Incursion

Ce tome contient une histoire complète qui nécessite des connaissances superficielles sur Eternal Warrior et Geomancer pour être comprise. Il contient les 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2019, récit imaginé par Andy Diggle, écrit par Alex Paknadel, dessiné Doug Braithwaite, mis en couleurs par Diego Rodriguez, avec l'aide de José Vilarrubia pour l'épisode 1. Les couvertures ont été réalisées par Braithwaite & Rodriguez. Ce tome contient également les couvertures variantes réalisées par Roberto de la Torre, Ryan Bodenheim, Renato Guedes et Tonci Zonjic (*2), 5 pages de crayonnés, et 8 pages de développement de l'histoire commentées par Paknadel.

Quelque part dans la galaxie du Cygne, l'écosystème est en train de s'effondrer et les habitants meurent les uns après les autres, victimes des émeutes protéiniques. Un de leurs représentants se tient devant Imperatrix Virago et lui demande de mettre un terme à l'infection nécromantique qu'elle a lâchée sur leur planète. Elle se moque de lui, et lui confirme qu'elle n'a jamais eu l'intention de la stopper. Au contraire, elle va s'en servir pour se nourrir une dernière fois sur cette planète. Elle absorbe l'énergie vitale de tous les êtres encore vivants, et retrouve ainsi sa jeunesse. Elle tue le scientifique et provoque la transformation qui fera de lui un mort-vivant à son service. Syntilla, une jeune fille, entre dans la pièce et demande à Virago si elle peut rester éveillée. Virago lui indique que pour le moment, Syntilla doit aller préparer la prochaine planète à sa venue, et qu'elle en rediscutera avec elle après. Syntilla indique qu'elle sûre d'avoir choisi la prochaine planète avec soin, car il s'agit de la Terre et c'est là que se trouve la géomancienne.

Sur Terre, au beau milieu d'une zone sauvage de l'Idaho, Gilad Anni-Padda ramène un petit gibier sur ses épaules, dans une base abandonnée de l'organisation GATE (Global Agency for Threat Excision), afin de préparer à manger à Tama, la jeune géomancienne. Celle-ci lui indique qu'elle lui a déjà dit qu'elle ne souhaitait plus manger de choses mortes. Elle ajoute qu'elle rencontre parfois les âmes des animaux morts dans la dimension Deadside, et qu'ils la regardent pour lui demander pourquoi. Anni-Padda répond qu'elle a besoin de sa dose de protéines, et qu'il va préparer le daim à l'extérieur pour ne pas l'indisposer. Plus tard, alors qu'il est assis à l'extérieur, Tama sort de la base et lui montre le Livre du Géomancien : il est en train de hurler à sa manière, ce qui signifie que la Terre est en émoi, en état d'alerte. Concomitamment Synsilla pose le pied sur Terre à quelques mètres d'eux, accompagnée par une escouade de morts-vivants. Synsilla et sa suite arrivent devant le Guerrier Éternel et le combat s'engage entre lui et les morts-vivants. Un peu à l'écart, Synsilla poursuit son chemin en toute tranquillité et pénètre dans la base de GATE. Elle se retrouve face à Tama qui la neutralise en l'enserrant dans des lianes qu'elle fait sortir de terre.

En 2012, les propriétaires de la marque Valiant décident de la relancer, avec 4 séries mensuelles : X-O Manowar, Harbinger, Bloodshot et Archer & Armstrong. 7 ans plus tard, le lecteur a pu constater que l'éditeur met en oeuvre une véritable politique éditoriale : confier les séries mensuelles à des auteurs qui écrivent une saison d'une longueur variable, développer les autres personnages au travers de miniséries. Cette histoire s'inscrit donc dans la deuxième catégorie. le lecteur retrouve donc 2 personnages centraux dans la mythologie de l'univers partagé Valiant, même s'ils ne disposent qu'épisodiquement d'une série à leur nom, et encore que pour Gilad Anni-Padda, la dernière datant de 2016 et ayant été écrite par Robert Venditti Wrath of the Eternal Warrior. Quant à elle, Tama est apparue pour la première fois dans The Valiant (2015, par Matt Kindt, Jeff Lemire, Paolo Rivera) remplaçant Kay McHenry comme nouvelle géomancienne. Andy Diggle a fait ses débuts dans l'univers Valiant en 2018 avec la série Shadowman et Doug Braithwaite est un habitué de ces superhéros.

