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Trois parties composent ce passionnant et riche roman de Leonardo Padura, Hérétiques.
Elles concernent trois personnages. La première intitulée Livre de Daniel raconte l'histoire de ce jeune juif polonais de Cracovie Daniel Kaminsky envoyé chez son oncle Joseph à Cuba pour échapper à la fureur nazie et l'espoir qu'il a eu de retrouver sa famille fin mai 1939 lors de l'arrivée à La Havane du paquebot Saint-Louis parti de Hambourg quinze jours auparavant. En effet, les parents et la soeur du petit Daniel faisaient partie des neuf cent trente-sept juifs passagers. Mais, six jours après son arrivée au port, le président Bru cédant à la pression nord-américaine ordonne au Saint-Louis de sortir des eaux territoriales cubaines, les passagers se voient ainsi refuser l'entrée à Cuba. À peine un peu plus d'une vingtaine de juifs ont pu descendre du bateau. Daniel Kaminsky se débat alors dans les brumes de sa douleur et prend la ferme décision de renier sa condition de juif. Il ne reverra jamais les siens…
Le deuxième livre est consacré à Elías Ambrosius Montalbo de Ávila, Juif séfarade, qui en 1643, prend la décision irréversible d'apprendre l'art de la peinture et devient apprenti de Rembrandt, contre la Loi de sa religion.
La troisième partie, Livre de Judith concerne une jeune emo, Judy, les emos constituant une des « tribus urbaines » apparues vers 2008 dans la rue G à La Havane. Elle fait partie de ces ados tourmentés qui avec piercings et scarifications rejettent la société et sont en quête d'individualité.
Les trois protagonistes en cherchant, chacun à leur manière un moyen de s'affranchir des diktats de leur temps ou de leur communauté pour vivre libres, exprimant une façon de penser dissidente, marginale, deviennent ainsi « Hérétiques ».
Mario Conde, cet ancien policier cubain pure souche reconverti en acheteur de livres anciens va nous guider parmi ces amoureux de la liberté, en se lançant sur la piste d'un mystérieux tableau de Rembrandt, disparu dans le port de la Havane en 1939 et retrouvé comme par magie des décennies plus tard dans une vente aux enchères à Londres. Ce portrait d'un jeune juif ressemblant au Christ est le véritable fil rouge de l'histoire.
Hérétiques de Leonardo Padura est une véritable épopée dédiée à La Havane. Il est aussi un formidable roman d'aventures dans lequel l'enquête policière avec le destin énigmatique de ce tableau peint par le Maître a une place de choix et il est surtout un bel essai sur le libre arbitre, abordant maintes pistes de réflexion sur le combat à mener pour vivre libre.
Ce roman très dense, véritable fresque foisonnant d'informations m'a emportée de Cuba, à Amsterdam et même en Pologne pour mon plus grand plaisir, même si j'ai pu être lassée parfois par quelques longueurs. Mais le personnage fétiche de Padura, cet ex-policier, avec sa compagne Tamara, ses copains chaleureux et accueillants, toujours prêts à trinquer avec une bonne bouteille de rhum et surtout ses talents de fin limier m'ont fait passer d'excellents moments de lecture tout en tutoyant la grande histoire.
La condition des Juifs, la vie cubaine avec l'ère Batista, puis la révolution et le régime castriste, la jeunesse d'aujourd'hui qui tend à se marginaliser, la peinture hollandaise au XVIIe siècle, tels sont les thèmes évoqués dans ce richissime bouquin, le tout sous-tendu par cette quête de liberté si justement exprimée par Elías à son grand-père, au haham Ben Israël et à Rembrandt : « Vous m'avez appris qu'être un homme libre c'est plus que vivre dans un lieu où on proclame la liberté. Vous m'avez appris qu'être libre, c'est une bataille qu'il faut livrer tous les jours, contre tous les pouvoirs, contre toutes les peurs. »
Polar, roman historique, essai philosophique sur le libre arbitre, Hérétiques de Leonardo Padura (Retour à Ithaque, La transparence du temps, Poussière dans le vent, L'homme qui aimait les chiens) est un roman passionnant et enrichissant où fiction et réalité se mêlent avec brio !

