Le médiéviste Jacques Le Goff explique comment l'Eglise, qui avait imposé son temps liturgique à l'ensemble des sociétés médiévales en le rythmant au son des cloches (le clocher est une invention des VIe et VIIe siècles), va, à partir du XIIe siècle, être concurrencée par le « temps des marchands », temps laïc, temps du travail « salarié », temps urbain par excellence. Il insiste sur un fait, pas assez étudié : à son avis le « glissement significatif de l'heure dite de la none, heure de la pause et du repas dans le haut Moyen Age où elle se situait aux alentours de quatorze heures, s'opère vers le moment de midi. Sur le chantier urbain naît ainsi au XIVe siècle une nouvelle entité de mesure concrète du temps : la demi-journée ».
1090 - [p. 32]
... la sixième heure, c'est-à-dire « midi », pour annoncer la prière pour le premier chrétien, comme elle peut correspondre à l'après-déjeuner et plaider pour la sieste ! En, effet, le repas du matin se prend, en Occident, jusqu'au début du XVIIe siècle, vers dix heures, c'est dire si midi lui succède ! Au cours des XVIIIe et XVIIIe siècle, le déjeuner sera servi entre onze et midi et ce n'est que dans le monde urbain, à partir du milieu du XIXe siècle, que l'on mange entre midi et une heure, ce qui retarde l'heure de la sieste.
1084 - [p. 26-27]
Face au tout-plus-vite - du chronopost à la pizza express - il est souhaitable et possible de s'attarder, de prendre son bien en patience, de savourer chaque instant comme un hymne à la durée, comme un hommage à la vie.
La sieste ? Vite mon Dictionnaire historique de la langue française (Le Robert, 1992) : « Sieste. n. f. est emprunté sous la forme sieste (1681), à l'espagnol siesta, issu du latin classique sexta (hora) « la sixième heure, c'est-à-dire « le milieu de journée », les Romains divisant la journée, du lever au coucher du soleil, en douze « heures » égales entre elles, mais inégales selon les saisons. »
1080 - [p. 25-26]
… La sieste est un temps fort d’un art de vivre – oui, un art de vivre ! – qu’il convient de défendre, de populariser, de pratiquer, avec conviction, plaisir et sérieux.
1070 - [p. 6]
Sans épouser toute l'analyse critique de la technique que Jean Giono élabore dans son remarquable Poids du ciel, je ne peux que recopier ce propos, même si certains mots mériteraient d'être précisés quelque peu : « Le naturel emploi de la vie c'est vivre. Vivre, c'est chercher la joie naturelle. La joie n'est ni un produit social ni un produit technique. C'est un produit individuel que l'individu riche de richesses naturelles sera plus qualifié qu'un autre pour acquérir et pour garder tout le temps que sa matière occupera l'espace et le temps d'un homme. L'homme vit dans des grandeurs libres. » La sieste est certainement une de ces grandeurs libres.
1095 - [p. 34-35]
Une société qui impose à tous de respirer en chœur, de travailler aux mêmes horaires, de vivre dans la simultanéité, est une société totalitaire condamnée à périr.
On retrouve là l'extraordinaire curiosité et indulgence du philosophe qui se refuse à raturer quoi que ce soit dans l'écriture d'une vie. Tout est à garder. Tout a un sens, même le non-sens. Tout se modifie y compris la stabilité...