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Yseult Pelloso (Traducteur)François Livi (Préfacier, etc.)
EAN : 9782825116128
L'Age d'Homme (15/12/2004)
4.5/5   8 notes
Résumé :

" Est-il décent d'écrire son autobiographie à l'âge de trente ans ? C'est précisément à cet âge, en 1911, que Giovanni Papini commence à rédiger Un homme fini.

Achevé en 1912, ce livre singulier paraît à Florence au début de l'année suivante. Faut-il considérer Un homme fini comme une autobiographie culturelle ? Et si tel était le cas, ce projet peut-il justifier à lui seul le livre ?

Sans doute Un homme fini relève-t-il e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Lire l'autobiographie d'un Homme fini est une expérience paradoxale. Quel homme véritablement achevé, quel homme absolument désespéré, arriverait concrètement à écrire un livre, puis à le faire publier, et enfin à recevoir la reconnaissance littéraire qui lui échoit ? Comme Cioran louant les gloires du suicide et crevant à plus de quatre-vingt ans, Giovanni Papini est surtout un homme paradoxal qui ne justifie pas ses contradictions mais qui les analyse pour s'en moquer cruellement.


Avant tout cruel avec lui-même, Giovanni Papini juge être un homme fini alors qu'il a trente-quatre ans, la création de la revue Anima et la publication de quelques romans reconnus derrière lui, et une réputation d'agitateur terrible qui lui sied à merveille. Tout pour être heureux ! Giovanni Papini le reconnaît lui-même : voici la situation qu'il avait toujours espérée et qu'il avait autrefois désespéré de ne jamais pouvoir obtenir. Et maintenant qu'elle est sienne… il se rend compte que ce n'est pas assez ! ou que ce n'est peut-être pas ce qu'il recherchait véritablement.


Mais reprenons dans l'ordre… Eternel insatisfait, Giovanni Papini se penche sur sa genèse personnelle et commence par évoquer son enfance. La succession des chapitres se veut mélodique. Six grandes parties se succèdent à la manière de rythmes musicaux : Andante, Appassionato, Tempestoso, Solenne, Lentissimo et Allegretto –la vie de Giovanni Papini est une partition baroque et sentimentale, à moins qu'elle ne le soit devenue que pour mieux se soumettre à l'envie de l'écrivain de métamorphoser son existence en oeuvre. Et quelle oeuvre… là où on se croit en droit d'attendre une esthétique classique, qui viserait au beau, Giovanni Papini nous fournit une esthétique de la déchéance –mais il rejoint là la définition du sublime proposée par Schopenhauer (« le sentiment sublime provient de ce qu'une chose parfaitement défavorable à la volonté devient objet de contemplation, pure, contemplation qui ne peut se prolonger, à moins qu'on ne fasse abstraction de la volonté et qu'on ne s'élève au-dessus de ses intérêts […] »). En effet, alors que Giovanni Papini débutait dans la vie en accumulant les pires tares (laideur, timidité, asociabilité) et qu'il se croyait définitivement rejeté du monde par ses semblables, il réussit finalement à s'offrir une place de choix dans la société. Giovanni Papini n'a jamais cherché à faire plaisir à ses semblables et n'est pas devenu un avorton hybride, moitié misanthrope, moitié enfant docile, pour leur faire plaisir. Sa solitude lui plaisait, et c'est grâce à elle qu'il a pu se consacrer exclusivement à l'étude jusqu'à ce qu'il atteigne sa deuxième décennie.


Lorsque Giovanni Papini sent venir le besoin de devenir à son tour créateur, les évènements de sa vie monacale se gâtent. C'est qu'il faut à présent faire ses preuves… et les regards des autres deviennent alors nécessaires. Mais comment les intégrer après tant d'année de réclusion volontaire ? Et surtout, à force d'avoir fréquenté les noms et les textes les plus prestigieux de ses figures littéraires, scientifiques et philosophiques préférées, Giovanni Papini s'est décroché de la réalité. Ce qu'il attend de la vie se situe au-delà de ce qu'elle peut certainement apporter. A qui en imputer la faute ? A soi-même ? Aux autres ? A tous ?