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Hérétiques est plus qu'un roman, Hérétiques se divise en trois livres et se termine par une Genèse. Les trois livres portent les prénoms de DANIEL, ELÍAS et JUDITH, personnages bibliques hébraïques.
J'imaginais que Hérétiques avec le personnage de Mario Conde, ex-policier reconverti dans le commerce de livres anciens et détective à ses heures était un roman dans la lignée de Brumes du passé que j'avais apprécié. Erreur, si Mario Conde fidèle à lui-même, un homme sensible, humain, analyste, qui va au fond des choses, occupe une place de choix dans une grande partie du roman, il est absent du second livre, livre de ELÍAS, partie historique consacrée au peintre Rembrandt et son époque. Pour ce qui est du troisième livre, le livre de JUDITH, Mario Conde découvre une jeunesse cubaine qui se marginalise, divisée en tribus, emo, freaks, rockeurs ... tous voulant afficher leur non-conformisme et leur liberté. Conde recherche une jeune fille émo disparue ...
Leonardo Padura, fidèle à lui-même, raconte Cuba et La Havane personnage principal de ses livres et raconte, dans le livre de ELÍAS qui se déroule dans les années 1643-1645 à Amsterdam, la Nouvelle Jérusalem, une partie de l'histoire des Juifs, de leurs persécutions, l'atelier de Rembrandt et l'évolution d'un de ses élèves, juif qui brave sa religion lui interdisant la peinture, pour revenir à La Havane en 2008 dans le livre de JUDITH.
Hérétiques est un roman magistral !
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Autant le dire tout de suite, on a affaire ici à un roman très dense et on comprend qu'il ait fallu plus de trois ans à Leonardo Padura pour nous produire cet opus de 603 pages (qui sont bien remplies...).
Je l'avais découvert avec «Les brumes du passé» et enchainé avec «Mort d'un chinois à la Havane». Je ne suis pas déçue d'avoir pris un peu de temps pour lire «Hérétiques».
Pour ceux qui ne connaissent pas Padura, le héros, Conde, est récurrent: c'est un ancien flic, aujourd'hui la cinquantaine, devenu revendeur de livres anciens que certains cubains désargentés sont contraints de vendre.
Dans les aventures qui nous intéressent ici, il va rencontrer un homme américain, Elias Kaminsky, peintre de son état, dont le père, Daniel Kaminsky était arrivé enfant en 39 à la Havane pour la fuir vingt ans plus tard. Il avait débarqué seul et avait été accueilli par un oncle.
Le reste de sa famille juive devait le rejoindre avec pour monnaie d'échange si nécessaire pour soudoyer les autorités cubaines, un tableau de Rembrandt (dans la famille depuis trois siècles).
Seulement voilà, le petit Daniel Kaminsky verra depuis le port le bateau Saint Louis à bord duquel se trouvent ses parents et sa petite soeur, quitter les eaux cubaines le 1er juin 1939 après six jours interminables d'attente et de palabres avec les autorités. Ce bateau qui n'avait pratiquement à son bord que des juifs fuyant l'Europe sera aussi refusé par les Etats-Unis et retournera en Europe où l'on sait le sort qui fut réservé à ses passagers...(le fait est véridique).
Bref, Elias Kaminsky voudrait bien savoir, avec l'aide de notre héros Conde, ce qui s'est passé et pourquoi aujourd'hui le tableau de Rembrandt se retrouve en vente à Londres.
Le roman est constitué de trois «livres» et d'une genèse en toute fin (références bibliques obligent).
Le premier, «livre de Daniel» prend place à la Havane de 1939 à 1959 (comme toujours ville-personnage à part entière chez Padura), le Miami de la communauté cubaine exilée dans les années 60 et enfin en 2007, année où se situe «l'enquête».
Le second, «livre d'Elias» se situe entre 1643 et 1647 à Amsterdam (appelée la Nouvelle Jerusalem par les juifs ayant fui l'inquisition qui y trouvèrent refuge et liberté). On suit un jeune juif, Elias Ambrosius, fervent admirateur du Maître Rembrandt, qui souhaite devenir peintre malgré le fait que la pratique soit interdite par «le deuxième commandement de la Loi sacrée» car source d'idolâtrie et qui risque le bannissement par sa communauté s'il enfreint la règle.
Enfin, dans le dernier livre, «livre de Judith», on retrouve Conde chargé d'enquêter sur la disparition d'une adolescente à la Havane en 2008.
Bien entendu, tout est lié...Et la genèse de la fin (bel oxymore...) du livre nous donne aussi quelques clés sur l'histoire du fameux tableau disparu et surtout sur le massacre des juifs perpétré en Pologne dans les années 1650.

