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Critique de Cancie


Dans La femme aux cheveux roux, que j'ai beaucoup apprécié, Cem, le narrateur raconte pourquoi, alors qu'il voulait être écrivain, il est devenu ingénieur géologue et entrepreneur en bâtiment.
Le roman débute en 1985, avec ce jeune turc Cem, 15 ans, qui vit à Besiktas, quartier d'Istanbul, et travaille l'été chez un libraire. Son père, marxiste, souvent absent à cause de ses activités politiques et amoureuses, tient une petite pharmacie. Celui-ci, un jour les quitte brutalement. Cem et sa mère doivent déménager à Gebze. Pour gagner un peu plus d'argent en vue de son entrée à l'université, le jeune garçon va trouver un emploi sur un chantier à Ongören, bourgade située à plusieurs kilomètres d'Istanbul, auprès d'un maître puisatier, Maître Mahmut et devenir son apprenti. Vont commencer alors les travaux qui vont s'avérer vite, plus difficiles et plus longs que prévu. Leur journée finie, tous deux se rendent régulièrement au village où une troupe de théâtre vient d'installer son chapiteau. Cem va croiser une belle jeune femme, plus âgée que lui, à la chevelure rousse qui va profondément le troubler. Elle est comédienne au sein de la troupe.
Cet été-là, le jeune stambouliote va apprendre un métier, apprécier l'attitude paternelle de Mahmut à son égard, écouter avec attention les histoires et légendes racontées par celui-ci, mais aussi goûter à l'alcool et enfin découvrir l'amour.
Orhan Pamuk décrit particulièrement bien et de de façon très vivante le métier de puisatier. Maître Mahmut, en l'occurence, explique d'abord à Cem comment trouver l'eau tout en se moquant un peu au passage de ceux qui la trouvent en se fiant à leur baguette. C'est en observant la nature autour de soi, dit-il, "les anciens maîtres puisatiers qui s'employaient à repérer l'endroit où chercher l'eau se devaient de connaître le langage de la terre, des plantes, des insectes et même des oiseaux, de sentir en marchant la couche de roche ou d'argile qui reposait sous leurs pas". On assiste ensuite, pas à pas au forage, à la construction du puits, avec même un petit schéma à l'appui. Loin d'être ennuyeux, c'est une véritable aventure avec suspense, car, au final, vont-t-ils la trouver cette eau si attendue ?
Maître Mahmut sera un des derniers puisatiers, ceux-ci disparaîtront avec la modernité.
Les années s'écoulent, le roman se terminant en 2015, et nous assistons au développement d'Istanbul d'une façon irréversible, dans une Turquie en pleine mutation, Cem devenant lui-même acteur de cette transformation tout en étant confronté aux questions qui tiraillent son pays.
L'auteur s'intéresse aux mythes d'hier dans la Turquie d'aujourd'hui, inspiré par le mythe grec d'Oedipe, parricide, et l'épopée iranienne du « Livre des Rois », dont le plus grand héros tue son fils. Ce roman empreint de mélancolie, à la fois philosophique, politique où géographie et économie sont bien présentes, traite de l'affrontement entre pères et fils, de l'opposition entre tradition et modernité, entre démocratie et dictature, entre religion et laïcité, où passé et présent sont en permanente confrontation. Il est également un roman d'aventures et une sorte de tragédie moderne. Il est impossible de ne pas sentir au fil des pages une crainte grandissante pour notre héros stambouliote.
J'ai été très sensible à ce roman qui peut être qualifié de conte moderne. Roman fascinant et envoûtant grâce au talent de ce grand écrivain qu'est Orhan Pamuk, lauréat du prix Nobel de littérature en 2006.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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