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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
En rencontrant Toumamy Coulibaly, en tentant de le comprendre, Mathieu Palain s'est lancé dans une aventure risquée mais ô combien passionnante et enrichissante !
Très instructif aussi, N'arrête pas de courir débute avec le premier parloir entre Mathieu Palain, journaliste, et Toumamy Coulibaly, Champion de France du 400 mètres mais voleur multirécidiviste. Ils ont le même âge et ont grandi dans la même banlieue, au sud de Paris.
Débute alors une série de rencontres durant lesquelles Coulibaly se livre de plus en plus, exprime ses doutes, ses souffrances. Après avoir subi la surpopulation abominable de la maison d'arrêt, il est maintenant dans le centre de détention de Réau (Seine-et-Marne).
Sportif très doué pour courir le 400 mètres, une des courses les plus pénibles de l'athlétisme, un sport qui ne nourrit pas son homme, Coulibaly parle du Mali d'où vient sa famille, pays où il passe plusieurs années dans un village loin de Bamako. Si son père l'a envoyé au Mali rejoindre sa mère alors que celui-ci vide les poubelles à Paris, c'est parce que Toumamy, né le 6 janvier 1988, a déjà fait plusieurs bêtises.
Élève du CM1, il a volé la gameboy d'un camarade puis continue dans les magasins, pour l'adrénaline, sans en tirer profit. Déjà, à cet âge-là, il connaît sa première garde à vue de quatre heures.
Quand il revient en France, en 2004, il a 16 ans et s'intéresse aux filles. Trois ans plus tard, il rencontre Rita qui lui donnera trois enfants et ne l'a jamais abandonné malgré les vols, les cambriolages perpétrés par cet homme qui ne sait pas dire non lorsqu'on le sollicite pour un mauvais coup.
Construit en trois grands mouvements, le récit s'éloigne parfois de son principal sujet. Mathieu Palain fait part de ses expériences souvent en lien avec le milieu carcéral. Quand il évoque Lorentxa Beyrie, militante basque incarcérée depuis des années, lui reviennent en mémoire ses vacances au Pays Basque. C'est sûrement à partir de là que l'auteur a commencé à s'intéresser aux personnes détenues. Il enquête sur la plus grande prison pour femmes à Rennes. Il part aux États-Unis pour rencontrer Dewey Bozelli, libéré de Sing Sing après vingt-six ans d'incarcération pour un crime qu'il n'a pas commis. Mathieu Palain va aussi à la rencontre des violeurs et pédophiles soignés dans l'hôpital pénitentiaire de Fresnes puis a connu aussi beaucoup d'autres lieux de privation de liberté, tout cela complété par une participation à des groupes de paroles et même une ascension du Mont Blanc avec deux hommes en détention à Bourg-en-Bresse qui n'avaient pas vu un arbre depuis deux ans.
L'intérêt de la lecture de N'arrête pas de courir ne décroît jamais car Mathieu Palain écrit de façon vivante et variée, n'abusant pas des dialogues, incluant même les courriers de Toumamy Coulibaly alors que ses permis de visite ont été suspendues.
En effet, plusieurs psychologues le mettent en garde, lui disant de « penser à se protéger » et obtiennent de la direction du Centre de détention cette suspension qui n'altère pas la relation entre ces deux hommes du même âge, sportifs tous les deux.
Si la fin du livre est ouverte, elle permet à Toumamy d'apporter des explications, tentatives de compréhension pour ces vols sans cesse recommencés comme au soir de son titre de Champion de France 2015 du 400 m, en salle. Dans la violence du système carcéral, Toumamy Coulibaly a tenté d'y voir plus clair, de se comprendre lui-même pour que son retour à la vie normale soit réussi. Rita, ses trois enfants et lui-même le méritent bien.
Quelle belle fin avec le texte de la chanson de Lluis Llach : Voyage à Itaque : « Bon voyage aux guerriers, pourvu que les dieux des vents leur soient favorables, que leurs filets se remplissent de lumière, d'aventure et de connaissance », poème envoyé par Lorentxa.
N'arrête pas de courir, de Mathieu Palain, fait partie des huit livres en lice pour le Prix des Lecteurs des 2 Rives 2022.

