Citations sur La tête ne sert pas qu'à retenir les cheveux (17)
Elle était assise sur une natte en plastique étendue devant la case de Nawdé, où la famille Bocoum avait pris ses quartiers le temps de ses vacances au Fouta. Un large toit de paille en recouvrait l’entrée, conçue comme une véranda en banco. C’était le seul coin d’ombre un peu tranquille. Il y avait bien l’épais manguier de la place principale, mais le risque de chute de fruits était élevé, et les garçons du village y jouaient au foot avec les jumeaux : leur cris empêchaient Ernestine de se concentrer. À Villepinte, elle pouvait au moins débrancher la Wii.
L'idée de mon arrière-grand-tante, qui a survécu au camp de Dachau, c'est qu'il faut perpétuer les rituels pour faire échouer le plan des nazis. Ils voulaient nous exterminer, nous survivons. Ils voulaient un monde sans juifs, nous allons à la synagogue. Mes parents sont dans le même état d'esprit : ils ne croient en rien mais ils ne ratent pas une fête juive.
Une opération, c'est une intervention sur le corps qui sert à faire du bien, à soigner. Une mutilation, c'est quand on abîme intentionnellement quelqu'un. On le blesse, on lui fait prendre des risques, parfois on le tue, et tout ça sans aucune raison médicale. Tu imagines ? Cent trente millions de filles à qui on a fait mal parce que c'étaient des filles. Par pure discrimination. (p.80-81)
- ça t'ennuie si on fait un tour chez moi ? proposa brusquement Awa.
- Pas du tout. Je me souviens qu'il y a du Nutella dans un placard fermé à clé, et que la clé est posée au-dessus des pots d'épices, sur l'étagère fixée à côté de l'évier. (p.195)
- Amy, articula-t-elle quand son interlocutrice décrocha de sa voix laconique à moitié couverte par des chuintements de friture. Amy, rentre tout de suite.
- Qui est mort ? Dieu tout-puissant : c'est ta mère ?
- J'aimerais que ce soit le cas, lâcha Dado, dont la main tremblait violemment autour du téléphone.
- Il ne faut pas dire des choses pareilles près des grandes oreilles de Dieu, se fâcha Aminata. Je me dépêche. Tu me fais peur à parler comme ça. Ne tue personne, surtout, avant que j'arrive. (p.190)
- Ta tante caricature un tout petit peu, mais en gros, c’est comme ça que pensent mes parents, expliqua Marcel dans son rétroviseur. Les Noirs et les Arabes sont responsables de tout, à part peut-être des vols à la tire, qui sont l’apanage des Roms. (p.140)
On te propose de jouer une adolescente déscolarisée, toxicomane, battue par ses parents, qui squatte dans les caves de sa cité. Elle sort avec un dealer maltraitant. Il pourrait la forcer à se prostituer pour compléter le tableau. Attends, je lis la fin du synopsis : En centre éducatif renforcé, Aïcha est sauvée par une rencontre : Dominique, qui entraîne le club d’athlétisme, décèle son incroyable potentiel et l’aide à tirer le meilleur d’elle-même. Tu sais ce que c’est qu’un stéréotype ?
(…)
On t’a refusé le rôle de l’orpheline irlandaise parce que tu es noire. On te propose celui d’Aïcha pour la même raison, et parce qu’en plus, tu es banlieusarde. Le doublé gagnant. L’immigrée analphabète, parquée dans une cité périphérique, battue et droguée, s’en sort par le sport grâce à un type bien français qui s’appelle Dominique. Tu veux vraiment donner prise à ces conneries ? (p.113)
- Je ne crois pas en Dieu.
C’était lâché.
Le rabbin ne fit pas d’arrêt cardiaque. Il ne dégringola pas de son fauteuil relax, il ne s’étouffa pas avec le café de Jacob. Il continua d’écouter d’un air intéressé, comme il s’y était engagé.
- Quand je veux que quelque chose arrive, quand je le souhaite de toutes mes forces, je n’ai même pas le réflexe de m’adresser à l’Eternel. J’ai goûté aux rillettes et Il ne s’est pas manifesté. Pendant le temps de prière, au Talmud, j’avance mentalement la construction de mes maquettes d’avion. Je veux bien être juif mais je voudrais que ça reste quelque chose de relativement peu envahissant : une sorte de référence culturelle. Cette bar-mitsvah, je la fais pour emmerder les nazis, et pour ne pas m’exposer aux foudres de mon arrière-grand-mère Ruth. Je me demande si ce sont des motivations suffisantes. (p.89)
- Qu'est-ce qui s'est passé avec tes cheveux ?
Awa retira sa veste et lâcha :
- Je les ai rasés. Parce que c'est l'avantage avec les cheveux. C'est une partie du corps qui repousse quand on la coupe. (p.79)
L'Afrique, dans l'atlas mental de ma mère, c'est la somme de tous les conflits et de toutes les épidémies dont on parle à la télé. Elle y met des djihadistes et des lions pêle-mêle. Dans l'univers de mon père, c'est une grande réserve où on a le droit de tirer sur les animaux, ou sur les Algériens, selon l'époque. Et tu viens leur parler de la théorie des races ? (p.77)