En entamant cette histoire, le lecteur ne sait pas trop ce dont il s'agit. Il s'avère rapidement qu'il s'agit d'une invasion par une créature vaguement liée à Deadside ce qui lui permet d'animer des morts-vivants c'est-à-dire une chair à canon pratique pour avoir des ennemis en nombre illimité à envoyer à se faire massacrer par Eternal Warrior. Doug Braithwaite les représente comme les autres extraterrestres de la planète du début, sans chair en décomposition, sans blessure apparente. Leur peau est juste d'un bleu plus pâle. le lecteur comprend que la mission d'Andy Diggle est de créer et d'intégrer un nouvel ennemi pour la géomancienne et par extension pour Eternal Warrior. Il s'en suit une utilisation du concept de Deadside très vague, comme souvent. Tama ayant été blessée, Gilad doit voyager dans Deadside pour une mission de la dernière chance : trouver une personne qui sera en mesure de l'aider à trouver un remède à l'infection peu banale de Tama. Il y croise Amy, une sorte de démon dont Tama était devenue l'amie dans Rapture (2017) de Matt Kindt & CAFU. le lecteur se rend compte qu'il avance un peu moins vite que dans un comics habituel, Alex Paknadel ayant à coeur de nourrir le récit avec des informations supplémentaires pour le rendre plus consistant. Il ne se contente pas de répéter ce que montrent les images, mais les cellules de texte et les dialogues manquent de fluidité et de naturel. Par exemple, lorsque Gilad Anni-Padda se retrouve devant Syntilla, il se lance dans un de ses souvenirs datant de l'époque où l'empire romain a conquis la Macédoine, et c'est plus laborieux et artificiel qu'édifiant et pertinent.

Comme tout récit de superhéros, celui-ci contient son lot d'affrontements. Il revient à Doug Braithwaite de les rendre visuellement intéressants. À l'occasion de ces passages, il bouscule un peu sa mise en page avec des cases découpées en biais, ou certaines dépassant de la bande formée par les cases voisines. Cela souligne le chaos provoqué par les coups portés, leur violence, la soudaineté de certains mouvements. Il montre comment la hache d'Eternal Warrior tranche dans les chairs des morts-vivants, avec un peu de sang et une image proche du gore. Par la suite, l'épée de Gilad continue de trancher les chairs, sectionnant les membres, la représentation étant nette sans se complaire dans le détail. le sang continue de couler, parfois dans une simple giclée, parfois comme des tâches projetées. Dans une page du deuxième épisode, le dessinateur s'amuse le temps de 2 cases, en montrant des petits diablotins occis par Gilad Anni-Padda, l'un d'un coup d'épée en plein front, l'autre atteint par des shurikens au visage, les 2 s'écroulant avec une grimace comique sur le visage. Il se montre un bon metteur en scène pour les 2 combats qui opposent Gilad à des géants (Amy, puis Kotila) montrant bien la différence de taille, ainsi que la différence d'approche au combat, la manière dont ils mettent à profit leur grande taille.

Au fil des pages, le lecteur observe que Doug Braithwaite s'affranchit régulièrement de représenter les arrière-plans lors des phases d'affrontement, comme si les combattants disposaient d'une aire illimitée pour se taper dessus. D'un autre côté, l'artiste réussit régulièrement des visuels mémorables : la représentation des plantes flottantes dans l'atmosphère de la planète extraterrestre et leur dégénérescence installant une atmosphère de fin du monde, l'effet sur les habitants de ce monde quand Imperatrix Virago se nourrit, les différentes étapes du voyage mouvementé pour rallier la forteresse de Virago (Braithwaite s'amuse bien pour montrer les différentes épreuves), le combat de Gilad contre Kotila, ou encore l'étonnante forme de la fleur pour soigner Tama. Indubitablement, Doug Braithwaite sait doser ses effets pour concilier les délais de production, tout en créant des surprises visuelles qui élèvent la narration au-dessus du simple comics industriel de plus. Il en va un peu de même avec l'intrigue. Au premier niveau, il s'agit d'une invasion extraterrestre de plus, réalisée par une créature se nourrissant de l'énergie vitale et assistée par une enfant (ou presque) qu'elle manipule sans scrupule. Diggle et Parknadel savent combiner ce fil directeur avec plusieurs éléments de l'univers partagé Valiant, pour rendre ce récit spécifique aux personnages impliqués. Ils intègrent incidemment 2 autres thèmes inattendus, sans les développer suffisamment pour être assez consistants, mais juste assez pour permettre là encore au récit de présenter un intérêt supplémentaire. C'est peut-être l'une des premières fois où Gilad Anni-Padda doit assurer la protection d'une géomancienne qui est encore une enfant. Shan Mirage (la Dr. Mirage) lui fait observer que ça le place dans une position de père. le deuxième élément inattendu réside dans une promesse que fait Gilad Anni-Padda à Amy, et qui le place dans une situation inédite, mais qui ne sera exploitée au mieux que dans une future série.

Le lecteur a déjà pu faire l'expérience que les récits courts édités par Valiant sont de qualité inégale. Il ne sait pas trop sur quoi il va tomber avec celui-ci. La narration visuelle est de qualité, même si elle aurait mérité d'être peaufinée sur certaines planches. le scénario repose sur une invasion au déroulé très classique, mais avec quelques situations inattendues et deux accroches prometteuses pour une suite potentielle.