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Mathieu Palain et Toumany Coulibaly sont nés la même année, en 1988, à six mois d'écart et ont grandi tous deux dans la même banlieue, au sud de Paris.
Le premier est devenu journaliste, avec comme univers de prédilection, la prison, et écrivain alors qu'il rêvait d'être footballeur. Quant à Toumany Coulibaly, Malien d'origine, cinquième d'une famille de dix-huit enfants, il est un athlète hors-normes et un voleur multirécidiviste.
Quand Mathieu Palain tombe sur un article qui traite de cet athlète sacré champion de France du 400 mètres qui a choisi de gâcher son talent et sa vie et qui comparaît à nouveau devant le tribunal correctionnel d'Evry pour une tentative de cambriolage alors qu'il est actuellement en détention pour des faits similaires, il est aussitôt intéressé, ignorant si c'est le fait que ça parlait de sport ou de ce coin de l'Essonne où il avait grandi. Toujours est-il que, bien que Toumany Coulibaly ait exprimé clairement son désir de ne plus avoir affaire à des journalistes, il décide tout de même de lui écrire à Fresnes, lui disant son désir de le rencontrer. Ce n'est qu'un an plus tard qu'il aura une réponse, depuis le centre de détention de Réau où l'athlète a été transféré. Mathieu Palain fait sa demande de parloir avec l'accord de Toumany et le bouquin démarre d'ailleurs avec la description détaillée de ce premier parloir. le courant passe bien et l'auteur qui a du coup plein de questions a envie de revenir et il revient bientôt chaque semaine, pendant deux ans. Une amitié naît et chacun va parler à coeur ouvert et se dévoiler.
Il ressort de ces entretiens, un portrait absolument saisissant et bouleversant de cet homme surdoué dont l'existence aurait pu être toute autre. Difficile de ne pas être sensible à cet aveu de Toumany lorsqu'il pense que sa carrière de voleur débute quand la première fois de sa vie, il a eu honte pour sa mère suite à une réflexion d'un client dans un magasin, il n'avait alors que quatre ou cinq ans.
Il va ainsi dérouler le fil de sa vie et tout au long du récit, tout comme Mathieu Palain, et comme ses entraîneurs successifs, j'ai été prise d'empathie pour ce gars qui ne peut s'empêcher, même après son admirable prestation lui rapportant le titre de champion de France de France du 400 mètres en salle, en 2015 sans effort apparent, de partir quelques heures plus tard avec des complices cambrioler une boutique de téléphones portables, après avoir déposé sa médaille sur la table. J'ai ressenti également de l'admiration pour sa persévérance à se maintenir à un certain niveau pendant son incarcération et sa faculté à s'adapter aux conditions pour le moins non adéquates à ce genre d'entraînement.
Quel est cet appel impérieux qui le pousse à agir ainsi ? C'est ce que Mathieu Palain essaie de décrypter. Pour sa part, Toumany Coulibaly a, à un moment, affirmé : « Tu sais, Anne, c'est compliqué de te dire ça, mais j'ai plus d'adrénaline quand les flics me courent après qu'en remportant un 400 mètres. »
Certes, comme nous lecteurs, l'auteur voudrait que Toumany change, qu'il s'en sorte et qu'il devienne champion olympique mais la réalité est autre, comment résister à cette pulsion irrésistible qui affecte notre athlète ?
Tout en essayant de résoudre cette énigme, Mathieu Palain, en journaliste scrupuleux va s'interroger lui-même et tenter de déchiffrer ses propres obsessions et nous les confier. Et ainsi, deux récits de vie finissent par s'entrecroiser.
L'aspect sportif est vraiment réjouissant au contraire de l'aspect judiciaire particulièrement déprimant.
T. Coulibaly continue à s'entraîner et à courir dans les cours de promenade de ses lieux de détention, pour garder son niveau, avec l'espoir de reprendre à sa sortie si la Fédération le veut bien et rien n'est moins sûr. M. Palain, également, se met à courir lui aussi, et ils s'affronteront même, amicalement, lors d'une permission.
Cette enquête journalistique romancée offre un récit particulièrement vibrant et fort, absolument prenant qui rend compte des visites en parloir, de la réalité du monde carcéral avec les effets délétères de l'enfermement prolongé et le processus de désocialisation puis de déshumanisation qui se met alors en place, mais c'est également un récit plein d'humanisme.
Nul besoin d'être féru d'athlétisme pour apprécier et être emporté dans ce roman psychologique tout autant captivant que percutant : un vrai coup de coeur !
Tout en abordant la complexité de la vie et la cruauté du sport de haut niveau, Ne t'arrête pas de courir, en lice pour Prix des Lecteurs des 2 Rives 2022, est une profonde réflexion sur la délinquance, l'enfermement, la récidive et la prison, faisant dire à l'auteur : « Seuls les idéologues et ceux qui n'y ont jamais été confrontés peuvent croire ou dire – au fond quelle différence – que la justice est la même pour tout le monde ».
Magnifique Prix Interallié 2021 !


