AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782260004905
Julliard (09/09/1998)
4.44/5   109 notes
Résumé :
Assemblés en un seul volume sous le titre : l'eau des collines, les deux récits de Pagnol : Jean de Florette suivi de Manon des sources.

Le livre est illustré des photos du film de Claude Berri.
Que lire après L'eau des collines / Jean de Florette, suivi de Manon des sourcesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
4,44

sur 109 notes
5
9 avis
4
2 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis
Il est de bon ton, dans certains milieux littéraires, de snober Pagnol.
Forcément, un homme qui a obtenu autant de succès, ça doit en défriser un paquet, qui en ont parfois écrit autant en quantité, et tellement moins en best-sellers.
Dans l'oeuvre variée qui est la sienne, sans omettre au passage les pièces de théâtre et les scénarios de film, Manon des sources occupe une place particulière. Pagnol a réalisé le film avec son épouse Jacqueline, plus belle que jamais, en 1952, mais le diptyque réunissant Jean de Florette et Manon des sources, sous le titre général « L'eau des collines », ne sera développé, lui, qu'une dizaine d'années après, pour être finalement publié en 1963.
Le propos se voit d'une cruauté sans pareille. Deux paysans, l'un et l'autre sans descendance, issus d'une famille puissante et réduite à ces deux êtres à la suite de consanguinité et d'avarice en majeure partie, vont, par intérêt, ruiner la vie d'une famille paisible. Frustres mais madrés comme un cent de renards, ils vont exécuter un plan simple, boucher une source qu'ils savent sourdre à un endroit bien précis. C'est que l'eau, dans la Provence agricole de l'époque, ce n'est pas rien.
Chacun joue parfaitement son rôle, parmi les deux affreux. Il y a le cerveau, le vieux, intéressé et cynique, et l'exécutant, son neveu, moche comme trente-six poux, et affecté, lui, d'un semblant de sensibilité. Ça le perdra.
Autour d'eux, un village entier, constitué de paysans rudes, menés pour la plupart par leur intérêt propre. Ils parlent autour d'un verre, certes, mais gardent pour habitude de ne pas se mêler des affaires des autres. Ou alors le moins possible. Sauf quand l'histoire va les regarder. de près.
Et puis, il y a la famille de Manon ; la mère de la petite fille est cantatrice, son père employé de perception. le pauvre affiche une bosse, on saura à la fin pourquoi. Ce papa, Jean, se voit débonnaire, accueillant, naïf. On le surnomme Jean de Florette, car c'était le prénom de sa mère. Son épouse suit son homme. Elle l'aime. Leur petite est ravissante. Un ange égaré dans la garrigue.
Pagnol a bien organisé son affaire, même si un manichéisme basique préside à la construction. le Papet et Ugolin, son neveu, sont capables de faire n'importe quoi pour du profit, et le livre débute par un crime, ni plus ni moins. Certes, la victime semble moyennement recommandable. Une espèce de marginal un rien atrabilaire. Et ça tient aussi de l'accident. Mais quand même. Ça démarre fort.
L'écrin de l'histoire est sublime. Des collines inondées de lumière, des vallons giboyeux, des senteurs de romarin et d'herbes sauvages.
Entre le moment ou Manon, arrivée fillette, est devenue une jeune femme superbe, on ne sait pas grand-chose. La mère est vraisemblablement repartie chanter aux quatre coins du monde, une piémontaise un peu rude, qu'on dit un peu sorcière, vit avec la petite, devenue sauvageonne. D'ailleurs, dans la version du film de 1952, elle s'exprime en patois provençal. On la verra beaucoup moins dans la version filmée de Claude Berri, sublime pourtant avec ses champs d'oeillets d'un rouge profond. Rouge comme le sang, comme la passion, comme la teinture de garance qui fit tuer nombre de nos soldats, tant on les voyait arriver de loin. Ce n'est pas le meilleur héritage que la Provence a laissé au pays.
