c'est ça le progrès : un travail de sisyphe mais un travail qui rend heureux et donne de l'espoir, à chaque petite avancée.
Les lendemains qui déchantent
Si
Yves Paccalet est aussi dégouté c'est sans doute qu'il a pris goût à la nature (il a beaucoup baroudé). Étant aux premières loges pour constater sa destruction, malgré le lobbying des écologistes, il a finit par se décourager. Je peux comprendre. Quand on est un babyboomer, un idéaliste soixante-huitard, un esthète, un amoureux de la nature et de la vie, il y a de quoi tomber de haut devant tous les malheurs du monde. C'est vraiment le sentiment général qui émane de ce livre : celui d'une désillusion. Celle du voyageur qui part à la rencontre des peuples premiers et qui les voit devenus des ivrognes, vêtus de "shorts et baskets Adidas". Celle aussi d'un pacifiste qui voit la guerre partout. Celle encore d'un homme de sciences et de lettres qui constate l'abêtissement généralisé.
Le problème de la déception c'est quand on commence à chercher des coupables. Paccalet a trouvé : c'est l'Homme, ce "cancer de la Terre", ce "parasite de la planète". Et c'est là que les clichés pleuvent, que le ton devient profondément pessimiste et que l'humour noir dont il été question n'est en fait que noirceur. L'auteur se fait alors prophète de malheur et alors le pas éthique devient pathétique. L'humanité disparaîtra car "l'homme est le seul animal qui s'autodétruit" ? Je ne crois pas que l'Homme soit ce destructeur débile qui scie la branche sur laquelle il est assis. Nous ne détruisons pas nous transformons. Nous n'allons pas nous autodétruire nous allons nous transformer.
Finalement, la phrase la plus pertinente que j'ai trouvé dans ce court pamphlet, c'est la citation de
Nietzsche : "Partout où j'ai trouvé du vivant, j'ai trouvé de la volonté de puissance ; et même dans la volonté de celui qui obéit, j'ai trouvé la volonté d'être maître." C'est une véritable inversion des pôles que nous avons vécu : nous étions soumis à la nature, nous en sommes devenu maître et possesseur. Mais nous sommes encore au milieu du gué et c'est vrai qu'il y a des dangers. Il faut prendre des précautions mais ne pas ériger cela en principe absolu. Sachons réenchanter le risque comme nous y invite
Gérald Bronner. Toute aventure comporte des dangers, l'aventure humaine ne fait pas exception. Continuons à avancer et à progresser car nous n'avons pas le choix. Moi j'y crois. La pulsion de vie est plus forte que la logique mortifère de l'écologie radicale.
1 "L'homme est méchant parce que c'est un animal pensant."