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Une vie comme dans un roman...
Et pourtant, Ne t'arrête pas de courir n'en est pas un.
Non, Ne t'arrête pas de courir, c'est l'histoire vraie d'une rencontre.
Entre Mathieu Palain,  journaliste free-lance et un athlète de haut niveau Toumany Coulibaly.
Un mec avec des jambes de feu.
De celles qui vous conduisent sur les plus hauts podiums mondiaux.
Mais si Toum à des jambes, il n'a rien dans le citron, comme on dit vulgairement.
Tout au long de ma lecture, j'ai eu envie de lui mettre des claques, oui, j'avoue, c'est violent, mais je vous jure qu'il en mérite.
Comment peut-on tout gâcher comme il l'a fait ?
Coureur hors normes le jour, voleur la nuit.
C'est en prison que l'auteur l'a contacté, une lettre à laquelle Coulibaly répondra bien plus tard.
Une rencontre qui se fera au parloir.
Une amitié qui naît.
Des confidences.
Mathieu Palain vous raconte un homme, surdoué dans sa discipline, mais qui a "la main qui vole" comme on dit chez lui.
Le journaliste nous le livre nature, on l'aime ou on l'aime pas, même lui, tout au long de son écriture, se pose la question je crois.
Grandeur et décadence.
Sportif, intelligent, père de famille, il avait tout.
C'est ce personnage fascinant, attachant autant que désemparant et désespérant, que nous offre de découvrir Palain dans ce livre enquête qui ne laisse pas indifférent.
Il fait bien le job, d'ailleurs, parce qu'il va à la rencontre de ceux qui connaissent le mieux Toumany, ceux qui l'entraînent (sportivement s'entend), comme ceux qui croisent son chemin de délinquant.
Il n'en fait pas un héros mais il ne l'enfonce pas non plus, il a espoir...
La prison l'a-t-elle transformé ?
La suite s'écrit maintenant.
Et alors que je referme ce bouquin, je veux croire, moi aussi qu'une nouvelle vie peut commencer.
Toumany... À vos marques, prêt, partez...




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A partir du portait d'un détenu, rencontré lors de parloirs dans sa maison d'arrêt, Mathieu Palain livre un récit étonnant. Toumany Coulibaly, est abord un de ses jeunes de cités de banlieue parisienne qui ont enchaîné les bêtises, avant qu'il ne se découvre un talent pour la course à pieds, et que le club local et une entraîneuse réputée ne détectent son potentiel sur 400 mètres. du haut niveau national, voire mondial…
Mais voilà Toumany n'a pas quitté ses habitudes, enchaînant autant les vols et cambriolages que les courses en stade. Et un jour, fatalement, Toumany accumule tellement de condamnations qu'il finit en détention. Un champion de France qui cambriole le jour même de son titre et qui finit derrière les barreaux. Comment en est-il arrivé là ? Toute une histoire, tout un passé, que Mathieu Palain va faire ressortir.
L'auteur est originaire de la même banlieue, ils ont à peu prés le même âge, et Toumany, après une longue attente, va accepter de jouer le jeu et de se livrer un peu. En ressort un gamin d'origine malienne, ayant vécu un temps dans un certain dénuement là-bas, qui a pris goût très jeune au vol ; pas un kleptomane, mais quelqu'un aimant l'acte interdit, le frison d'adrénaline… Un peu mythomane aussi. Apparemment toujours sincère dans ses promesses d'amélioration de comportement, mais retombant aussi vite dans ses travers. Un bon gars, qui veut plaire, doublé un petit délinquant. Docteur Jekyll et Mister Hyde.

