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Critique de Marmara


Voilà un roman dont les premières pages m'ont captivée. La plume est fluide, déliée, et l'auteure retrace avec aisance et concision le parcours de Ba, sa grand-mère, avec en toile de fond la guerre d'Indo-Chine, puis celui de sa mère, qui elle, grandira avec ses deux soeurs dans le chaos et le vacarme de la guerre du Vietnam.

Viennent ensuite les jours heureux ; la fin de la guerre, le mariage des trois filles de Ba, la venue au monde de la troisième génération, et tout ce petit monde, grand-mère Ba, grand-père Trang, leurs trois filles, gendres et petits-
enfants vit sous le même toit, comme le veut la tradition Vietnamienne.

Des jours heureux qu'illustre fort bien Line Papin. Hanoï revit, ses rues foisonnent d'habitants qui vont, viennent, s'affairent, ses effluves et son tumulte se hissent dans le petit appartement du troisième étage, le pays est noir de misère, mais qu'importe, les armes se sont tues, Hanoï n'est pas morte, son coeur n'en bat que plus fort, elle respire et répond à l'appel de la vie.

C'est dans cet Hanoï, pétillante et brouillonne, exultante et allègre, que grandit la petite Line. Line qui parle d'Hanoï comme on parle d'un être dont notre coeur est plein.

Alors ; pourquoi n'ai-je pas aimé ce roman ?

Dans cette première partie, je me suis laissée emporter par l'émotion, par ce tourbillon de vie d'après-guerre si bien retranscrit par l'auteure, ce qui, malheureusement, ne m'a pas empêchée de noter certains points que je qualifie de négatifs.

Line est une petite fille heureuse. Attachante et aimante, elle grandit, me semble t-il, au sein d'une famille bienveillante. Pourquoi, alors, faire le choix de ne jamais nommer son père, sa mère, ses tantes, et de les affubler du "jeune Français", de "la première H", de "la deuxième H", sa mère, en l'occurence, et de "la troisième H" ? Outre le fait que ce choix n'est pas du plus bel effet, pourquoi cette distance qui, jamais, ne fut expliquée au lecteur, lorsqu'il existe tant d'enfants mal aimés...

D'autre part, sa plume dont au départ je n'ai pensé que du bien, est trop souvent écornée par des "c'est-à-dire", et par des passages syncopés, aux phrases courtes, ce qui en soi n'est pas forcément déplaisant, mais trop récurrent, autant que le sont des réflexions absconses auxquelles je n'ai strictement rien compris. Je n'en citerai qu'une :

"Le 3". Pourquoi ? Par instinct, parcequ'il est rond, dans ses formes dessinées, parcequ'il n'est pas aiguisé comme le 2 ou le 4, qui ont l'air piquant, blessants. Mais le 3 n'est pas neutre comme le 1 non plus. le 1 n'est décidé que par sa position, qu'on lui a accordé et que personne ne lui enlèvera. Tu es le premier, lui a t-on dit, et il n'a plus jamais travaillé. Dans son intimité, il est faiblard. le 5, quant à lui, etc etc..."

Plutôt que d'épiloguer de la sorte sur ce fameux chiffre 3, peut-être aurait-il été plus opportun de renseigner le lecteur sur la nature de ses relations avec les membres de sa famille qu'elle ne nomme jamais, ce qui aurait eu pour avantage de justifier, ou pas ! Ce très curieux choix des "3 H" et du "Jeune Français".

Dans la deuxième partie de cet ouvrage, le ciel s'assombrit. du jour au lendemain, et apparemment sans explication aucune, les parents de la fillette, donc "la deuxième H" et "le Français", décident de s'établir en France. Line est arrachée à sa terre natale, loin de tous ceux et de tout ce qu'elle aime. Son chagrin est immense, et elle glisse inexorablement vers la dépression.

L'auteure rend si palpable le vide qui s'est installé en elle, que je n'ai pu rester insensible face à tant de détresse. Mais trop de répétitions, trop de longueurs, et c'en est lassant.

Sur environ deux ou trois pages, Line Papin établit une analogie entre les guerres qu'ont subies ses ancêtres et celle qu'elle doit livrer à la dépression, et pour ce faire, elle fait appel au champ lexical du mot "guerre". le choix est judicieux, ne manque pas d'originalité, mais il est audacieux, et je regrette de devoir dire qu'elle s'est attaquée à trop forte partie, et qu'à mon humble avis de lectrice, cet exercice manque cruellement de finesse.

J'attribue deux étoiles et demi à cet ouvrage, car sa lecture ne m'a pas procuré le plaisir que j'en attendais, mais ces deux étoiles et demi pour la plume, qui par instants m'a enchantée, et pour la faculté qu'a eu l'auteure de me téléporter dans le Hanoï d'après-guerre, cet Hanoï dont les plaies suppurent, mais qui, à l'instar des îles lointaines de Charles Aznavour, sait "que rien n'est important que de vivre".



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