Le propos du livre est centré sur l'exercice du libre-arbitre de chacun des principaux personnages qui ont à faire des choix qui peuvent aller à l'encontre de leurs communautés.
J'ai préféré les deux premières parties à la troisième bien que cette dernière dépeigne certainement avec beaucoup de justesse le désenchantement d'une partie de la jeunesse cubaine actuelle mais je l'ai trouvé un peu long.
Le personnage de Conde est définitivement attachant (vieux garçon et compagnon d'un chien plutôt repoussant), aimant partager des moments (toujours bien arrosés) avec ses vieux amis et amoureux de sa Tamara avec laquelle il hésite désormais à se marier.
Le talent de Padura tient dans le fait que certes, l'écriture est assez exigeante, avec parfois de longues phrases (mais avec quel talent!... et bravo au passage à la traductrice) et de la réflexion mais qu'il sait aussi faire part de beaucoup d'ironie et de tendresse en particulier lorsqu'il évoque Conde et ses relations amicales et amoureuses. Les différentes atmosphères sont très bien restituées.
La partie sur Amsterdam est vraiment passionnante et si vous avez eu l'occasion de visiter la maison de Rembrandt, vous pourrez «visualiser» un certain nombre de scènes ce qui est toujours intéressant.
Le livre est émaillé de références à des enquêtes passés (les titres des romans sont indiqués) mais ça ne gêne en rien la lecture si on ne les a pas lus.
Je conseillerasi peut-être cependant de commencer plutôt par «les Brumes du passé» qui est plus court et et si cela vous plait, d'enchainer sur ce brillant ouvrage.


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Troisième Leonardo Padura à mon actif !

Une somme- trois livres en un, en fait, comme l'ont déjà dit maintes critiques avant moi.

Un peu longuet, malgré l'intérêt évident des périodes évoquées, très « politiques » , très « historiques » comme toujours chez Padura.

Plus de 600 pages, donc , qui baladent le lecteur de la Havane à la fin des années 30 à Miami à la fin des années 50, d'Amsterdam au milieu du XVIIème siècle à La Havane en 2009, pour se terminer par une Genèse qui est aussi une sorte d'Apocalypse- en Pologne, au moment des pogromes de Chemiel le Cosaque…

Un peu pesant aussi, car, pour assurer la lisibilité du lien qui relie les trois livres de cette double enquête, Padura s'étend parfois laborieusement sur ce qui les rapproche.

A savoir, cette hérésie-du grec airèsis, le choix- qui relie les trois livres et leurs trois héros éponymes-Daniel, Elias, Judith- : hérésie morale et religieuse pour Daniel, hérésie religieuse et artistique pour Elias, hérésie sociétale et philosophique pour Judith.

Des longueurs et des pesanteurs, donc, mais néanmoins un livre instructif et fascinant : en dépit des dictatures, des persécutions, des intolérances exogènes ou endogènes, en dépit des déterminismes sociaux ou familiaux, en dépit des règles et des lois, Padura proclame hautement la primauté du choix, de la liberté individuelle, celle de la VIE qui doit toujours l'emporter sur tous les carcans , toutes les pressions, toutes les pesanteurs de la société ou de la religion.

