Eh bien quel roman! Voici un livre que j'ai beaucoup , beaucoup aimé et je salue le talent de son jeune auteur. Je ne suis vraiment pas passée loin du coup de coeur!
La narration alterne entre Eminè et son fils Bekim. Eminè nous conte son histoire, de son enfance albanaise, jusqu'à sa fuite en Finlande, avec mari et enfants. Bekim, lui, est un étudiant un peu à part, pratiquement asocial, qui cherche à se construire.
Je vais commencer par les petits défauts, qui m'ont empêché de ressentir un gros coup de coeur qui aurait pourtant pu être. Bekim est quelqu'un de tellement atypique et barré qu'il faut réussir à saisir ce qu'il veut nous dire. Et ce n'est pas facile du tout. le roman commence par un tchat gay, on comprend qu'il ne parvient pas à trouver une relation stable. Puis il rencontre le "chat". Bien entendu, c'est une métaphore, on se doute qu'il ne faut pas prendre cela au premier degré; Bekim ne se met pas réellement en couple avec un chat mais utilise cette image. Ce qui entraîne des situations loufoques et des dialogues truculents, parce qu'on imagine réellement un chat. Si bien que finalement, on ne sait plus trop où on en est, ni ce qu'on doit en penser. le passage du chat terminé, Bekim part donc pour son pays d'origine, dans une sorte de pèlerinage. Finalement, ce passage n'est pas ce qu'on en attend et on retrouve cette obsession inexpliquée pour les chars et les serpents.
Par contre, j'ai franchement vibré pour le reste du récit. J'y ai découvert les montagnes kosovares et la ville Pristina, avant et après les ravages de la guerre. La mort de Tito, chef qui maintenait les états yougoslaves dans une paix relative, a précipité ce monde dans le chaos le plus total. C'est un pan de l'histoire de cette région que l'on apprend, ainsi que les souffrances endurées par les populations, sans pourtant jamais tomber dans le voyeurisme.
C'est à travers les yeux d'Eminè que nous vivons la fin de la Yougoslavie. Son père décide de la marier à un jeune homme qui a eu le coup de foudre pour elle. C'est ainsi que j'ai découvert les traditions rurales kosovares, à des années lumière de tout ce que l'on connaît. Eminè et sa famille sont, dans le récit, des montagnards qui acceptent la vie comme elle est et vivent résignés. Jusqu'à ce que la guerre éclate.
Eminès, son mari et ses enfants partent donc pour la Finlande, afin d'échapper aux massacres. Ils rêvent de ce pays occidental comme d'un eden. Evidemment, la réalité est toute autre. Il est difficile pour les immigrés, les réfugiés politiques, de se faire une situation. Comme le résume le père de Bekim, on veut que les immigrés s'intègrent, mais on ne fait rien pour que cela arrive, les toisant de haut, les insultant. le racisme est bien présent et toute la famille en souffre, dans un pays (là, c'est la Finlande qui est prise en exemple mais c'est partout pareil, bien sûr) où on scrute le moindre faux pas pour le mettre sur le compte du pays d'origine. C'est aussi un choc des cultures pour Eminè et sa famille. Eux, montagnards qui se contentent de ce que la terre peut leur offrir, se trouve soudain face à des citadins qui surconsomment et se sentent pourtant lésés.
" Ils ont plus que ce dont ils ont besoin. Pourquoi ne voudraient-ils pas de nous ici? Qu'est-ce qui pourrait bien leur manquer, qu'ils n'auraient pas déjà?".
C'est un roman qui a su me happer par sa force, une histoire saisissante et criante de réalisme, une belle réussite malgré les petits reproches que j'ai fait au début; j'ai trouvé bizarre le mélange de loufoquerie et de gravité, en fait. Mais pour moi, c'est un roman nécessaire si on veut faire l'effort de se mettre dans la peau d'un immigré. C'est un roman également instructif à travers l'évocation des traditions musulmanes kosovares et la période tourmentée des années 90 dans ces contrées. Un roman qui m'a beaucoup marquée.
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