Le portrait, vivant, complexe, pourrait s'arrêter là, mais Mathieu Palain le double d'une forme de mise en abyme, découvrant petit à petit ce qui a pu l'amener à s'intéresser au monde carcéral, et ce en quoi, lui, le gamin qui se rêvait footballeur, peut être fasciné par ce jeune doté par la nature d'un don exceptionnel, toujours à courir devant les autres, mais préférant encore être coursé par la police.

Le style est fluide. Les détails accrochent le lecteur. La forme permet de tenter un début d'analyse. On suit Toumany au jour le jour, volant quelques téléphones pour financer son stage d'athlé, faisant face à la justice, se débrouillant en prison, conversant depuis sa cellule - via un téléphone « de guerre » - avec le journaliste.

Une bonne surprise que cette biographie, qui n'en est pas vraiment une, qui m'avait été fortement conseillée, et qui a valu à son auteur le prix Interallié 2021.
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Alors que déferle une nouvelle rentrée littéraire, je cherche encore ce que l'année passée nous a donné de meilleur, aidé en cela par le temps et les avis qui s'accumulent. Voici un livre de non-fiction (et roman) qui n'avait pas retenu mon attention à sa sortie. Un journaliste raconte le terrible destin d'un enfant de la banlieue… Cet été, le livre a été mis d'autorité au-dessus de ma pile à lire, accompagné de la sentence « il faut que tu lises » et des yeux qui brillent ! Je suis tellement heureux que ce coup de pouce m'ait fait découvrir Ne t'arrête pas de courir. Quelle belle lecture, celles qui ont illuminé l'instant et que j'intègre dans mon expérience personnelle de la vie à travers la relation improbable d'un journaliste et d'un délinquant.

Il était une fois un enfant parmi les dix-huit autres de la famille, devenu champion d'athlétisme le jour, voleur la nuit.
Il était une fois un journaliste qui pose son regard sur ce jeune et sur son choix d'enquêter sur la prison.

Mathieu Palain s'intéresse à l'énigme Toumany Coulibaly, cet athlète cambrioleur. Il lui envoie une lettre demandant à le rencontrer au parloir de la prison. Un an passe sans nouvelles, puis la réponse arrive. Une relation se crée, bien plus forte qu'un reportage ponctuel. Les vies de l'un et l'autre vont en être profondément modifiées. Un livre est écrit scellant un engagement, interrogeant aussi l'ordre du monde. le lecteur se passionne, découvre toutes les péripéties de cette histoire hors norme, se fait son propre jugement. Et découvre aussi, s'il ne le savait pas, que l'athlétisme est un sport de pauvre !

Chapeau à Mathieu pour son engagement et à Toumany pour la confiance qu'il a placée dans ce jeune journaliste. le lecteur a l'impression d'assister à un exercice d'équilibriste. J'ai envie de saluer la formidable intégrité de l'auteur qui se pose les bonnes questions et se met constamment à la place de l'autre, fut-il à priori différent. Si chacun de nous se consacrait à cet exercice, se mettre à la place de l'autre avant de se faire son opinion, la vie pourrait être plus juste et plus belle.

J'aime vraiment ce titre « Ne t'arrête pas de courir » car le surdoué de la piste a vu sa carrière se briser après plusieurs années au plus haut niveau et un titre de champion de France du 400 m en 2015. Malgré les années de prison, la carrière de sportif stoppée nette, le titre indique déjà que la vie peut continuer. Mathieu Palain n'écrit pas un livre expliquant le formidable pouvoir de réinsertion de la prison, c'est même l'inverse qu'il décrit. Mais il explique, et s'en étonne même, que dans le cas de Toumany, cela a bien fonctionné. La sortie de prison est très récente, en 2021. le travail de reconstruction n'est pas terminé mais un joli parcours a déjà été fait.