Et notre Conde avec son chien foutraque et puant, ses potes improbables, sa compagne libre et sensuelle, son goût immodéré pour le rhum et les grandes bouffes amicales et surtout son indépendance viscérale est certainement le meilleur ex-flic pour dénouer les fils embrouillés de cette intrigue tissée autour d'un tableau de Rembrandt, qui, venu à La Havane depuis l'Allemagne nazie, sur le paquebot Saint Louis de honteuse mémoire, échoue dans une vente publique de Londres, déclenchant questions, morts et remords…

La Havane est comme toujours un des « personnages » les plus vivants ( d'une partie ) de cette trilogie. On la retrouve comme on retrouverait une vieille amie un peu usée par la vie, le rhum et les désillusions.

Surtout on apprend mille choses sur la diaspora juive à Cuba et Miami, au temps du nazisme ou de la dictature de Batista, puis au temps de la révolution castriste, ou encore à Amsterdam, cette « Nouvelle Jérusalem » du XVIIème siècle, fragile îlot de tolérance dans une Europe où l'Inquisition sévissait sur les juifs sépharades et les terribles pogromes des Cosaques sur les juifs ashkénazes…

Autre délice aussi, pour moi : visiter l'atelier de Rembrandt, écouter ses secrets, admirer sa « manière » si novatrice, si « hérétique » elle aussi !

Au final, donc, un bilan mitigé : une lecture de l'auteur cubain moins enthousiaste, un peu plus poussive, parfois, que les précédentes, mais un apport historique, culturel immense, et une très grande richesse de contenu !
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J'ai beaucoup d'éloges à écrire à propos du roman Hérétiques, de Leonardo Padura. Beaucoup d'éloges, oui, même si quelques détails m'ont agacé. Des trois parties, le premier livre commence par une enquête policière avec Mario Condé, un ancien policier converti en libraire (mettons !) mais aussi détective privé à ses heures. Il se voit confier une affaire par Elias Kaminsky, le fils d'une vieille connaissance. Une peinture de Rembrandt qui appartenait depuis des siècles à la famille mais qu'on croyait perdue a refait surface dans un encan à Londres. Qui l'a dérobé ? Oui, bien sur, mais surtout comment ? Car le sort du tableau est lié à celui, tragique, de la famille Kaminsky.

En effet, Daniel Kaminsky, le père d'Elias, était un juif originaire de Pologne. Sa famille l'a envoyé à Cuba, où l'oncle Joseph habitait déjà, et espérait l'y rejoindre rapidement. Elle pensa y parvenir à la fin 1938 quand elle acheta avec ses dernières économies un billet sur le navire St-Louis. Il ne lui restait comme seule possession que le fameux tableau Malheureusement, des intrigues politiques mirent fin à leur espoir : on refusa l'asile aux centaines de réfugiés et le navire dut rebrousser chemin sous le regard impuissant de Daniel. La famille Kaminsky (le père, la mère et la soeur Judith) fut prise dans la tourmente de la Seconde guerre mondiale et de l'Holocauste. Mais qu'est-il advenu du tableau dans tout ça ? Comment s'est-il retrouvé à Londres ?

Cette histoire était très intrigante. En tant que lecteur, on est pris entre ces deux époques. Mario Condé qui mène ses recherches à notre époque, mais aussi Daniel Kaminsky qui essaie de survivre dans les années 30 et 40, qui est témoin de l'arrivée du St-Louis dans le port de LaHavane mais aussi de son renvoi. Padura a un don certain pour ce qui est d'intégrer la petite histoire des personnages à la grande Histoire de l'humanité. J'y ai cru, à ce jeune juif et à son oncle Joseph, à leurs déboires mais surtout à leur ingéniosité et à leur débrouillardise pour se créer leur petit monde dans ce grand monde presque hostile qui les entourait.

