Marcel Pagnol écrit le scénario et réalise le film en 1940. Ceci donne la tonalité de l'oeuvre. Alors que pendant toute la guerre le film a été acclamé, à la Libération il fut perçu différemment et l'auteur (comme
Giono à la même époque) fut montré du doigt et accusé de complaisance, sinon plus, avec les autorités. Un exemple parmi d'autres : dans le film (l'action se situe exactement à l'époque du tournage,
Pagnol adaptant au fur et à mesure son scénario à l'actualité), les personnages, consternés, écoutent le discours de Pétain du 17 juin 40 ; à la Libération,
Pagnol dut remplacer le discours de Pétain par celui de
De Gaulle (l'appel du 18 juin), celui du Maréchal par celui du Général.
Cela n'enlève absolument à la qualité du film, sa réalisation, son interprétation exceptionnelle (Raimu, Fernandel, Josette Day, Charpin, Line Noro et les acteurs habituels de
Pagnol, Blavette, Maupi ou Milly Mathis), et bien entendu son scénario.
Le thème, une fois de plus, est celui de la fille-mère, fille perdue puis retrouvée, rejetée par les siens, et trouvant quand même l'amour et le bonheur. On pense à
Fanny, on pense à
Angèle... Un sujet qui, transcendé par les interprètes, touche toujours le coeur des spectateurs. Un autre thème, en filigrane, est celui de la main-d'oeuvre étrangère (ici italienne, fuyant l'Italie fasciste), là encore un sujet d'actualité. Enfin, un thème cher à
Pagnol : l'eau des sources, qu'elle soit naturelle, ou puisée dans la terre. On sait que ce thème parcourt toute l'oeuvre avant de s'exposer en apothéose dans le diptyque « Jean-de Florette-Manon des sources ». Et on sait que pour son malheur, Jean de Florette se transforma en puisatier.
Patricia
Amoretti est l'aînée des six filles de Pascal
Amoretti, un puisatier veuf, honnête et intègre. Elle fait la connaissance de
Jacques Mazel, un fils de bonne famille, aviateur qui vient d'être mobilisé. Elle tombe enceinte, alors que Jacques ne donne plus de nouvelles. Les parents de Jacques refusent bien évidemment la paternité. Pascal écrasé par la honte et malgré tout l'amour qu'il porte à sa fille, la répudie. le bébé nait, c'est un garçon, et elle lui donne le nom de son grand-père,
Amoretti. Felipe, assistant de Pascal, et ancien amoureux de Patricia, propose de l'épouser pour arranger tout le monde, mais Patricia refuse. Les Mazel de leur côté s'attachent aussi à l'enfant en qui ils voient leur fils perdu. Mais finalement, Jacques revient, après avoir été abattu en vol et recueilli en Suisse. Il épouse Patricia et Félipe épouse Amanda, la soeur de Patricia.
Le sujet a beau être rebattu, on est toujours aussi emballé par la bonhomie de l'auteur, sa simplicité, sa facilité à trouver la fibre sensible chez ses lecteurs comme chez ses spectateurs.
Pagnol a ce talent d'éveiller chez nous des sentiments de profonde empathie avec ses personnages : le talent des comédiens y est certes pour beaucoup. le cinéma de
Pagnol n'a guère d'équivalent actuellement, sauf peut-être chez
Robert Guédiguian et Ariane Ascaride. Mais le talent ne serait rien si le texte que disent les comédiens n'était pas lui-même porteur d'émotions, de rires ou de chagrins.
Sur sa tombe, en guise d'épitaphe,
Marcel Pagnol a fait graver une citation de
Virgile : « Fontes amicos uxorem dilexit » (Il a aimé les sources, ses amis, sa femme).
Nous savons, nous, que lui-même était une source : de bonheur, de paix, de tolérance… d'amour.