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sur 510 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La neige est souvent présente dans les romans et récits d'Orhan Pamuk. Elle nous semble plutôt incongrue, déplacée, étrange, presque surnaturelle, que vient faire cette neige sur le paysage turc, que vient-elle nous dire en mettant une épaisse couche de blancheur sur les coupoles grises, sur les ruelles aux pauvres façades, sur la plaine monotone, sur les villages de tôle et de parpaings, sur les maisons abandonnées?

En Turquie, même ce qui est neuf a l'air déjà vieux, usé, démodé. Les traditions sont tellement puissantes que la modernité est tuée dans l'oeuf. Les vendeurs de simit et les fumeurs de narguilé, les femmes en pantalon bouffant dans les champs, les hommes attablés au café jouant au tric-trac, le style des maisons, le goût des böreks, la musique déversées par les autoradios, le mépris pour le code de la route, tout cela reste intact.

Mais la neige, elle, est toute neuve. Elle vient chambouler les habitudes, les esprits, les âmes, elle désoriente le voyageur, elle l'éblouit, le charme, l'endort.
La neige provoque des accidents, elle est linceul et voile de mariée, une page blanche pour y inscrire des poèmes, elle isole et protège les amoureux, elle étouffe le bruit des balles, elle boit le sang des martyrs.
Dans Kars enneigée, le poète qui s'appelle Ka, comme Kafka, marche avec peine dans les rues désertes sans savoir ce qu'il va trouver.
Exilé dans son propre pays, étranger aux intrigues, traversé par l'amour, la poésie et le malheur, il se débat comme dans un piège sans savoir de quoi il est coupable.
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Il aime les couleurs l'ami Orhan, au point d'en faire des personnages centraux de ses romans : après l'écarlate et les pourpres de Mon nom est Rouge, voici que Dame Neige s'en vient nimber de sa blancheur mystérieuse cette étonnante poésie politique, genre original s'il en est! Fil blanc de l'histoire, tombant sans discontinuer en flocons cotonneux, elle emmène son lecteur et ses personnages dans un univers étrange qui semble fait de réalités, ou de rêveries, superposées : ainsi le poète enquêteur Ka, dès qu'il s'assied dans l'autocar, parait entamer un voyage vers un monde parallèle et entre dans la ville de Kars qui parait elle-même enfermée dans une boule à neige hors du temps.
De fait, quelles que soient leurs nombreuses interactions, Ka le poète amoureux et les habitants de ce microcosme de la Turquie moderne semblent vivent des réalités différentes : là où à Kars s'agite le bruit du monde et s'affrontent les courants contraires d'une poussée islamiste vigoureuse contre l'élan démocratique fatigué d'Ataturk, Ka n'ouvre ses chakras qu'aux poèmes qui tombent directement du ciel neigeux dans sa plume, et son coeur à la belle Ipek qu'il rêve d'emmener vers une vie nouvelle à Francfort.
Pourtant les poèmes que reçoit notre bel endormi ont capté l'air de ce temps suspendu, l'ont imbriqué dans la géométrie parfaite du flocon à l'essence même de Ka, citoyen turc déraciné à qui il ne restera plus qu'à en tirer une cosmogonie autant nationale que personnelle, sur les traces de laquelle l'auteur viendra lui-même s'inviter dans le roman.
La structure labyrinthique, la tonalité mélancolique et la tension furieuse de ce roman agissent comme un envoutement sur le lecteur qui ressort de ce roman en ayant la sensation de s'être promené dans un long poème qui n'a pas été dit : sensation prodigieuse et marque d'une grande oeuvre de la part d'un auteur qui n'a pas volé son Nobel.
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Le poète Ka, exilé en Allemagne, revient en Turquie, et se rend dans la petite ville de Kars, en principe en tant que journaliste, pour enquêter sur des suicides en série de filles, et les élections municipales, mais en réalité surtout pour retrouver Ipek, une ancienne camarades d'université, qui le fascine, et dont il pense qu'elle pourra combler sa solitude. Il va devenir le témoin privilégié de ce qui se passera à Kars bloquée par la neige, entre islamistes, opposants de gauche, kurdes, et le pouvoir militaire prêt à tout pour défendre son positions. Il vivra de l'intérieur un coup d'état, sera une sorte d'intermédiaire entre toutes les parties en présence, tout en essayant d'assurer son bonheur personnel avec Ipek.

