Achat lors d'une flânerie dans la Fnac de St Quentin à la sortie de ma formation CQP, en mains, lisant la quatrième de couverture, et ce bordereau aguicheur, vantant les nombreux prix reçus, comme l'Interallié, celui des lectrices d'Elle et d'autres, je me pose cette question, est-ce une lecture pour moi !, les prix ne sont que des récompenses ciblées dans ce monde littéraire français assez complaisant de l'entre soi, un autre roman, a mes faveurs,
Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes de l'Étasunienne
Lionel Shriver, la lecture d'un auteur français sera toujours une de mes priorités, sans oublier la littérature étrangère,
Ne t'arrête pas de courir de
Mathieu Palain aura ma priorité, je viens de finir ce roman, je reste sur ma faim, je suis même déçu, l'avalanche de prix est disproportionnée, la lecture aura été rapide sans heurts, d'une fluidité limpide, la banalité m'a ennuyé, l'intérêt fût juste de finir le livre, sans rien y attendre, pourtant j'ai été aspiré par cette histoire,
Mathieu sait captiver son lecteur par un envoutement étrange, tentons de percer ce mystère.
Mathieu Palain est un jeune journaliste de terrain, son premier roman,
Sale gosse, fait suite à une investigation dans le milieu sociale de l'enfance, s'émergeant dans l'équipe de la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse) d'Auxerre durant six mois. Il reçoit en 2014 le Prix
Françoise Giroud du portrait pour un article publié dans "Libération" en avril 2013 : "Mahiedine Mekhissi, au-delà des barrières". Originaire de Ris-Orangis, notre journaliste, s'intéresse à un athlète français d'origine malienne, champion de France du 400 mètres, étant de la même année et de la ville,
Mathieu Palain, par curiosité journalistique, mais aussi vis-à-vis de sa vie, va oser prendre contact avec cet homme incarcéré pour vol en bande organisé, au fil des rencontres avec Toumany Coulibaly, une amitié va se nouer entre les deux hommes, pour donner naissance à ce roman
Ne t'arrête pas de courir.
Tout au long de cette lecture, je me suis amusé à regarder des courses d'athlétismes, souvent perdues au fond de ma mémoire, oubliées même dans les méandres de mon cerveau, toujours en proie à éliminer ces choses pour lui non essentielles, j'ai revu le 4x100 des Françaises au championnat du monde 2003 à Paris, sous les commentaires exaltés de
Patrick Montel, puis le 3000m Steeplechase aux JO de Pékin, revivant intense de l'athlétisme de l'équipe de France. Toumany Coulibaly est tout à fait à l'opposé du personnage d'
Herman Melville,
Bartleby le Scribe, célèbre avec le leitmotiv du refus silencieux « Je ne préférerai pas », au contraire le « Oui » est une extension de Toumany Coulibaly, il ne sait pas dire « non », se cachant continuellement derrière ce mur du silence, cet athlète recherche l'affection des autres, se noyant dans l'abime du vol, dès ces 6 ans, il découvre cet art de dérober à ces camarades, comme cette console, y gravant son prénom grossièrement, sans, se rentre compte du mal qu'il commet, n'oubliant pas, la scène avec sa maman dans un magasin qui ne peut lui offrir des bonbons, l'obligeant de faire un délit mineur, aux yeux de certains clients aux jugements sévères, cet enfant-là, découvre la honte pour sa mère, se promettant, désormais de voler pour elle, le vol devient une partie de lui, c'est son ombre, la journée, sportif de haut niveau, la nuit, il commet des vols avec des amis, c'est une forme de drogue,
Mathieu Palain, avec une justesse émotive, explore délicatement la psychologie de ce voleur atypique, ce personnage est touchant, en étant agaçant à la fois, il ne peut dire non à un nouveau cambriolage, s'obligeant à des écarts sportifs, lui coutant certaines victoires.
La prison attire beaucoup notre journaliste, cette prise de conscience, laisse
Mathieu Palain explorer son enfance, distillant quelques épisodes intimes, comme celui de ces parents au pays basque, et de l'emprisonnement de la fille de leur ami basque, Lorentxa, condamnée à 27 ans de réclusion pour être une militante d'un groupe considéré comme terroriste, ces ombres du passé laisse une trace indélébile à notre journaliste, déjà son premier roman explore la jeune délinquance dans une immersion au soin de la P.J.J, cette dérive lente vers l'enfer judiciaire dans des histoires vraies. Il fera un reportage sur le boxeur américain libéré après 26 ans d'emprisonnement, Dewey Bozella, partant aux États-Unis pour le rencontrer et échanger sur cette vie carcérale, de son innocente vers cette nouvelle liberté. Comme le dit
Mathieu Palain, il accepte d'affronter la réalité, en allant en immersion à l'hôpital pénitentiaire de Fresnes, rencontrant les pires des criminels, les violeurs et les pédophiles, continuant d'aller vers ces personnes, discutant avec ceux enfermés depuis trop longtemps, prisonniers de leur isolement et ce mécanisme perpétuel de la routine carcéral, notre journaliste est en quête, pas celle d'un Don Quichotte, celle d'un Holden et de son instinct de survie, ou de vie, que recherche
Mathieu Palain.
Tout au long de ce roman,
Mathieu Palain nous fait découvrir ces aspirations littéraires comme L'attrape-coeur de
J-D Salinger, comparant ce héros à Toumany Coulibaly, il l'imagine aussi comme Antoine Doinel dans Les Quatre cents coups, le film de Truffaut, au fil de la lecture, certaines références fleurissent ces propos comme un passage de la Bible, racontant l'histoire de Zachée, puis relatant le portrait
Nico Walker et de son histoire à travers son roman
Cherry, le considérant comme un chef-d'oeuvre, comme un fleuve qui se nourrit de ces affluents, ce roman s'alimente de la vie de notre romancier, comme de ces affluences littéraires et artistiques, n'oubliant pas Toumany Coulibaly, devenant petit à petit un ami. Une des aspirations de l'auteur est la journaliste
Florence Aubenas, que j'ai eu l'occasion de lire avec son livre
le Quai de Ouistreham, son livre La méprise reste un de ces livres de chevet, le quatrième de couverture du roman
Ne t'arrête pas de courir, on peut lire d'
Adrien Gombeaud, Les Échos, « Dans les traces d'
Emmanuel Carrère »,
Limonov et
le royaume, deux romans gravés dans le brut de cet auteur sont à l'opposé des rouages de celui amorcé par le roman
ne t'arrête pas de courir, je n'ai pas eu ce sentiment, il manque un peu de maturité dans l'écriture et le propos,
Mathieu Palain doit tonifier et bonifier sa prose.