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Critique de Nastasia-B


Quel bonheur, mes ami(e)s, quel bonheur que cette comédie de Marcel Pagnol ! Ce n'est pas facile comme partition : faire dans le burlesque, faire dans la farce, faire dans la bonne grosse caricature et en même temps, faire dans le sensible, dans le subtil, dans la nuance.

Eh bien croyez-moi si vous voulez, mais selon mes critères, Marcel Pagnol arrive à faire tout cela, et même mieux que cela. C'est probablement, la pièce que je préfère de la trilogie marseillaise, elle qui n'était au moment de sa création que le second volet d'un diptyque avec Marius et qui, plus tard, s'est enrichi d'un troisième pan avec César mais qui a, quant à lui, d'abord vu le jour au cinéma avant d'être monté sur les planches.

Oui, ici, c'est un vrai bonheur et si le début de la pièce rappelle beaucoup du burlesque qui plaisait tant dans Marius, l'auteur sait donner dans les actes II et III une épaisseur, une ampleur incroyable à ses deux personnages principaux. Ses deux personnages principaux qui sont, quoi qu'on en dise et quoi qu'on en pense, César d'une part (ça, ça ne fait pas beaucoup discussion) mais aussi Panisse d'autre part.

En fait, tout du long de cette trilogie, on assiste aux péripéties d'un amour entre Marius et Fanny, avec ses vicissitudes mais finalement, ces deux-là ne renferment ni le comique, ni le tragique, ni vraiment le pathos, sauf à de rares instants.

Non, les deux personnages centraux, ceux qui nous font rire aux éclats ou qui nous émeuvent aux larmes, ce sont bien César et Panisse, magnifiquement campés au cinéma par Raimu et Charpin ; deux personnages touchants, bardés de défauts, bourrés de contradictions, capables d'élans de noblesse dont on ne les soupçonnerait pas et surtout, terriblement humains. Tout le talent de Pagnol est là, dans César et dans Panisse, et quel talent !

On comprend qu'il ait été tant admiré, et même tant copié, même par des auteurs eux-mêmes fort talentueux. Rien que dans Fanny, je vois au moins deux passages quasi-plagiés ultérieurement par deux monstres sacrés.

Vous voulez des exemples ? D'accord. Les Tontons Flingueurs, ça vous dit quelque chose ? Lorsque Michel Audiard fait dire à Bernard Blier : « Aux quatre coins de Paris qu'on va le retrouver, éparpillé par petits bouts, façon puzzle. », ça ressemble énormément à la réplique De César à la scène 7 de l'acte II : « Et ensuite, je te saisis, je te secoue, je te piétine, et je te disperse aux quatre coins des Bouches-du-Rhône. »

Autre exemple, vous avez adoré Astérix en Corse et surtout le passage où René Goscinny fait dire à Carferrix et Sciencinfus : « — Je n'aime pas qu'on parle à ma soeur. — Mais… Mais elle ne m'intéresse pas votre soeur. Je voulais simplement… — Elle te plait pas ma soeur ? — Mais si, bien sûr, elle me plaît… — Ah, elle te plaît, ma soeur !!! Retenez-moi ou je le tue, lui et ses imbéciles ! », cela ressemble beaucoup à l'échange de la scène 9 du premier tableau de l'acte I entre César et Panisse : « — Il y a longtemps que ça dure, c'est une véritable conspiration ! Vous voulez tout savoir ? Vous ne saurez rien. — Je t'assure que, pour moi, je ne veux rien savoir du tout. — Tu ne veux rien savoir du tout ? — Je ne veux pas me mêler de tes affaires de famille. — C'est-à-dire qu'après une amitié de trente ans, tu te fous complètement de tout ce qui peut m'arriver ? »

(Au passage, je signale que ce passage de l'amitié de trente ans a été plagié une seconde fois par un autre duo comique, à savoir Jacques Chirac et Édouard Balladur, mais dans une mouture franchement inférieure à celle de Pagnol.)

Bref, il n'est pas nécessaire de noircir bien des pages pour vous persuader de l'influence qu'a exercé Marcel Pagnol et pour vous décrire l'étendue de l'héritage qu'il nous a légué.

Fanny commence exactement à la suite de Marius, au moment où l'on retrouve César complètement désemparé et irascible suite au départ de son fils Marius, de même que pour sa petite amie Fanny, qui se languit et se désespère de savoir son véritable amour parti pour deux ans sur les mers du sud à mesurer le fond des océans…

La bande de gais lurons que sont Panisse, Escartefigue et monsieur Brun tente bien par tous les moyens — discrets ou moins discrets — d'en savoir un peu plus sur le moral de leur acolyte César, de même que sur les états d'âme de Fanny. Tout ceci sans compter les humeurs assassines d'Honorine, la mère de Fanny, qui ressemble à une bouilloire sur le feu depuis qu'elle sait Marius disparu sachant qu'il fut quelquefois surpris au matin dans la chambre de sa fille. L'honneur, voyez-vous, l'honneur est sur la sellette…

Je vous laisse bien sûr découvrir par vous-même ce qu'il adviendra de cet honneur ou bien vous repaître du plaisir de relire cette pièce admirable dont l'adaptation cinématographique d'époque est très fidèle et peu constituer une excellente alternative.

Chapeau bas monsieur Pagnol, encore un carton plein, vous nous mettez fanny une fois de plus, mais c'est d'un tel plaisir de se prendre une fanny contre vous qu'on vous le pardonne bien volontiers. D'ailleurs, ceci n'est qu'un avis de fan, aussi profane que diaphane, qu'un simple coup d'éventail anglais suffit à disperser aux quatre coins des Bouches du Rhône, autant dire, pas grand-chose.
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