Puis, dans le deuxième livre, on est transporté plus de trois cents ans en arrière, à l'époque de Rembrandt. On comprendra assez facilement que cette partie du roman racontera comment le fameux tableau du maitre peintre s'est retrouvé entre les mains de la famille Kaminsky. J'ai trouvé ce passage très instructif. J'ai appris beaucoup de choses sur les Pays-Bas, Amsterdam, le protestantisme mais aussi sur le judaïsme et les communautés juives, sur leur sort dans une Europe en pleine guerre de religion et de bouleversements multiples. Évidemment, Padura s'est beaucoup documenté et son roman est une preuve de sa grande érudition.

Puis, avec le troisième livre, on revient à nouveau à notre époque. Mais, cette fois-ci, Mario Condé est supplié par la jeune Yadine (qu'il avait croisé par hasard lors de son enquête) de retrouver son amie disparue. Cette jeune fille a vu le détective en action et, devant l'inaction de la polcie, elle croit qu'il pourra faire quelque chose. Une autre trame à une histoire déjà longue et inutilement compliquée ? J'ai compris assez vite qu'elle n'y avait pas été intégrée sans raison, qu'un lien quelconque allait la rattacher aux autres livres, soit le sort du fameux tableau. Mais, rendu à près de 500 pages, même si l'intrigue est intéressante, on a hâte d'en arriver au dénouement. Au moins, il nous présente un LaHavane différent, celui des émos, des gothiques, des laissés-pour-compte.

La principale critique que j'ai à formuler à propos d'Hérétiques : un peu trop long ! C'est ce qui m'empêche de lui donner 5 étoiles. Mais j'ai tout de même passé un excellent moment à lire ce roman. On a plus qu'une seule intrigue policière et c'est probablement ce qui m'incitera à vouloir le relire dans quelques années.
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Les affaires ne sont guère florissantes pour Mario Conde, le flic reconverti en vendeur de livres rares. Parfois il a l'impression d'avoir retourné chaque pavé de l'île à la recherche d'un trésor littéraire et que le filon est épuisé. Aussi, quand Elias Kaminsky l'attend un soir devant chez lui avec les poches pleines de dollars et un cold case à élucider, Conde écoute son histoire et accepte la mission. Sur les traces d'un tableau de Rembrandt et d'un meurtrier, l'ex-policier découvre la peu glorieuse histoire du Saint-Louis, un paquebot allemand dont les passages, tous des juifs fuyant le nazisme, furent renvoyés vers l'Europe et la mort après de vaines tractations avec les autorités cubaines. Les parents et la soeur de Daniel Kaminsky, le père d'Elias, n'obtinrent pas l'asile malgré le Rembrandt qui leur servit de monnaie d'échange...
Propriété de la famille depuis le XVIIè siècle, le petit tableau a traversé le temps depuis sa création dans l'atelier du Maître à Amsterdam, la ''Nouvelle-Jérusalem'' pour le peuple juif persécuté de toute part qui trouva dans cette ville un hâvre de paix et de tolérance. La toile est un portrait, celui d'un élève de Rembrandt, Elias Ambrosius Montalbo de Avila, un juif qui voulait par-dessus tout être peintre malgré le tabou religieux qui interdisait aux membres de sa communauté de pratiquer cet art.
Peint au XVIIè siècle à Amsterdam, reparu dans une salle des ventes de Londres en 2009, le mystérieux tableau sera pour Condé l'objet d'une enquête dans le passé de la Havane, du temps où les juifs y vivaient en paix avant que la peur de Castro ne les chasse encore une fois vers d'autres horizons. En explorant les secrets de la famille Kaminsky, il fait la connaissance de Yadine, une ''emo'' en rupture totale avec la société et qui le charge de trouver sa meilleure amie, Judy, disparue depuis plusieurs jours. le vieux détective découvre alors un autre monde, celui de ces jeunes cubains qui ont choisi de se marginaliser pour fuir une société qui ne leur convient pas.

