Les histoires sont l’histoire de tout le monde, jamais d’une seul personne ,…
Incipit
Maintenant, je suis mon cadavre, un mort au fond d'un puits. J'ai depuis longtemps rendu mon dernier souffle, mon cœur depuis longtemps s'est arrêté de battre, mais, en dehors du salaud qui m'a tué, personne ne sait ce qui m'est arrivé. Mais lui, cette méprisable ordure, pour bien s'assurer qu'il m'avait achevé, il a guetté ma respiration, surveillé mes dernières palpitations, puis il m'a donné un coup de pied dans les côtes, et ensuite porté jusqu'à un puits, pour me précipiter par-dessus la margelle. Ma tête, déjà brisée à coup de pierre, s'est fracassée en tombant dans le puits ; mon visage et mon front, mes joues se sont écrasés, effacés ; mes os se sont brisés, ma bouche s'est remplie de sang.
Qu'est-ce qu'être une couleur ? C'est le toucher de la pupille, la musique du sourd-muet, la parole dans les ténèbres. Parce que depuis dix mille ans, j'ai entendu les chuchotis des âmes de tous les objets dans les livres, à longueur de pages, qui résonnent comme le vent dans les nuits de tempête. Je puis vous dire que ma caresse pour eux, est comme celle des anges.(...)
Quelle chance d'être le rouge ! Je suis le feu, je suis la force. On me remarque et l'on m'admire, et l'on ne me résiste pas.
Car je dois être franc : pour moi, le raffinement ne se cache pas dans la faiblesse, dans la pusillanimité mais réside dans la fermeté et la nette résolution. Je m'expose, donc, aux regards. Je n'ai crainte ni des couleurs ni des ombres, encore moins de la foule, ou de la solitude. Je jouis de prendre une surface offerte à mon ardent triomphe : je la remplis, je m'y répands ; les cœurs s'emballent, le désir augmente, les yeux s'écarquillent et tous les regards étincellent ! Regardez-moi, c'est bon de vivre ! Voyez comme c'est bon de voir ! Vivre, c'est voir, on peut me voir en tout lieu, croyez-moi : la vie commence, la vie s'achève toujours avec moi...
Dans les villes d'Occident, la coutume qu'ont les femmes, non seulement d'aller visage découvert, mais d'exposer aux passants leurs claires chevelures, qui sont leur plus puissant attrait, puis leur cou, leurs bras, leur gorge superbe, et même de laisser voir - s'il faut ajouter foi aux récits qu'on en fait - un peu de leurs jolies jambes quand elels marchent, et la douloureuse conséquence de cela sur les hommes, constamment affublés d'une honteuse turgescence qui entrave leurs mouvements et entraîne, inéluctable, une paralysie e toute la société, eh bien, sachez que c'est la cause qu'il ne se passe pas un seul jour sans qu'une forteresse de giaours tombe entre les mains des Ottomans !
La peinture est silence pour l'esprit et musique pour l'oeil.
Fort souvent les gens n'ont pas besoin d'être provoqués, ni persuadés, ni induits en erreur pour commettre le péché, par simple bêtise ou enfantillage, incapables de surmonter leurs faiblesses, leurs appétits et leurs basses convoitises.
La droiture n’est-elle pas d’ailleurs, en général, le fait des esprits timorés ?
Les gens aspirent au bonheur dans la vie, plutôt qu'à des sourires béats sur de belles images. Les peintres ne l'ignorent pas, et savent que c'est là leur limite. Qu'ils ne font que mettre à la place du bonheur dans la vie celui de la contemplation.
Avec le temps, la jalousie de ses rivaux devient pour un grand peintre un instrument aussi nécessaire et indispensable que sa palette. (p. 39)
Connaître c'est se souvenir de ce que l'on a vu. Voir, c'est reconnaître ce qu'on a oublié. Peindre, c'est donc se souvenir de ces ténèbres.