Voici un film de
Marcel Pagnol, écrit par
Marcel Pagnol et réalisé par
Marcel Pagnol. C'est sa quatrième réalisation, mais la première d'après un scénario qui lui est propre (Pour mémoire : « le gendre de M. Poirier », en 1933, était tiré de la pièce d'
Emile Augier ; «
Jofroi » et «
Angèle », tous deux en 1934, étaient des adaptations, comme chacun sait, de
Jean Giono).
«
Merlusse », c'est – déjà – du
Pagnol tout craché : on y retrouve la bonhomie, la bonne humeur, et l'immense tendresse qui caractérisent l'ensemble de so
n oeuvre (littérature et cinéma mélangés).
Nous sommes dans un lycée de Marseille, à la veille des vacances de
Noël. C'est un milieu que
Pagnol connaît bien : fils d'instituteur, enseignant lui-même avant de se vouer au théâtre, à la littérature et au cinéma, il a une bonne expérience du milieu scolaire, tant du point de vue des professeurs que des élèves.
Les parents viennent chercher les enfants. Mais certains, orphelins, ou délaissés pour diverses raisons, vont rester dans l'établissement sous la garde des professeurs. L'un de ceux-ci, Blanchard, surnommé
Merlusse par les enfants (parce que paraît-il il sent la morue), souffre d'un physique disgracieux (blessure de guerre) et a une réputation de sévérité excessive. Pourtant, c'est lui qui le soir de
Noël, met des cadeaux dans les souliers de ces enfants déshérités…
Ce petit film (72 minutes) fait petite figure à côté des grands succès de
Pagnol. Considéré comme un film mineur, il mérite pourtant d'être revu et apprécié à sa juste valeur. Pour son sujet, d'abord : il s'agit d'un hymne à la tolérance, au refus de la différence, à l'idée qu'il ne faut pas se fier sur la mine, et qu'une bonne action est toujours récompensée. Bien-pensance ? Même pas. Simplement une morale toute simple, qui veut qu'il n'y a que du bien à faire du bien, et que du mal à faire du mal. Finalement,
Merlusse est un conte de
Noël, quelque part entre
Charles Dickens et
Alphonse Daudet. Ensuite, le texte de
Pagnol, est comme à son habitude, savoureux : la familiarité typique de l'auteur met tout de suite à l'aise, le ton qu'il emploie est naturellement « naturel » (on dirait une publicité pour une eau minérale !) et transporte aussi bien l'émotion que le rire. Enfin, le film est à voir (et à revoir) pour la prestation d'ensemble : réalisation, scénario, musique (
Vincent Scotto) et surtout interprétation, avec un immense Henri Poupon (le Fonse de «
Jofroi », le Clarius de «
Angèle » ou le Lamoureux de «
Regain »), qui, s'il l'avait voulu, aurait pu être une autre Raimu.
Marcel Pagnol fait partie de ces écrivains qui, indépendamment de leur pensée, de leurs idées, de leur écriture, (ou peut-être à cause de tout ça) « nous font du bien » : parce qu'il nous parle au coeur autant qu'à l'esprit, parce que surtout il nous parle de choses qui nous touchent personnellement : si elles ne nous sont pas arrivées, elles auraient pu nous arriver.
Parce que, vous savez, chez
Pagnol, ces gens que vous voyez sur l'écran, eh bien, c'est toujours un peu nous, peuchère !