C'est toujours un plaisir de suivre les pas de Mario Conde dans les rues de la Havane. La recette de base reste inchangée : réflexions philosophiques de Conde sur la vie, la mort, la politique et l'âge avançant, la vieillesse, petits passages nocturnes entre les draps de la toujours belle Tamara, son amour de jeunesse, repas aussi improvisés que royaux chez Josefina et pour oublier les désenchantements, cuites mémorables avec sa bande de copains aussi (mal) barrés que lui. Ce qui diffère ici c'est la division en trois livres très différents et dont le point commun est l'hérésie. Vaste concept qui amène ses personnages à vivre différemment des membres de leur communauté et à se battre pour leur liberté. de Daniel qui renie son judaïsme pour se glisser dans la beau d'un cubain à Elias qui s'oppose à son rabbin en voulant peindre, jusqu'à Judy qui refuse de se fondre dans la masse et invente ses propres codes, ils ont tous fait leurs propres choix de vie, pensant ainsi, à tort ou à raison, accéder au bonheur. Outre l'hérésie, l'autre grand thème de ce roman est le sort réservé aux juifs à travers les lieux et les époques.
Ajoutés à la recette de base tous ces ingrédients rendent malheureusement le menu un poil indigeste. Trop de longueurs, trop de détails, trop de thèmes et un troisième livre carrément dispensable ou qui aurait pu faire l'objet d'un opus à part. Bilan mitigé après une lecture instructive mais fastidieuse.
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Voici un roman complexe et foisonnant, qui rend hommage aux hérétiques contemporains ou anciens, osant défier leur religion ou l'ordre établi. Sa construction biblique en trois livres et une genèse, assez ironique compte tenu du titre, permet de séparer le récit en trois parties distinctes, bien que liées.

Le héros, ou plutôt anti-héros, de cette histoire est Mario Conde, ex-policier cubain, qui vivote maintenant en revendant des livres anciens. Dans la première partie (livre de Daniel), il aide le fils de Daniel Kaminsky — juif polonais émigré à La Havane avant la guerre — à reconstituer le parcours de son père sur les traces d'un mystérieux tableau de Rembrandt extorqué à sa famille à l'époque nazie.
La deuxième partie (livre d'Elias), située au XVIIe siècle à Amsterdam, décrit la vie de Rembrandt et d'un de ses apprentis, expliquant ainsi l'origine du fameux tableau.
Retour à La Havane pour la troisième partie (livre de Judith), où Conde enquête cette fois sur la disparition d'une jeune fille. Cette sombre affaire le remettra contre toute attente sur la piste du tableau.
Quant à la genèse, en partie tirée d'une chronique du XVIIe siècle, je vous signale seulement qu'il faut avoir le coeur bien accroché pour la lire...

Reconstitution historique et polar, immersion dans la Havane de 1939 à nos jours, biographie de Rembrandt, essai sur la liberté ou sur la persécution des juifs au cours des siècles, les 600 pages d'Hérétiques ne cèdent jamais à la facilité. Une fois acclimatée aux redondances de Leonardo Padura, qui ne lésine ni sur les adjectifs ni sur les explications, j'ai adoré suivre Mario Conde, ses bouteilles de rhum et sa vieille clique de copains tous affublés de surnoms: le Flaco (le maigre), le Conejo (le lapin), Candito el Rojo (le rouge), Yoyi el Palomo (le pigeon)… . Vieux con et macho dans l'âme, mais très fidèle en amitié comme en amour, Conde est décidément bien attachant. En revanche, j'ai trouvé la partie sur Rembrandt et son apprenti, bien que très documentée, un peu lente et touffue à mon goût. Heureusement que Conde reprend la main, et la bouteille, dans la dernière partie.

Au cours du récit, l'auteur fait souvent référence à ses enquêtes précédentes. Il n'est pas nécessaire de les avoir lues pour suivre celle-ci, mais je me laisserais bien tenter par une nouvelle virée à la Havane ! C'est l'occasion d'ajouter quelques titres à mon pense-bête.

*** Livre sélectionné pour le prix Libraires en Seine 2015 ; prix décerné à Jacob, Jacob ***
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Exceptionnel, comme cela fait grand bien de lire un tel roman qui tient, à mon sens, de la grande littérature. Une intrigue rudement bien menée, dans un contexte historique travaillé avec précision et érudition, des personnages hautement étudiés....

