Vous avez aimé « Une mère », le premier roman publié chez nous d'Alejandro Palomas ? Vous avez adoré Amalia, personnage aussi principal que fantaisiste ? Eh bien vous allez... comment dire... Bon, euh, en fait je ne sais pas ce que vous en penserez, mais en tout cas moi, j'ai été un peu déçue.
Il ne se passe pas grand-chose dans ce deuxième volume consacré à Amalia et sa tribu. C'est toujours Fer (pour Fernando) qui en est le narrateur. On le découvre, attablé dans un café, et très inquiet. Par hasard (ou pas), il est rejoint par sa mère, Amalia, et Shirley, sa petite chienne lointaine cousine des Gremlins, puis plus tard, sans hasard, par ses deux soeurs Silvia et Emma. Le seul point à l'ordre du jour de cette réunion presque improvisée : mais qu'est-il donc arrivé à R, le chien de Fer ? En fait, la réponse tient en quelques lignes, et le reste du roman tourne autour des gaffes et des comportements toujours aussi puérils et excentriques d'Amalia, des réactions exaspérées de Silvia et des efforts d'Emma et de Fer pour contenir leurs propres réactions. On retrouve les personnages avec leurs blessures non cicatrisées, leurs deuils inachevés, leurs manques abyssaux et leur peur de l'avenir et de la vie, auxquels s'ajoute la détresse de Fer. Si le monologue intérieur de celui-ci pendant qu'il observe les interactions de son entourage nous en apprend un peu plus sur les souffrances passées de chacun, tout cela est au final assez répétitif. C'est bien écrit, très fluide, on se laisse entraîner sans difficulté dans le cheminement des pensées de Fer. C'est parfois très drôle mais trop souvent la tristesse tourne en boucle et pèse sur l'ensemble, malgré la lueur d'espoir finale. Le côté jubilatoire du roman (ou son effet surprise) n'y est plus. L'analyse psychologique des protagonistes est certes très fine, mais l'ensemble est excessivement (et paradoxalement) cérébral et sentimental.
Cette fois-ci, les frasques de la mère et les attitudes des enfants m'ont plus agacée ou accablée que touchée. Je devrais peut-être m'acheter un chien...
En partenariat avec les éditions du Cherche Midi via Netgalley.
Commenter  J’apprécie         476
Mort d'un chien ?
Et chienne de vie.
TOUT sur son chien ?
Beaucoup TROP en tout cas, sur lui, et même sur ses DEUX chiens et ceux de la famille sur trois générations.
Ça peut agacer, ça m'a ennuyée - voire pire.
De cet auteur, j'ai beaucoup aimé 'Une mère'. Il met du temps à démarrer, mais une fois parti, c'est bon.
Même schéma ici : un huis clos familial, des engueulades, des rancoeurs, des divagations maternelles (vraiment too much), des manifestations d'amour. Et pléthore de souvenirs personnels du narrateur, à tel point qu'on peut se perdre dans les événements et la chronologie, surtout qu'on a fait un bond de quelques années depuis le précédent opus.
Beaucoup de poncifs, comme : « Nous ne voyons que ce qui nous manque, pas ce qui est près de nous ». Ou la métaphore éculée du puzzle reprise à tour de bras (pour la famille, l'individu, etc.).
J'ai perdu le fil, je me suis engluée dans des phrases trop longues, et c'est dommage car, comme dans 'Une mère', il y a des moments sublimes pour parler de famille, fratrie, malentendus, pudeur, solitude, deuil.
De ce livre, je pense tout et son contraire : canin, humain, mélo, mou, théâtral, outré, comme-à-la-maison, loufoque, chiant comme la pluie/la vie, extravagant, mal fichu, nombriliste, superficiel.
C'est l'ennui qui a dominé, et je suis déçue de n'avoir trouvé que quelques soubresauts d'éveil.
Commenter  J’apprécie         4116
Trop de tout, surtout.
Trop de ficelles grosses comme des câbles pour arrimer une intrigue en somme assez mince -qu'est-il arrivé au chien R.?- à d'incessants flash blacks qui donnent au lecteur l'impression de chanter "Il était une bergère qui allait au marché", trois pas en arrière, trois pas en avant, trois pas su'l'côté, trois pas d'l' aut' côté...
Trop de trucs, trop de truquages: l'auteur, rompu aux séries télévisuelles, sait ficeler un scénario , il sait comment ménager un "cliff hanger" en fin de chapitre, pour le faire suivre, habilement, d'un rétropédalage inversé en tête du chapitre suivant...à tous les coups on gagne ou plutôt on perd: on n'attrape jamais la queue du Mickey!
On a vite fait d'éventer ces tours de passe-passe, ces recettes de best-seller à deux balles. .
Trop de tout.
Trop de "radeaux "qu'on enverrait volontiers par le fond, trop de "puzzles" - une parfaite illustration de ce qu'est une métaphore usée : au moins une centaine d'occurences ! .