Le livre montre différentes facettes de la vie carcérale et interroge sur le poids des condamnations à travers l'actualité récente : le maire de Levallois, Patrick Balkany, condamné à quatre ans de prison pour fraude fiscale et à cinq ans pour blanchiment ne passe que cinq mois en détention... François Fillon, deux ans ferme pour détournement de fonds publics : des éditorialistes et avocats parlent de peine sévère... Il a détourné un million d'euros d'argent public. J'y lis à ce niveau que beaucoup d'argent ne sera pas disponible dans les écoles, les hôpitaux, les banlieues, les clubs sportifs... Et une perte de chance pour les plus défavorisés. On croise heureusement, et plus longuement, des hommes et des femmes plus investis dans le vivre ensemble : des dirigeants sportifs, des entraîneurs, des psys... Je dois aussi mentionner ces très belles pages où Mathieu nous parle de sa famille, de son amie d'enfance Lorentxa, étudiante basque brillante, diplômée en ethnologie, « ...qui souffre de voir son peuple méprisé et admire ceux qui savent qu'il existe des causes plus grandes que soi. »

La grande force de ce livre est de ne pas juger mais de ne pas être dans la complaisance.

Une autre force réside dans l'écriture. le propos aurait pu représenter un témoignage parmi d'autres. Ce n'est pas du tout le cas. On est dans une vraie écriture, dans l'oeuvre littéraire. Plus de quatre cents pages qui se lisent d'une traite et le sentiment qu'on a assisté au processus de transformation, à la fois pour le champion-délinquant et à la fois pour le journaliste. Une belle et sincère amitié sans laquelle l'oeuvre n'aurait pas eu cette puissance.

J'ai envie de partager cette vidéo (à voir sur le blog Bibliofeel, lien ci-dessous) que l'auteur suggère de voir absolument, « ...si possible avec les commentaires ». L'or avec les filles du relais 4 fois 100 mètres, aux mondiaux de Paris en 2003. Il nous prévient avec humour: « Si vous n'êtes pas ému après avoir vu ces filles gagner ensemble, je ne peux rien pour vous. »
Le sport est loin d'être le seul thème d'un récit aux multiples facettes mais il est central en dépassement de soi, en exemplarité, en leçon de vie... Et si vous êtes ému-e-s, lisez ce livre si ce n'est déjà fait.
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Chroniques illustrées sur Bibliofeel ou sur la page Facebook Clesbibliofeel.


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Bienveillance, partage, questionnement sur l'enfermement à tout prix.
Il y a parfois des décisions rapides, qui tranchent, qui sont là pour montrer l'exemple, arbitraires, sans analyse du psyché, sans chercher à comprendre pourquoi un individu entreprend des actions judiciairement condamnables. Loin de moi l'envie de blâmer quiconque, de cibler des personnes ou un corps de métier. Mais quand même, il y a un système qui est loin de répondre aux attentes, qui effraie souvent, moi, qui m'interpelle ... avec ses murs opaques sur lesquels toute raison vient se cogner. On nait tous avec un bagage, et puis l'éducation des parents, des services sociaux, de l'éducation nationale, d'un quidam sur notre route, de la famille, un événement dramatique ... nous formatent plus ou moins. Et on quittera plus ou moins le droit chemin.
Mais il y a ce système. Qui se fourvoie. Qui enlise dans le mauvais chemin des prétendants à un retour au calme, à la sortie de crise . Qui n'apporte pas de solution. Qui ne se donne pas les moyens de trouver une solution tout simplement. A chacun ses priorités.

J'ai aimé ce témoignage, ces témoignages in fine. Celui d'un athlète de haut niveau à qui je souhaite de trouver sérénité et apaisement. Celui d'un journaliste free-lance qui nous livre ici une belle aventure humaine, « un livre, fondé sur un principe de sincérité vis-à-vis du lecteur, un livre dans lequel le narrateur [pose] ses tripes sur la table, un narrateur qui [dit] je et qui [raconte] une relation, pas une histoire en surplomb. »

BRAVO à vous deux.