« Votre vie à tous me dégoûte. Je veux ou être grand ou me tuer. Il n'y a pas d'autre choix pour quelqu'un comme moi. J'ai besoin d'être au-dessus de vous pour vous tirer encore plus haut. »


Giovanni Papini semble avoir écrit un Homme fini pour trouver une réponse à cette interrogation. Son texte n'est pas une thèse –son auteur avance de page en page sans sembler savoir davantage que nous jusqu'où le conduiront ses pérégrinations intellectuelles. Qui a dit qu'il était nécessaire d'être deux pour mener l'analyse d'un seul homme ? Giovanni Papini dispose d'une lucidité suffisamment grande pour révéler à lui-même les explications secrètes qui avaient jusque-là maintenu son existence dans un écheveau de noeuds. Il fait également preuve d'un courage et d'une sincérité presque surprenantes lorsqu'il fait la confession des sentiments qu'il éprouve envers les autres et de son inextinguible certitude de supériorité :


« Mais qu'est-ce que je suis devenu, grand Dieu ? de quel droit est-ce que vous autres encombrez ma vie, me volez mon temps, fouillez mon âme, sucez ma pensée, me voulez pour compagnon, confident, informateur ? Pour qui m'avez-vous pris ? Est-ce que par hasard je suis un acteur payé pour jouer tous les soirs devant vos têtes à claques la comédie de l'intelligence ? Est-ce que par hasard je suis un esclave acheté et payé qui doit me plier à vos caprices de désoeuvrés et vous faire cadeau de tout ce que je sais et je fais ? Est-ce que par hasard je suis une putain de bordel qui doit soulever sa jupe et enlever sa chemise au premier signe d'un mâle décemment habillé ? »


Giovanni Papini alterne sans cesse entre création et autodestruction, semblant chercher à tout prix à détruire l'auréole de gloire qu'il a réussi à faire flotter autour de son personnage en moins d'une décennie. Il se prend ainsi pour principale cible de ses critiques, après avoir avoué qu'il pensait être l'homme surplombant l'humanité.


« Je voulais, en somme, que commençât avec moi, de mon fait, une nouvelle époque de l'histoire des hommes. »


Mieux qu'une diatribe envoyée contre le monde entier pour se justifier de sa déception, Giovanni Papini écrit le procès de sa propre accusation sur un ton toujours léger, cynique et désabusé. Faut pas s'en faire… être un homme fini n'est pas si grave. Après tout, mieux vaut en rire que s'en apitoyer.


« Être débiteur de Shakespeare est déjà assez fâcheux, mais devoir quelque chose à une infusion de Porto Rico et de Saint-Domingue, ou de thé de Ceylan, est par trop humiliant. »


