Si une oeuvre est bien repérable entre toutes, c'est sûrement celle de
Claude Viallat avec son curieux motif d'éponge peut-être, apparu en 1966 dans ses oeuvres et répété au fil des bâches, des draps, des tissus, des rideaux ou d'autres toiles récupérées, où certains pourront comme moi, voir plutôt ou reconnaître la forme d'un osselet ou alors celle plus improbable d'un haricot.
« Mais en art il faut bien entendu se méfier des apparences » comme le rappelle judicieusement
Alfred Pacquement dans le catalogue de cette exposition coproduite par la ville de Montpellier et celle d'Annecy en 1997 avec le soutien de la DRAC du Languedoc-Roussillon et qui présente des oeuvres de
Claude Viallat réalisées entre 1990 et 1996. Ce motif pourrait bien en cacher d'autres autrement dissimulés.
Claude Viallat est né à Nîmes en 1936 et a fait très brièvement partie de ce que l'on raffole, il faut bien le dire, d'appeler en France : une avant-garde. Membre fondateur, pour ce qui le concerne du groupe « Supports-Surfaces » dont il s'écarte dès 1971.
Nombreux parmi les artistes appartenant à cette mouvance, étaient ceux qui lorgnaient du côté de l'Amérique et décidèrent de la reformulation, plus ou moins radicale, des moyens de leur peinture en se proposant de la sortir des limites du "cadre" imposé depuis la Renaissance, rien de moins : exit donc la composition, la figuration ou autre narration. Se réapproprier les éléments primordiaux du tableau tels que la toile ou le châssis (le support et la surface) afin de reconquérir l'espace pictural, tel était le programme. La peinture pour ce qu'elle est. Un retour aux fondamentaux ? Oui mais lesquels ?
Claude Viallat a pour sa part fait le choix de se débarrasser du châssis et d'explorer par la toile les possibilités infinies d'une forme unique, et souvent monochrome, ressassée à l'envi. Option minimaliste qui n'est pas, loin s'en faut, sans contraintes. Son geste d'artiste l'a conduit à traiter le sol comme un nouveau support, à reconsidérer de fond en comble les questions d'accrochage et d'espace. A force de rapprocher ou d'assembler ses toiles, de les tendre ou de les pendre, de les poser au sol bout à bout ou de les rapiécer, d'accoupler ses motifs ou de les séparer, la polychromie s'est déployée.
Claude Viallat est aussi un récupérateur invétéré. Cordes, ficelles, osier, stores, tentes, sacs ou parasols, les matériaux s'imposent en toute liberté pour ce qu'ils sont et s'ils tendent à désacraliser les oeuvres, n'ont pas non plus vocation à les rabaisser. Bouts de toile arrimés à des cerceaux de barriques prennent soudain la forme d'étranges et fragiles entités. La forme initiale suscite d'autres mises en formes, peinture ou sculpture, la création s'est ainsi transmuée. Elle existe pourtant, elle est là, à quoi bon la répertorier. Car, loin d'être enfermées dans un formalisme stérile, les oeuvres en mouvement de Viallat ont su, au fil des ans conquérir des territoires insoupçonnés, c'est ce que montre si bien cet excellent catalogue.
Une rétrospective est consacrée actuellement à
Claude Viallat au
Musée Fabre de Montpellier jusqu'au 2 novembre, où l'on peut découvrir aussi la partie figurative de son oeuvre, liée à son goût pour la tauromachie.