Une lecture qui m'a fait repenser, avec émotion, à Olivier Goudreault et à sa bête derrière les barreaux.
Et si ça peut vous rassurer, pour ceux qui ne l'ont pas encore lu, ce récit est bien plus délicat que ma chronique ;-)

« [...] Moi, je ne suis même pas vraiment rapide - je joue 6 au foot, le type qui court longtemps -, mais je sais que le tour de piste est la pire des distances. Il faut être à fond tout en gérant l'effort. Rester en fréquence mais ne pas s'asphyxier. Accepter le lactique sans tétaniser. C'est un sport de chien qui vus fait vomir à l'entraînement et n'offre rien à part des souvenirs et des coupes qui prennent la poussière. On n'y gagne pas sa vie.
Je m'appelle Mathieu Palain. Je suis journaliste. Je ne veux pas vous faire chier. Je sais simplement, parce que j'ai passé ma vie à Ris, Évry, Grigny, Corbeil, qu'il y a des choses que les journalistes ne peuvent pas comprendre. Disiz La Peste a fait une chanson là-dessus, le « Banlieusard Syndrome ». Une histoire de spirale du mec de tess, le truc qui fait qu'on a beau chercher à s'enfuir, le quartier nous rattrape.
Je sais que ce n'est pas facile, et que s'entraîner dans une promenade à Fresnes est un non-sens. Mais j'aimerais vous rencontrer. Je ne suis pas psychologue, mais je pense que je comprends. »
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Dès que je lis un livre des éditions de l'Iconoclaste, je tombe sous le charme. Celui-ci n'y fait pas exception!
Mathieu Palain est né en 1988, Toumany Coulibaly aussi. Mathieu rêvait d'être footballeur, Toumany d'être champion de France du 400 mètres. L'un va réussir son rêve sportif, l'autre pas. Lorsque Mathieu rencontre Toumany, ce dernier vient d'être incarcéré après avoir dévalisé un énième magasin vendant des téléphones portables. Mathieu va enquêter sur le parcours de Toumany et nous en dresse un portrait sans concession et pourtant attachant. Une histoire qui nous fait réfléchir sur la jeunesse, ses forces et ses faiblesses, ses tentations surtout dans certains quartiers où les inégalités sont les plus prégnantes. Un livre à l'écriture fluide et belle.
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Texte de Mathieu Palain.
Pendant deux ans, chaque mercredi, Mathieu Palain s'est rendu à la prison de Réau pour discuter avec Toumany Coulibaly. le détenu est champion de France du 400 mètres et condamné à plusieurs peines pour de multiples cambriolages. Cinquième d'une fratrie de 18 enfants, Toumany est tombé très tôt dans le vol, qu'il subit comme une pulsion irrépressible. « Toumany a beau courir vite, il reste un jeune fauché dans une cité de la banlieue sud. » (p. 106) le jour, il gagne des courses et monte sur des podiums. La nuit, il siphonne des réservoirs et cambriole des pharmacies. A-t-il conscience de gâcher son talent et ses chances ? Sans aucun doute, oui, mais comment gérer la pulsion ? Peut-être en essayant de comprendre ce qui la déclenche et où elle prend racine. En prison, Toumany travaille sur lui-même, seul ou avec des psychologues, il obtient des diplômes et, même s'il continue à s'entraîner dans la cour, il tente surtout de devenir l'homme dont son épouse et ses enfants ont besoin.

Mathieu Palain livre un portrait remarquablement bien écrit et fluide de cet athlète détenu, devenu son ami au fil des rencontres au parloir. Parce qu'il est radicalement honnête, le récit est résolument humain et empathique. À force de parler à un autre et d'un autre, l'auteur finit par parler de lui : là aussi, les révélations sont bouleversantes. « Disons qu'on m'a fait prendre conscience de principes importants, comme de ne pas laisser tomber un jeune qui a passé sa vie à être abandonné. » (p. 14) Et au bout du compte, rien de tout cela n'est roman, rien de cela n'est fiction. Mathieu Palain ne peut pas inventer une happy end ni enchaîner des rebondissements. Ce qui suivra après, ce que Toumany Coulibaly fera de sa vie en dehors de la prison, sur les pistes ou ailleurs, cela n'appartient qu'à lui. Mais cela n'empêche pas l'auteur -et le lecteur – de se projeter, encore moins d'espérer. « Égoïstement, en tant qu'écrivain, ce que je cherche, moi, c'est une fin. J'aimerais qu'il sorte de prison et qu'il reprenne sa vie en main. Je ne suis ni son frère ni son père, mais quand même, ça me ferait chier qu'il rechute. » (p. 263)
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Coup de coeur pour une histoire vraie