Trop de délires de la savoureuse Amalia, Une mère que nous avions tant aimée pourtant... mais là elle en remet dans les fausses naïvetés et les coq-à-l'âne. On a juste envie de lui dire que si elle continue à débloquer, on va l'emmener voir un psy.
Trop d'introspection, trop de drames personnels et intérieurs de Fer, le narrateur-qui- s'empêche- de- vivre, d'Emma sa soeur -qui -s'empêche -d'exister, de Silvia, son autre soeur -qui -s'empêche- de- se -lâcher.
Trop de tout.
Et pas assez de chien.
Car c'est quand même de lui, R. le chien, qu'il s'agit.
R. le chien de remplacement, le chien non désiré, le chien cadeau empoisonné, R. le chien sans nom.
À cause de lui, des quelques magnifiques pages à lui consacrées ou plutôt conservées dans ce puzzle indigeste, ce radeau en perdition- voilà que je m'y mets aussi!-, à cause de R., donc, je me suis accrochée jusqu'au bout dans cette mauvaise suite d'Une mère.
C'est lui qui m'a touchée, émue, et , malgré mon agacement croissant à l'égard de toute cette smala de bras cassés, c'est lui qui m'a retenue et finalement bouleversée.
Il faut dire que j'aime les chiens.
Et j'ai regretté tout le temps de ma lecture qu'Alejandro Palomas n'ait pas sacrifié courageusement sa suite par trop commerciale d'Une mère, pour écrire un livre vraiment nouveau, un livre unique, en solitaire, comme une pièce sans puzzle, comme un naufragé sans radeau, un livre intime et simple, centré sur l'histoire d'un deuil difficile, apres la mort d'un chien.
La chronique d'une nouvelle histoire de chien qui démarre mal.
Pour les yeux noirs et tristes de R. un soir d'orage, je mets trois étoiles.
Un peu de lumière stellaire pour lui tout seul.
Commenter  J’apprécie         335
« Mon chéri… », dit-elle.
Mon chéri. Personne ne dit « mon chéri » comme le dit maman, avec cette infinie délicatesse dans le léger chuintement à l'attaque du deuxième mot. Malgré les lueurs et les ombres qui nous séparent, les comptes non réglés et les recoins mal aérés, malgré tous les faux pas, les maladresses, les touches désaccordées et les pièces égarées du puzzle que nous sommes ensemble et aussi séparément, maman reste cette portion de vie qui m'est assurée que je le veuille ou non, que je la nomme ou non, que je l'assume ou non. Maman est là, elle est présente, et même quand elle n'est pas présente elle continue d'être là, et ça c'est si peu fréquent, ça arrive si rarement dans la vie que, j'ai beau lutter contre, je finis toujours par accepter son amarrage, parce qu'avec elle j'ai pied.
Là, tout de suite, je la [ma mère] vois comme elle est et je la compare à la double Amalia qu'elle était jusqu'à il y a quelques années : celle qu'elle fut d'abord jusqu'à son mariage, vivant dans l'ombre de grand-mère Ester, une ombre qu'il a fallu ensuite partager avec celle de papa, toujours coincée entre les deux, asphyxiée par la surprotection de l'une et rabaissée par l'attitude désobligeante de l'autre, tiraillée entre la fidélité, la tristesse, la peur et l'envie de respirer un air différent, de vivre en une autre Amalia dont probablement elle savait qu'elle subsistait dans quelque recoin de ce qu'elle avait toujours été, mais dont personne, ni papa ni grand-mère non plus, ne s'était jamais soucié.
Le curé était un vieil homme qui louchait, avec lequel grand-mère avait eu des mots au téléphone parce qu'il s'était plaint que les grands-parents n'avaient pas mis les pieds dans son église depuis des décennies, alors pas question de se déplacer pour des mécréants. Finalement, ils s'étaient vaguement rabibochés et le curé avait consenti à dire quelques mots au pied de la tombe. Dans son bref sermon, il avait parlé de la famille, de ses membres et des absents, et il avait chanté les louanges du grand-père, le parant de mille vertus que ce dernier n'avait jamais eues, preuve, s'il en était, qu'il ne le connaissait pas le moins du monde.
(p. 183)
Je m’épuise parce que j’ai quarante-quatre ans et que je n’ai aucune envie d’être la mère d’une gamine de soixante-dix ans. Ce que je veux, c’est avoir une mère, moi. […] Moi aussi, je voudrais bien qu’on prenne soin de moi. Que ma mère s’inquiète de moi.
...parce que pleurer un chien, c'est pleurer ce que nous lui donnons de nous, et qu'avec lui s'en va la vie que nous n'avons donnée à personne, les moments que personne n'a vus. Lorsque s'en va le gardien des secrets, s'en vont également avec lui les secrets, le coffre, le puzzle rangé dedans et aussi la clé, et notre vie en reste tronquée.
Payot - Marque Page - Alejandro Palomas - le petit garçon qui voulait être Mary Poppins