Merci à Babelio et à l'éditeur pour m'avoir offert ce livre lors de l'opération Masse Critique Jeunesse !
J'adore
Les Misérables et Gavroche est un de mes personnages préférés ; mais ce livre a clairement été écrit pour un public jeune qui ne connaît pas encore le roman de
Victor Hugo et découvre le personnage de cette façon. J'aime beaucoup cette idée. Je me demandais sur quoi j'allais tomber au début - quelque chose de proche du texte d'Hugo, ou de plus éloigné ? Finalement, le texte est entièrement réécrit de façon plus simple et moderne, sauf les chansons, qui sont conservées et donnent une touche de "couleur locale". Je trouve que c'est un bon choix.
Le texte est court, une quarantaine de pages, avec environ une moitié d'illustrations, simples, stylisées et vivantes. Gavroche, quitte sa famille abusive, commence à se débrouiller tout seul et devient un gamin des rues charmant et gouailleur (certains passages, comme le moment où il a découvert que l'éléphant de la Bastille était habitable, ou celui où il a joué dans une troupe de théâtre, sont beaucoup plus développés que dans le roman, cela m'a fait plaisir). Il prend sous son aile deux petits enfants (dans cette version, ils ont des noms, mais on n'apprend jamais leur origine), se révolte contre l'injustice de la répartition des richesses, rejoint des amis plus âgés sur les barricades, et meurt en prenant trop de risques pour ramasser des cartouches.
La fin essaie de n'être pas entièrement déprimante, puisque cette mort n'est pas présentée comme inutile (historiquement cela se discute, mais passons), mais comme une des multiples étapes qui font que de nos jours "il y a moins de misérables". La dernière image représente des gamins de nos jours en train de s'amuser sur un toboggan éléphant, créant un parallèle qui m'a touchée, bien joué !
Malgré tout, si j'étais un enfant et qu'on me montrait ça, je pense que je trouverais que c'est trop triste quand même ?
Mais je ne suis plus une enfant, et voilà mon avis d'adulte qui aime
Les Misérables. Qui est : j'en aurais voulu plus. Ce n'est pas, malheureusement,
Les Misérables du point de vue de Gavroche, c'est
Les Misérables centré sur Gavroche. A part sa famille (incluant les deux petits, mais malheureusement pas ses soeurs) pratiquement toutes ses interactions avec d'autres personnages sont coupées : pas d'échanges avec Montparnasse, avec Bahorel, avec Enjolras, pas de mission faire évader quelqu'un de prison où il découvre au dernier moment que c'est son père... plus de passages où il est seul ou avec des figurants, ceci dit. Après tout, je peux me dire qu'avoir des scènes supplémentaires est mieux que relire des passages que je connais déjà.
Gavroche est aussi, par rapport au livre, plus "sage", moins insouciant au point que c'en devient du mépris de sa propre vie (on ne le voit pas voler une bourse pour la donner à plus pauvre que lui ici), moins insultant avec les personnes âgées, moins engagé politiquement (Gavroche dans le livre avait fait la révolution de 1830 deux années plus tôt !), mais aussi moins impliqué comme complice dans la vie criminelle de
Paris. Je comprends ce choix, même si je le regrette un peu.
Mais le changement qui m'a le plus ennuyée est que, dans le livre, Gavroche a deux groupes d'amis adultes : les criminels collègues de son père (qui, souvent, le traitent mieux que Thénadier le fait) et les étudiants révolutionnaires. Dans le livre, ils sont cités ensemble, et au début, j'ai trouvé ça intéressant : après tout, pour Gavroche, les deux sont des adultes cool qui se moquent des lois.
Mais plus tard, on découvre que le livre non plus ne fait pas la distinction, que les personnages, en plus d'avoir peu de personnalité, se retrouvent sur la barricade, et cela m'a ennuyée. Pour moi, une des bases du personnage de Gavroche est que vu sa pauvreté, il ne peut que devenir un criminel dans cette société, ou la détruire pour en construire une autre. C'est présenté comme un choix, pas un ensemble. le fait qu'il devienne un révolutionnaire plutôt qu'un assassin sans morale fait partie des raisons qui rendent sa fin moins triste (ça, et la croyance d'Hugo en l'immortalité de l'âme). Ici c'est perdu, et cela donne au personnage moins de tension, moins de complexité.
Je ne sais pas si c'est pour simplifier ou si c'est un choix politique de l'auteur. Bah, je peux faire avec. Mais c'est le seul point du roman qui me manquent vraiment, cette séparation entre Patron-Minette et les Amis de l'ABC. Je ne demande pas des individualités de tout le monde, je vois pourquoi ce n'était pas possible ; juste les deux groupes.