L'ambiance est presque celle d'un western-spaghetti. Les personnages parlent peu. Beaucoup affichent des visages marqués, tannés par le soleil et la vie dehors. Pas très beaux, dans l'ensemble.
Même si ce qui s'est passé est affreux, il n'y aura pas de justice, au sens humain du terme.
Ugolin, Galinette comme se plaît à le surnommer son oncle, et le Papet ne vont rendre des comptes que dans l'au-delà. Et d'ailleurs, sans crainte. le vieillard annonce la couleur, il assumera ses actes, même les pires.
Sous la plume de l'écrivain marseillais, tout paraît simple, fluide, naturel, comme aurait dit Marius à son père dans une autre oeuvre.
Personnellement, je trouve tout cela remarquable. L'ensemble dégage à jamais une force intacte. La caractérologie des personnages s'avère étonnante. Ils y passent tous, le cafetier grande gueule, le vieux bigot, l'instituteur, cultivé et discret, qui passe bien auprès de ses voisins moins instruits que lui, tout simplement parce qu'il est du pays, ce qui vaut tous les passeports du monde. Dieu est même présent, mais enfin, surtout quand on en a besoin. Après le travail et le profit. C'est cependant le curé qui fera remarquer aux villageois, que, s'ils avaient averti le père de Manon de la présence de la source, celui-ci n'aurait pas perdu la vie en cherchant de l'eau.
C'est vrai que, sous le soleil, la misère est, dit le poète, moins pénible.
Il fallait au moins ça pour faire passer ce tissu d'horreurs et de non-dits ?
Mais non ! L'oeuvre, malgré tout, est remplie d'amour. Compliqué, certes. le Papet aime son neveu, avant tout parce qu'il est le dernier de sa grande famille. le vieux ne se créée pas d'illusions. Ugolin Galinette ne représente pas ce qui se fait de mieux pour terminer une dynastie. L'achever serait peut-être au passage le terme le plus adéquat. Mais il l'aime, à sa manière, avant tout parce qu'il le faut. Dans les valeurs de son clan, qu'il considère au-dessus des autres clans paysans de la contrée, on doit aimer sa famille. On peut tromper son épouse, tricher sur le poids du blé, et j'en passe, mais la famille, c'est sacré. Les autres ne sont pas sensés savoir ce qui se passe à l'intérieur de celle-ci. le principal reste surtout d'éviter de se faire prendre. On pourrait penser que ce vieil agriculteur recuit est incapable d'aimer, mais non. Son amour de jeunesse est même à la base de toute cette sordide histoire. La force du Papet, et ce qui ne le rend pas totalement abject, est qu'il accepte le destin comme il est. Ce qui est fait est fait, de toute façon, cela ne sert à rien de revenir dessus. Ça constitue la base d'une sagesse simple. Voire simpliste.
Après tout, c'est le hasard qui a tout mis de traviole. Et là, c'est très fort, de balancer ça, entre deux répliques de personnes âgées, sur un banc de bois, presque à la fin de l'histoire.
Manon, elle, ne l'entendra pas de cette oreille. Mais là aussi, l'amour pansera, en partie, son immense blessure. Enfin, on le suppose. Ou on l'espère.
La première fois que j'ai lu L'eau des collines, j'avais une douzaine d'années et j'ai commencé, sans le savoir, par Manon des sources. Ce n'était pas si désagréable que ça de savourer Jean de Florette après. Ensuite, j'ai relu, dans l'ordre, le récit. Plusieurs fois. Vu aussi. À l'envers encore, puisque Claude Berri est passé pour moi avant le film de 1952. Décidément ! Je possède une jolie version des deux livres, dans l'édition Pastorelly, avec les dessins de Suzanne Ballivet, que j'adore. Je n'ai pas relu le livre dans cette version, je me contente de contempler les images, de temps en temps, comme un gamin. le livre est même dédicacé par la grande artiste, seconde épouse de Dubout, lui aussi grand ami de Pagnol. J'avoue que j'aurais bien aimé aussi avoir un petit mot de l'auteur à l'intérieur. Mais bon !
Merci quand même Marcel !
Commenter  J’apprécie          20
Destins et écrivain démiurge