Au parloir du centre pénitencier de Réan, Mathieu Palain et Toumany Coulibaly se dévoilent l'un à l'autre, tous les mercredis et pendant deux ans.
Ils ont le même âge et ont grandi en banlieue.
Ne t'arrête pas de courir, n'est pas un plongeon dans l'univers carcéral, même si des bribes s'échappent par moment. Ce récit d'une histoire vraie, est la naissance d'une amitié entre les deux hommes.
L'un écrivain-journaliste, l'autre, athlète le jour et cambrioleur la nuit.
Mathieu, dans une démarche pleine de bon sens, va se rapprocher de Toumany. Ses questions contribueront peut-être à trouver comment résoudre l'énigme de la personnalité de Toumany
Comment peut-il briller si fort à la course le jour pour se laisser rattraper si facilement par les ombres la nuit venue ? 
Est-il trop fou ? Trop gentil ? En manque d'argent ? En manque de reconnaissance ? Qu'est-ce qui pousse réellement Coulibaly à cambrioler les pharmacies, les boutiques de téléphones ?
Mathieu cherche, il veut trouver la faille de son ami, le but étant que ce dernier ne récidive pas à sa sortie.

Un deuxième roman bienveillant, un auteur qui a une belle âme et qui ne juge jamais son sujet, un auteur totalement impliqué, toujours dans la recherche de la vérité. 
Son livre est débordant de sincérité, d'authenticité, de transparence, au-delà de l'histoire, histoire réelle, c'est cette clarté qui m'a éblouie.  Vous l'aurez compris, c'est un coup de coeur pour moi, ce livre va rester graver longtemps dans mon ADN de lectrice.