La plus grande qualité du livre est la merveilleuse écriture d'Orhan Pamuk, poétique mais en même temps très précise et acérée. Et puis aussi son témoignage sur la situation inextricable de son paye. Evidemment, les personnages sont stéréotypés, Pamuk ne s'intéresse pas à la psychologie de tel ou tel individu, mais à une situation globale, et donc chaque personnage est un type plus qu'une personne. Mais l'auteur peut nous montrer de cette façon l'engrenage infernal dans lequel tout le monde est enfermé. Quel que soit l'attitude ou le comportement adopté, il sera forcement interprété par les camps en présence en fonction de leur intérêt, utilisé, récupéré. Quelle que soit la bonne volonté, l'honnêteté des individus, leur action ne peut que servir soit le pouvoir en place, et justifier les atrocités commises, soit l'extrémisme des opposants, islamistes en premier lieu et son lot d'horreurs. Aucun acte n'est perçu comme neutre, mais vaut engagement d'un côté ou de l'autre. Cela a un côté désespéré, aucune liberté de choix n'est laissée à l'individu, car chacune des perspectives en présence est inacceptable. La seule échappatoire laissée à Ka, c'est sa poésie.

J'ai beaucoup aimé ce livre sombre et rayonnant à la fois.
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Bienvenue pour une nouvelle chronique !
Aujourd'hui nous allons parler d'un auteur helas trop peu connu dans notre contree : Orhan Pamuk.
Lire une oeuvre de Pamuk aujourd'hui , s'apparente au vu de la situation politique turque, a un témoignage de respect envers la population de cette si belle contree ...
Votre serviteur est un grand amateur de l'oeuvre de l'un des plus grands cinéastes contemporains : Nuri Bilge Ceylan.
De ce fâit, le style d'écriture de Pamuk est plus "facile " d'accès .
Oui, chez Pamuk, Il n'y a quasiment pas d'action, pas de supers flics, pas de psychopathes , ce n'est pas une écriture de page turner...
Pamuk est un auteur qui aime prendre son temps, qui invite le lecteur à une introspection, a une reflexion sur le monde, sur la vie, ect .
Pamuk n'est pas a l'instar de Ceylan, un fournisseur de prêt à macher, de distraction...
Il est probable que nombreux sont ceux qui l'ont abordés avec une idée faussée par une pratique assidue de romans, certes estimables, faciles à lire.
C'est bien dommage.
Le style de Pamuk c'est de construire une atmosphère, ou ici tout est lent, tout est contemplatif, comme la neige ...
Il fâut un temps d'adaptation pour comprendre la demarche de Pamuk.
Il n'est pas ici pour vendre un thriller que l'on lis vite, et dont l'on oublie tout aussitôt ...
Cette oeuvre est bien plus complexe, et cette complexité assumée est d'une rare ambition.
Pamuk détruit ici tout les clichés sur les fondamentalistes religieux, que vendent les medias comme TF1 ou BFM.
Il ne leur enleve rien de leur dangerosité, ni de leur extrémisme, Il les voit simplement en tant qu'hommes et Il tache de décrypter, de comprendre, ce qui a entraîné leur basculement ...
Cette demarche est d'une fôrce rare, d'une pertinence essentielle, afin de comprendre et de mièux percevoir, sans effets chocs, ni attaques verbales, ce qui fait qu'un homme devienne un jour un meurtrier.
Pamuk nous démontre ici le danger de l'isolement, volontaire ou contraint.
Il nous apporte à nous européens, une visïon concrète de ce qui fait germer l'extrémisme dans l'esprit d'autrui...
Cette oeuvre est ambitieuse, elle demande qu'on lui consacre du temps, que l'on sache faire usage de patience, de dépassement de sa zone de confort qui nous conduit à avoir une visïon uniforme des oeuvres littéraires, ou cinématographiques .
Pour comprendre Pamuk, il est bon de se familiariser avec Ceylan, qui rejoint sur de nombreux points la demarche intellectuelle de Pamuk ...
On en sort ravi de cette oeuvre, car l'on a appris quelque chose, on a lu un texte d'une portée universelle et l'on a fait un grand pas vers la sagesse ...