C'est une grande découverte pour moi que cet auteur Cubain et j'en suis pleinement heureuse quand je lis combien de livre il a écrit, grandiose, alors encore de belles heures de lecture avec lui très certainement.

Hérétiques, ce sont plusieurs histoires qui se croisent, s'entremêlent à des années voir des siècles différents. Un voyage au coeur de la grande Histoire, de la peinture, de la guerre .. nous conduisant d'Amsterdam, en Pologne pour Cuba.

Histoire d'un couple juif déporté dans ce fameux bateaux le Saint Louis, en 1939, parti de Hambourg pour la Havane mais qui ne pourront jamais débarquer alors que leur fils Daniel arrivé quelque temps avant chez son Oncle les attend avec impatience. Ils sont en possession d'un trésor inestimable, une peinture de Rembrandt qu'ils possèdent de génération en génération dans cette famille juive les Kaminsky.

Que va-t-il advenir d'eux, de leur fils, de ce tableau ? Je n'irai pas plus loin à vous raconter davantage, ce livre se découvre, se dévore, se savoure ......
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D'abord surprise par le fait qu'il s'agissait d'une enquête de Mario Condé, je me suis laissé porter par ma lecture en essayant d'engranger toutes les informations de détail et de contexte car, à son habitude, Padura inscrit son imaginaire dans les faits historiques. C'est ainsi que j'ai appris qu'un paquebot allemand (le Saint Louis) avait quitté le port de Hambourg en 1939 pour rejoindre La Havane avec, à son bord, près d'un millier de passagers juifs qui n'ont pu débarquer et qui ont été finalement renvoyés en Allemagne dans les camps de la mort.
Puis, surprise par le fait qu'on quitte Mario Condé pour se retrouver dans l'atelier de Rembrandt au milieu du XVIIè siècle. C'est à se demander si Padura n'a pas créé toute son histoire policière pout nous faire partager ses opinions sur la création artistique le rôle de la religion, de ses injonctions et de ses intolérances que l'on trouve dans ce deuxième livre consacré à Elías à la fois modèle et apprenti du grand maître….
Le troisième livre, celui de Judith (ou Judy) nous ramène dans la Cuba du début de notre siècle pour finaliser l'enquête de Condé: c'est selon moi la moins intéressante car on peut en deviner quelques aboutissants.
Et, finalement, comme si ce n'était pas assez de trois livres avec toutes ces longueurs parfois un peu lourdes à avaler, le roman finit par une Genèse qui rappelle les massacres des populations juives lors de l'invasion de la Pologne-Lituanie entre 1654 et 1656 par les armées du tsar de Russie.
Bref, quasiment quatre romans différents dans un seul avec un certain mélange des genres, c'est pour le lecteur un défi à sa persévérance et à sa concentration; mais c'est aussi un défi pour l'écrivain qui doit maintenir le cap et l'unité de l'architecture d'ensemble. Bien que, selon moi, moins magistral que L'homme qui aimait les chiens, ce roman confirme, s'il le fallait ,le formidable talent de son auteur. À lire sans modération tant par les adeptes de romans policiers que ceux de romans historiques.
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Lecture proposée dans le cadre de Pioche dans ma PAL (Février 2019), par dedanso.

Première lecture de Léonardo Padura, Je découvre une plume et un style qui m'ont convenue d'emblée. Très dense,
Hérétiques traite de l'histoire du peuple juif, d'une manière romanesque, entre Cuba et Amsterdam, mais sur un fond historique très documenté. Ce livre, très structuré, nous fait voyager également dans l'espace et dans le temps, et nous fait vivre des époques très différentes, où finalement, la question du libre-arbitre de chacun, par rapport aux dogmes religieux ou non, reste une question encore de grande actualité.
C'est un livre que je vais garder dans ma bibliothèque, car on y apprend beaucoup sur la religion juive.

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