Je suis maintenant impatiente de découvrir son premier roman : “Sale gosse”.
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"Athlète de haut niveau le jour, voleur de bas niveau la nuit", Toumany Coulibaly, un jeune homme de 27 ans, beau, intelligent, talentueux, père de quatre enfants finit par accumuler des peines de prison équivalentes à celles d'un braqueur à main armée alors qu'il ne commet que des petits vols (souvent des cellulaires) et sans violence. Adolescent, il se tient même à l'écart des parties de foot de son quartier tellement il déteste le contact. Son séjour en prison et son casier judiciaire réduisent à néant ses chances de participer aux Jeux Olympiques. Il gâche sa vie. C'est absurde, c'est insensé ! Il y a manifestement quelque chose qui ne tourne pas rond!
Mathieu Palain va rencontrer Toumany Coulibaly pendant 2 ans au parloir de Réau. Écrivain et journaliste, il s'est beaucoup intéressé aux détenus et à l'univers carcéral avec en filigrane une question qu'il partage sans doute avec beaucoup d'entre nous : pourquoi certains s'en sortent et d'autres pas ?
Non, il n'existe pas de gène de la délinquance. Pas de déterminisme biologique.
Non, on ne naît pas violent.
On le devient.
Mathieu interroge alors le déterminisme social en évoquant le syndrome du banlieusard, cette difficulté de se détacher physiquement et mentalement de l'univers des cités. Toumany vient d'une famille d'immigrés maliens de 18 enfants. Ils sont pauvres, le père bigame est éboueur à Paris et sacrificateur dans un abattoir hallal. Ils habitent dans la banlieue sud de Paris, une maison de 2 chambres où le garage est transformé en dortoir. Ce ne sont évidemment pas des conditions qui favorisent un bon départ dans la vie mais cela n'explique pas tout. Aucun des 17 autres enfants n'a vraiment connu de problème avec la justice et tous se sont trouvés une place dans la société.
Il faut donc aller chercher ailleurs dans le parcours individuel de Toumany pour comprendre – sans y parvenir tout à fait – les raisons d'un tel gâchis.
Il faut remonter loin dans son enfance pour trouver un événement qui est peut-être au coeur de sa carrière de voleur. Il a 4-5 ans et se trouve dans supermarché, un ED avec sa mère, Nima. Il veut des bonbons, mais celle-ci n'a pas d'argent. Il crie, se roule par terre, la mère envisage la fessée en public mais se ravise, éventre un sachet de bonbons, lui en met un dans la bouche et laisse le sachet sur le rayon. Un client intervient : « C'est comme ça que vous remerciez la France de vous avoir accueillis! » Toumany a honte pour sa mère. Il a sans doute honte de lui aussi et il s'est dit, du haut de ses 4 ans, : « Un jour, je volerai pour elle. » Est-ce sa façon de se défendre face à l'humiliation? La provocation ? Est-ce à dire qu'il a décodé le comportement de sa mère comme disant quand tu ne peux te payer ce que tu veux, prends-le mais arrange-toi pour ne prendre que ce dont tu as besoin? Est-ce à dire que dans l'esprit de ce petit garçon, c'est déjà le « no future » pas d'avenir ailleurs que dans la délinquance ? Il aurait pu se dire quand je serais grand je deviendrai tellement riche que je lui offrirai tout ce qu'elle veut, ma maman chérie.
Ce dont je suis sûre par contre, c'est que Toumany a un côté releveur de défis et qu'il est aussi très généreux. Lorsqu'il voit Hussain Bolt courir à la télé et se dit : « Un jour je serai plus vite que lui. », à son oncle qui l'a attaché à un arbre et qui le fouette, il lui dit : « C'est tout ce que tu as dans le bras »?
Il vole pour les autres : enfant, il distribue dans la cour de récré des tamagotchi qu'il a volé, il paye les permis de ses frères et soeurs.
Il vole pour avoir l'amour des autres, il vole parce que c'est quelque chose qu'il fait bien et que c'est aussi sa seule façon d'être valorisé. Il vole parce qu'il est loyal à ses potes et qu'il ne sait pas dire non. Il vole parce que c'est devenu son sport préféré et qu'il est devenu addict à ses décharges d'adrénaline. Il vole pour dire « J'existe » mais sans doute un peu aussi pour dire « je vous emmerde », la revanche du gentil garçon qui sourit toujours.
Dans son parcours, il y a aussi, des « pas de chance » répétitifs. Des portes qui se sont ouvertes mais qui se sont vite refermées.
Il aurait pu découvrir l'athlétisme avant la délinquance, avant la prison. Un prof à l'école primaire, impressionné par ses dons d'athlète avait recommandé à sa mère de l'inscrire dans un club. Elle a refusé pour ne pas user inutilement son coeur.
Il aime apprendre mais il quittera l'école à 13 ans à la suite d'un incident ridicule où un fou rire incontrôlable dégénère en confrontation avec le professeur. Il pleure devant le conseil de discipline. Apprendre c'est tout pour lui, malade pas malade, il est là tous les jours. Il n'est pas expulsé de l'école mais son père l'envoie dans un bled au Mali.

On ne peut qu'être touché par cet enfant qui a dû grandir trop vite, se débrouiller seul, ne jamais être supporté, ne pouvoir compter sur personne, par cet adolescent qui n'a pas pu se construire en faisant ses choix : étudier, ne pas avoir d'enfant. Cet être humain si seul mais qui n'a jamais arrêté de courir, qui n'a jamais abandonné, qui ne s'est jamais résigné. Il court, s'entraîne tous les jours, monte des vidéos en prison, il a complété un BTS en comptabilité. Il se prive de cantine pour offrir des cadeaux pour Noël à ses enfants …
J'espère de tout coeur qu'il va réussir à contrôler ses démons et construire son bonheur.
J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre et j'en retiens surtout l'histoire d'une extraordinaire d'amitié, celle de Mathieu Palain et de Toumany Coulibaly. Mathieu est sorti du cadre de son rôle de journaliste-enquêteur pour s'engager vis-à-vis de son double ou du frère qu'il n'a jamais eu, Toumaly lui, a pris le risque de s'ouvrir, de faire confiance et de demander de l'aide (par exemple pour éviter le racket d'autres prisonniers.)
Livre vibrant d'humanité qui mérite vraiment les prix qu'il a obtenu.
Bravo !

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