Merci de votre attention.
Portez vous bien et lisez des livres, allez au cinema, dans les musées, la culture est essentielle, tel est le message de Pamuk .
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Disons le sans détours, ce livre est un dédale architecturé à l'image de la complexité humaine. A condition de suivre minutieusement les multiples fils tissés, vous en sortirez profondément troublé. Pas question ici d'une aimable romance pour lecteur complaisant mais d'un tableau de vie rudement mené. Ce qui ne veut pas dire au pas de charge. Bien au contraire, chez Pamuk, le dévoilement se paie d'un luxe de détails : petit à petit, ligne par ligne, flocon après flocon. L'homme hésite souvent, doute toujours et espère démesurément.
Nostalgie de l'enfance à Istanbul, dessèchement du poète émigré en Allemagne, misère affective et sexuelle de l'adulte. Trois bonnes raisons, pour Ka, d'un retour aux sources.
Mais la source coulera vers d'autres rivages, jusqu'à Kars, petite bourgade au coeur de l'Anatolie profonde où vous découvrirez que la structure des cristaux de neige diffèrent tous par quelques détails, un peu à l'image des êtres humains. Que ces cristaux, bien qu'uniques, forment une masse neigeuse où la politique, la religion, la sociologie agrègent l'ensemble d'une manière parfaitement naturelle. Ne concluez pas que Pamuk nous raconte une histoire de la politique ou de la religion en Turquie, non, l'essentiel ce sont bien les sentiments que ressentent les individus. L'individu c'est le drame de l'occidental qu'est devenu Ka.
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Neige..... le titre résume l'atmosphère de ce roman, de ce huis clos dans le village de KARS.
L'ambiance, comme la neige, ouatée, lourde, feutrée, amortie, ... l'espace et le temps deviennent variables, les choses évoluent au ralenti, et il faut rentrer dans ce rythme parfois lancinant pour en savourer le contenu, faute de quoi, le lecteur pourrait perdre patience et passer à côté de ce grand roman.
Laissez vous aller au rythme oriental, laissez vous envahir par le fatalisme des personnages de Orhan PAMUK dans un contexte social et politique déroutant.
Une découverte
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Un roman qui allie encore (comme mon nom est rouge) suspens et exotisme, un style très poétique qui se mêle à des sujets d'actualité, ce qui donne tout l'aspect enchanteur de ce livre.
Se dévore
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Les romans de Pamuk sont très intenses, parfois longs à lire mais offre un regard très original sur la Turquie en retour. "Neige", sous forme d'une belle histoire d'amour, traite plusieurs thèmes différents, Religion, Politique, Souffrance, Nature...
Mais au centre de ce magnifique roman c'est la neige, blanche et pure. Elle pourrait être considérée comme un personnage du livre.
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Ka est un poète turc exilé en Allemagne et qui a perdu toute inspiration. Il revient dans son pays à l'occasion d'une enquête pour le compte d'un journal d'Istanbul sur une série de suicides de jeunes femmes portant le foulard dans la ville de Kars. Mais une fois sur place, la ville se trouve coupée du monde par une tempête de neige. Entre les prochaines élections pour lesquelles chacun cherche à convaincre Ka du bien fondé de ses positions, la préparation d'une pièce de théâtre et les retrouvailles avec son ancienne camarade d'Université, Ipek, Ka va recommencer à écrire des poèmes, rythmés par la chute de la neige omniprésente.
Comme dans ses autres romans, notamment Mon nom est rouge que j'apprécie également énormément, Ohran Pamuk s'intéresse à ce qui fait que son pays se trouve depuis toujours au confluent des influences orientales et occidentales. Neige parvient en outre à traiter des problèmes modernes de la société turque, comme la montée en puissance de l'islamisme, avec une poésie rare et inattendue. Un livre splendide.
Lien : http://laurent.femenias.free..
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un sujet encore plus d'actualité aujourd'hui en Turquie, avec le débat sur la laïcité et le nouveau gouvernement. Les thèmes des rôles de la police, de l'armée, de la torture, du voile sont abordés dans un texte dense et, dans mon souvenir, pas toujours très clair (entre la réalité narrative et la pièce de théâtre), à lire absolument...
Lien : http://vdujardin.over-blog.c..
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