L'histoire est connue, popularisée par le cinéma. Provence, retour à la terre, mort, vengeance et Destin. Avec au coeur de l'intrigue l'or des collines, la vie : la source. Jean de Florette, bercé de l'illusion néo-rousseauiste de retour à la terre, celle de ses ancêtres, mourra ruiné, épuisé par sa quête d'une eau toute proche. Par la cupidité et l'avarice des Soubeyran, le patriarche César le Papet, et son neveu Ugolin, ultime descendant d'une lignée dégénérée par les mariages entre soi - pour mieux protéger le patrimoine - qui rêve de cultiver des oeillets dans ces champs trop convoités et qui tous deux pousseront jusqu'au crime : ils maçonneront la source pour la tarir. Avec le silence complice des villageois des Bastides blanches qui ne diront rien : on ne se mêle pas des affaires des autres.

Mais justice immanente et vengeance humaine. La blonde Manon, fille de Jean, privera d'eau le village, poursuivra de sa haine Ugolin qui, fou d'amour et de remords, ira se pendre. Ultime coup d'un destin inéluctable décrété par des dieux implacables (Dieu ?), le Papet cynique, cupide et dans la totale incapacité d'anticiper le secret pour lui insaisissable du dénouement de sa destinée, apprendra que Jean était son propre fils : il l'aura ainsi volontairement laissé mourir à la tâche, sous les yeux de Manon, désormais sa propre petite-fille. Ultime ironie du sort : l'enfant à naitre perpétuera la race des Soubeyran, rêve tant convoité de César Papet qui finira dans sa solitude torturé par le souvenir de son crime « Alors tu comprends que je me languis de mourir parce qu'à côté de mes idées qui me travaillent, même l'enfer c'est un délice. » (Manon des Sources fin)

Marcel PAGNOL a tous les talents, le sait et abuse du mélange des genres. le romancier excelle dans le récit, les fulgurances de styles différents, la savoureuse galerie-caricatures de portraits, la reconstitution des us et coutumes de la vie rurale dans la Provence des années 1940. Mais à vouloir trop embrasser pour démontrer l'étendue de sa palette, l'homme de théâtre multiplie dialogues et discours trop foisonnants, et le cinéaste la redondance de séquences inutiles. Pagnol aurait gagné à donner plus de nervosité à un récit ramassé, en élaguant largement dans son oeuvre.

A travers ce récit régionaliste à portée universelle d'une Provence rurale des hauts d'Aubagne, il s'en est ainsi fallu de très peu que Pagnol réalise un pur chef d'oeuvre de notre littérature. Nourri des classiques de l'Antiquité, il retrouve dans L'Eau des collines ses réminiscences des Géorgiques de Virgile et la force du Destin de la grande tragédie grecque dont il évoque en passant Oedipe roi de Sophocle. Avec l'ultime rappel de l'écrivain démiurge : du haut de leur Olympe, les Dieux se jouent des destinées des hommes et lanceront sur eux les foudres de leur justice, punition de leurs crimes, arrogances et silences complices.
Commenter  J’apprécie          40
C'est une histoire très belle, simple, tragique que nous conte Marcel Pagnol de sa plume si fine.
C'est l'histoire d'un crime et de son châtiment, drame d'une vengeance, d'un conflit entre un jeune citadin plein d'enthousiasme et deux hommes de la terre, histoire d'un amour tragique qui apporte le malheur.
Merveilleusement adaptés au cinéma par Claude Berri, ces deux livres nous apportent le souffle des collines si chères au petit Marcel de ''la gloire de mon père''.
Marcel Pagnol atteint ici le sommet de son oeuvre d'écrivain.
Commenter  J’apprécie          140
L'eau des collines, avec son Jean de Florette et sa Manon des sources est un dyptique de Pagnol à lire et relire... Une oeuvre majestueuse qui tout le monde connaît, ou peut penser connaître, même sans en avoir tourner les pages. On en a tiré de si bons films (Merci Claude BERRI) qu'on ne peut ignorer la romance et le drame de ses personnages, le drame que couve un amour déçu.
Mais tous les films, aussi bons qu'ils soient, imposent au spectateur une image des personnages et, image oblige, travaillent davantage la surface, le paraître que l'être profond. Voilà pourquoi j'ai aimé me replonger dans le texte, prendre le temps de laisser monter en moi des images que je m'efforçais de choisir différentes des films, que je replaçais dans la Provence que j'ai eu maintes fois l'occasion de découvrir et parcourir en crapahutant dans ses sentiers aux odeurs sans pareil.
Retourner aux origines permet de retrouver l'essence du texte, la saveur des mots, les haltes que l'on se donne entre deux chapitres, deux pages, deux phrases parfois, blottis dans le coeur de la Provence, dans la fraîcheur de l'eau des sources cachées de ses collines.
Lire, relire Pagnol, un réel moment bonheur!
Commenter  J’apprécie          91
Dans l'arrière pays d'Aubagne, dans le village des Bastides Blanches les familles vivaient regroupées autour de la fontaine. On ne savait pas vraiment d'où venait cette eau mais elle était précieuse pour les habitants. Des habitants qui n'acceptaient pas volontiers l'arrivée d'un étranger, venant de la ville de surcroit... Jean Cadoret en fit l'amère expérience, lui qui se tua à la tâche pour pouvoir apporter de l'eau à son petit lopin de terre. Sa fille Manon, ayant su que certains habitants du village avaient caché l'existence d'une source sur la propriété de son père s'acharna à leur couper l'eau de la fontaine...
Un fresque savoureuse du Sud de la France à la sauce de Marcel Pagnol.
Commenter  J’apprécie          50

Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Destins et écrivain démiurge

« Ugolin regardait ces pieds cambrés, repoussés par la roche élastique, ce chevreau roux aussi léger que la musique, et il ne savait plus si c'était elle qui jouait cette chanson, ou si les échos amicaux l'inventaient pour porter leur danse. Il était pris dans le mystère d'une peur émerveillée : le menton dans une lavande, il entendait battre son cœur, et il sentait obscurément que cette dansante fille, encore fraîche de l'eau lustrale de la pluie, était la divinité des collines, de la pinède et du printemps. »
La danse de Manon nue au bord du torrent, Manon des sources, p.77
Commenter  J’apprécie          70
Récit simple et puissant d'une lutte pour la vie, histoire d'un crime et de son châtiment, drame d'une vengeance, tragédie familiale, conflit des cœurs purs et des âmes fortes, opposant un jeune citadin plein de fraîcheur et d'enthousiasme à deux paysans durs, âpres, sournois, fermés, implacables, peinture exacte et magnifique des hommes de la terre, chant du monde, poème de l'eau, du vent, des saisons, des collines, "Jean de Florette" et "Manon des Sources" sont tout cela et ils sont beaucoup plus que cela, un des sommets de l’œuvre de Pagnol : le livre de la faute, de l'innocence et du pardon.
(quatrième de couverture du volume paru aux éditions "Presses Pocket" en 1971)
Commenter  J’apprécie          30
... ses cheveux ça ressemble à de l'or. Ses yeux, ça ressemble à la mer ; ses dents, ça ressemble à des perles ; et ce qu'elle a dans son mauvais corsage. je suis sûr que ça doit ressembler à quelque chose de bien joli!
Commenter  J’apprécie          60

Videos de Marcel Pagnol (96) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marcel Pagnol
Extrait du livre audio « Jean de Florette - L'eau des collines, tome 1 » de Marcel Pagnol lu par Vincent Fernandel. Parution numérique le 17 janvier 2024.
https://www.audiolib.fr/livre/jean-de-florette-9791035414788/
autres livres classés : provenceVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus



Lecteurs (278) Voir plus



Quiz Voir plus

L'univers de Pagnol

Quel est le nom de la mère de Marcel Pagnol?

Marie
Augustine
Rose
Il n'a pas de mère

9 questions
125 lecteurs ont répondu
Thème : Marcel PagnolCréer un quiz sur ce livre

{* *}