Parce qu'on aurait aimé en connaître davantage sur son existence (qui dura jusqu'aux soixante-dix ans largement dépassés) et faire durer ce livre plus longtemps, on ne peut reprocher qu'une seule chose à Giovanni Papini : ne pas avoir attendu encore un peu de temps –et rajouter à son autobiographie les pages de ces années supplémentaires- avant de juger qu'il était un Homme fini
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Citations et extraits (57) Voir plus Ajouter une citation
Ils me disent, ceux qui sont autour de moi, que j’ai du talent, et ils croient me faire un grand honneur et un immense plaisir, les bonnes âmes ! Il y en a qui vont même jusqu’à dire que j’ai beaucoup de talent, un grand talent, et ce sont ceux qui croient m’aimer le plus et m’être le plus proche.
Chers humains, je vous remercie et m’incline devant vous et que Dieu vous le rende ! Vous faites et dites tout ce que vous pouvez faire et dire, et vous savez même vaincre votre amour-propre naturel et ma grossièreté de malappris.
Mais il n’y a vraiment personne parmi vous qui sache combien vous m’offensez et me peinez avec ce mot de talent ?
Au diable votre talent ! Qu’est-ce que c’est ? Est-ce que vous croyez vraiment, en conscience, que je puisse me contenter d’être un homme de talent, un jeune homme aux belles espérances jusqu’à la tombe, un bon compagnon spirituel qui sait intéresser les gens ? Pour qui m’avez-vous pris, grand Dieu ? Est-ce que j’ai le visage grisâtre et riant d’un homme qui se contente de ce que tout le monde possède et qui est heureux quand il a dix idées au bout de la langue et cent francs dans son portefeuille ? Vous ne vous êtes pas rendu compte, oiseaux de mauvais augure, que le talent est la denrée la plus courant qu’on puisse trouver dans les foires des hommes ?
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Et quand je me serai vidé de ma salive, de mon pus, de mon fiel et de mon sang corrompu, quand je me serai épanché, de tout et avec tous, alors je deviendrai moi aussi doux comme les lys de la vallée, et le matin j’écouterai avec recueillement le pépiement des moineaux sautillants sur les tuiles branlantes ; et je m’attendrirai au balancement des cloches dans les petits clochers trapus et décrépis des églises négligées, et je marcherai dans les allées des jardins hors de la ville en baissant la tête pour ne pas écraser une fourmi rouge pas prêteuse. Alors vous entendrez monter de mon cœur libéré un chant si soupirant de volupté, tellement gonflé de tendresse, à tel point détrempé d’amour larmoyant, que nul parmi vous ne pourra l’écouter sans se remémorer l’instant le plus solaire et passionné de sa jeunesse, sans se tordre et se pâmer à cette douceur trop poignante.
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Rien à faire : quoi que je fasse pour m’abrutir ou m’assommer, ce qui me plaît toujours, ce sont les extrêmes. […]
Ou un paysan ou Dante –et hors d’ici tous les autres, fichez le camp, les hommes de talent, les hommes d’esprit, les hommes habiles et les odieux intellectuels ! Qu’est-ce que vous êtes donc, vous autres, devant un péquenaud crasseux qui bat le grain pour vous donner à manger, ou devant un poète qui extrait de son âme ces mots qui font frissonner et réfléchir mille générations ?
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Je sentais que j’étais né pour d’autres choses, que je visais d’autres fins. Ce n’était pas ambition de ma part ; ce n’était pas vanité, mais orgueil, tout bonnement orgueil, orgueil diabolique, orgueil divin. Je voulais être véritablement grand, épique, démesuré ; je voulais accomplir quelque chose de gigantesque, d’inouï, qui changerait la face de la terre et le cœur des hommes.
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Parce que le jeune homme, avant de s’approcher de la vie pour la posséder, a déjà en lui, s’il n’a pas irrémédiablement une âme de pourceau, des attentes et des objectifs si magnifiques, des certitudes si intenses de la proximité du sublime et de la puissance divine, que le réel tel qu’il est, la vie telle qu’elle s’écoule ne peuvent manquer d’être pour lui les gifles d’un démenti sans fin. Il s’attendait au paradis et se retrouve dans les bolges les plus fétides de l’enfer : il croyait trouver ses frères la main tendue et il trouve un troupeau de bêtes avides qui grognent et attaquent ; il s’imaginait que la vie s’offrait à lui comme une pierre lisse et un marbre au grain fin pour y sculpter son image avec le dur ciseau de la volonté, et au lieu de cela il a entre les mains une purée de fange et de merde qui ne se laisse pas modeler et une fois modelée, ne tient pas.
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Vidéo de Giovanni Papini
« […] Jour après jour, Saba - de son vrai nom Umberto Poli (1883-1957) - compose le “livre d'heures“ d'un poète en situation de frontière, il scrute cette âme et ce coeurs singuliers qui, par leur tendresse autant que leur perversité, par la profondeur de leur angoisse, estiment pouvoir parler une langue exemplaire. […] […] Au secret du coeur, dans une nuit pétrie d'angoisse mais consolée par la valeur que le poète attribue à son tourment, cette poésie est une étreinte : à fleur de peau, de voix, une fois encore sentir la présence de l'autre, porteur d'une joie qu'on n'espérait plus. […] Jamais Saba n'avait été aussi proche de son modèle de toujours, Leopardi (1798-1837) ; jamais poèmes n'avaient avoué semblable dette à l'égard de l'Infini. le Triestin rejoint l'auteur des Canti dans une sorte d'intime immensité. […] […] Comme le souligne Elsa Morante (1912-1985), Saba est plutôt l'un des rares poètes qui, au prix d'une tension infinie, ait élevé la complexité du destin moderne à hauteur d'un chant limpide. Mais limpidité n'est pas édulcoration, et permet au lecteur de percevoir deux immensités : le dédale poétique, l'infinie compassion. » (Bernard Simeone, L'étreinte.)
« […] La première édition du Canzoniere, qui regroupe tous ses poèmes, est fort mal accueillie par la critique en 1921. […] Le Canzoniere est un des premiers livres que publie Einaudi après la guerre […] L'important prix Vareggio de poésie, obtenu en 1946, la haute reconnaissance du prix Etna-Taormina ou du prix de l'Accademia dei Lincei, ne peuvent toutefois tirer le poète d'une profonde solitude, à la fois voulue et subie : il songe au suicide, s'adonne à la drogue. En 1953, il commence la rédaction d'Ernesto, son unique roman, qui ne paraîtra, inachevé, qu'en 1975. […] »
0:00 - Titre 0:06 - Trieste 1:29 - le faubourg 5:27 - Lieu cher 5:57 - Une nuit 6:32 - Variations sur la rose 7:15 - Épigraphe 7:30 - Générique
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Référence bibliographique : Umberto Saba, du Canzoniere, choix traduit par Philippe et Bernard Simeone, Paris, Orphée/La Différence, 1992.
Image d'illustration : https://itinerari.comune.trieste.it/en/the-trieste-of-umberto-saba/
Bande sonore originale : Maarten Schellekens - Hesitation Hesitation by Maarten Schellekens is licensed under a Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International License.
Site : https://freemusicarchive.org/music/maarten-schellekens/soft-piano-and-guitar/hesitation/
#UmbertoSaba #Canzoniere #PoésieItalienne
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