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Citations sur Le temps des secrets (102)

Dans le silence humide et tiède, sous la lumière couleur d'étain, au chuchotement de la pluie, le battement confidentiel de la pendule fabriquait patiemment nos minutes communes, et je sentais profondément la douceur de nous taire ensemble.
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Quatre hommes retenaient la grand-mère, par les poignets et par les épaules et plusieurs femmes formaient devant elle un barrage. … Elle ouvrait des yeux de folle, elle était forte comme un forgeron.
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Dans la grande cuisine provençale, il y avait là aussi plusieurs personnes. Au milieu du cercle, le grand-père était assis sur une chaise. Il était torse nu. Sur sa poitrine maigre, de longs poils blancs. Penché sur lui un médecin à lunettes, armé d’une pince d’horloger, fouillait son épaule sanglante. Il recherchait la dent, la dent magnifique de ma grand-mère. Elle était plantée dans l’épaule d’André, et le médecin, au bout de sa pince, nous la montra, blanche, bombée et lisse avec une pointe sanglante
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Le puissant soleil de juillet faisait grésiller les cigales : sur le bord du chemin muletier, des toiles d’araignée brillaient entre les genêts. En montant lentement vers le jas de Baptiste, je posais les sandales dans mes pas de l’année dernière, et le paysage me reconnaissait.
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Je l'aimais beaucoup le vieux maître André, je savais qu'il pouvait mourir à chaque instant puisqu'il avait 86 ans, je considérais même qu'un âge aussi extraordinaire, un âge d'arbres était en somme abusif, et que chaque nouvelle journée vécue représentait un tout de force de sa part et un cadeau pour la famille, c'est pourquoi le chagrin que ne manquerait pas de me causer sa perte était déjà réparti sur plusieurs années de mon enfance et par conséquent presque amorti comme un vieil immeuble,
comme je commençais à liquider ce compte par de grosses larmes.
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Par malheur, ce premier succès entraîna Joseph dans une aventure audacieuse.
Sa sœur aînée, la tante Marie, lui avait un jour conseillé de tondre à ras la petite sœur, afin d'épaissir ses tresses futures, et le coiffeur du quartier avait confirmé l'excellence du procédé. Il en avait donc parlé à la maison, mais sans se prononcer tout de suite sur la valeur de ce conseil : dès le premier regard d'Augustine, et sans lui laisser le temps de protester, il déclara qu'il serait barbare de raser de si jolies boucles, et conclut en disant que "la petite avait bien assez de cheveux comme ça".
Mais il avait une tondeuse neuve dans la poche : on sait bien que les beaux outils attirent la main et qu'il veulent agir parce qu'ils savent que la rouille les guette. Joseph n'y résista pas, et sa vanité d'apprenti coiffeur lui persuada qu'il avait le devoir d'appliquer le traitement conseillé par un professionnel, et qu'une sensiblerie absurde, très voisine du fétichisme, ne devait pas empêcher un père d'assurer l'avenir capillaire de son enfant.
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De son côté, Gillis (un maigriot à grandes oreilles) avait apprivoisé les fractions, et maniait l'ablatif absolu comme un Indien son tomahawk. Il connaissait la liste des sous-préfectures aussi bien qu'un postier des chemins de fer, et parlait des Pharaons avec la volubilité d'une momie ressuscitée.
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Pendant qu'il calligraphiait le mot "ablatif", mon cynique voisin demanda:
"Comment t'appelles-tu?"
Je lui montrai mon nom sur la couverture de mon cahier.
Il le regarda une seconde, cligna de l'œil, et me dit finalement:
"Est-ce Pagnol?"
Je fus ravi de ce trait d'esprit, qui était encore nouveau pour moi. Je demandai à mon tour:
"Et toi?"
Pour toute réponse, il fit un petit bêlement chevrotant. Mais il avait mal réglé la puissance de son émission: le son perça le voile du chuchotement, et toute la classe l'entendit. Socrate se retourna d'un bloc, dans un murmure de rires étouffés, et il reconnut le coupable à sa confusion:
"Vous, là-bas, comment vous appelez-vous?"
Mon voisin se leva et dit clairement:
"Lagneau."
Il y eut quelques rires étouffés, mais Socrate les dompta d'un seul regard, et dit avec force:
"Comment?"
- Lagneau, répéta mon voisin, Jacques Lagneau."
M. Socrate le regarda une seconde, puis sur un ton sarcastique:
"Et c'est parce que vous vous appelez Lagneau que vous bêlez en classe?"
Cette fois, toute la classe éclata de rire, à gorge déployée.
M. Socrate ne parut pas fâché d'une hilarité qui célébrait sa spirituelle question, et il souriait lui-même lorsque Lagneau (qui n'avait pas compris que certaines questions doivent rester sans réponse) se leva, les bras croisés, et dit humblement:
"Oui, m'sieur."
Il avait parlé en toute sincérité; car c'était bien pour me dire qu'il s'appelait Lagneau qu'il avait bêlé trop fort.
La classe rit alors de plus belle: mais Socrate n'apprécia pas un effet comique qu'il n'avait point provoqué lui-même, et prit cet aveu pour une impertinence. C'est pourquoi il foudroya les rieurs d'un regard sévère, puis, tourné vers Lagneau, il dit:
"Monsieur, je ne veux pas attrister cette première classe de latin en vous infligeant la punition que mériterait votre insolence. Mais je vous préviens: cette indulgence ne se renouvellera pas, et à votre prochaine incartade, au lieu d'aller batifoler dans les riantes "prairies" du jeudi, Lagneau restera confiné dans la sombre "bergerie" de l'internat, sous la "houlette du berger" des retenues!"
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Le volume du cousin Pierre était devenu considérable ; la famille en fut aussi heureuse que si nous avions dû le manger. La tante Rose elle-même avait un peu forci ; ses nouvelles joues lui allaient très bien, et ça faisait de la place pour l’embrasser. 
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On entendit un long cri de bête, un cri tremblant de rage et de désespoir.
"Écoute ! dit le grand-père, tu n'appelles pas ça de la folie furieuse ?
- Non, dit ma mère. C'est ça l'amour."
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Dans les pages qui vont suivre, je ne dirai de moi ni mal ni bien : ce n’est pas de moi que je parle, mais de l’enfant que je ne suis plus. C’est un petit personnage que j’ai connu, et qui s’est fondu dans l’air du temps, à la manière des oiseaux qui disparaissent sans laisser de squelette.
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