Voilà l'un des romans étrangers les plus acclamés de cette rentrée 2021. Dès que j'entre dans une librairie en ce moment, je le vois mis en avant comme coup de coeur. Il a déjà reçu le Prix Transfuge 2021 du meilleur roman hispanophone et est sur la liste du Femina étranger.
Le Figaro Littéraire, le Monde et Télérama ont également chanté ses louanges…
Leonardo Padura est romancier, journaliste et auteur de scénarios (ou scenarii, je ne sais jamais ce qu'il faut dire, j'ai l'impression que les deux sont acceptés). Il est né et vit à La Havane et a obtenu de nombreux prix pour son oeuvre, dont le prix Princesse des Asturies en 2015. Traduit dans quinze langues, il est considéré comme l'un des grands noms de la littérature cubaine contemporaine.
Adela Fiztberg, une Américaine d'origine argentino-cubaine, tombe amoureuse de Marcos, un Cubain exilé depuis deux mois aux États-Unis. Au hasard d'une balade sur les réseaux sociaux, ils découvrent une photo d'un groupe d'amis prise dans le jardin de la mère de Marcos quelques dizaines d'années plus tôt. Adela y reconnaît sa propre mère enceinte. Cette photo est le point de départ d'un retour sur le passé où se dévoilera le destin tragique de cette bande de copains.
Padura propose un roman choral fondamentalement triste et nostalgique. Il décrit à travers une fresque ample – le livre fait plus de 600 pages – le destin du « Clan », un groupe d'amis qui se sont rencontrés durant leurs études et qui, comme tous jeunes gens, rêvaient leurs vies et leurs destinées. Pourtant la grande histoire va briser les élans de leur jeunesse. Écrasés par la situation politique et économique de Cuba alors que l'Empire soviétique se délite, ils vont se retrouver contraints à l'exil ou à la paupérisation. Ils vivront leurs vies épuisés et dispersés à travers le monde comme des poussières dans le vent.
La grande qualité de ce livre est de montrer la terrible vie des Cubains après la chute du régime soviétique et la nécessité de fuir la misère et l'oppression pour survivre, quitte à risquer sa vie et mourir noyé en mer, ou arrêté par les autorités cubaines ou américaines. On est loin du folklore joyeux et coloré construit dans notre imaginaire collectif, loin du cliché du
Che Guevara rebelle et iconique, qui se bat pour une belle utopie révolutionnaire. Ici la révolution a donné naissance à un monstre qui broie sa population. On voit un pays exsangue brutal, paranoïaque, détruit, gangrené par les privations. On suit également le destin d'émigrés déboussolés, dans un pays qui n'est pas le leur. Ils doivent reconstruire une vie à zéro, en partant du plus bas de l'échelle, malgré leurs diplômes et leurs connaissances. Surtout, on voit le traumatisme que ce déracinement engendre chez eux et la nostalgie du monde qu'ils ont dû quitter, presque malgré eux.
Au-delà de la simple question cubaine, il y a ici un très beau portrait de l'émigré prêt à tout pour quitter la misère et en proie à la blessure terrible du déracinement forcé. On ne peut s'empêcher de penser à la question des réfugiés qui arrivent actuellement en Europe en espérant une vie meilleure et qui sont si mal accueillis. Pandura ici nous met dans la peau d'hommes et de femmes qui n'ont d'autre choix que de fuir et de se trouver une place dans un endroit où l'on ne veut pas forcément d'eux. Cette expérience est aussi prenante que déchirante.
Ce grand point fort mis en avant, j'ai néanmoins trouvé des faiblesses à ce roman et je suis assez étonné du concert de louanges qui l'accompagne. le principal point noir du texte à mes yeux est lié au suspense mis en place par l'auteur. Je l'ai trouvé artificiel et poussif. La situation des personnages est telle qu'il n'y a pas besoin d'un mystère autour d'un suicide ou d'une naissance pour expliquer leurs actes. Au contraire même, cela alourdit et dénature le propos. Également, je n'ai pas cru aux liens d'amitié supposément indéfectibles qui unissaient les membres du Clan. Je les ai trouvés bancals, voire peu crédibles. Enfin, j'ai déploré un manque de fluidité du texte qui a gâché quelque peu ma compréhension. Les membres du Clan sont nombreux et leurs histoires sont trop similaires. La multiplication des personnages m'est apparue superflue et trop complexe. Souvent, en cours de lecture, passant de l'un à l'autre, je ne me souvenais plus qui était qui.
La machine est belle et savamment construite, mais trop construite peut-être pour dépasser à mes yeux la grande fresque un peu trop fabriquée. Dommage.
Tom la Patate
Lien :
http://coincescheznous.unblo..