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Critique de Tzomborgha


Il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour que l'Europe, alors aux dernières marches de son hégémonie technologique, s'aventure enfin au coeur de l'Afrique occidentale, où s'étendaient alors bien plus de Terra Incognita que sur n'importe quelle carte du nouveau monde.
Comme il sied à ce genre d'entreprises, c'est la bouche d'un grand fleuve qui fournit une perspective d'exploration crédible à l'African Association de Londres, qui entend cartographier les régions intérieures pour en tirer des bénéfices géographiques et ethnologiques sans doute, mais surtout économiques et géo-politiques, puisqu'il faut attendre 1807 pour que le commerce triangulaire soit aboli.
Par ailleurs, nous le savons à plusieurs titres, remonter un fleuve inconnu n'a rien d'innocent.

Mungo Park est un explorateur précoce et accidentel, loin des figures romanesques que sont Livingston, Burton ou Stanley, il s'engouffre avec la conviction et l'optimisme forcené de sa jeunesse dans une aventure trop vaste pour lui, mais à laquelle il survivra pour cette fois, au terme d'intenses péripéties et d'infinies souffrances.
Ce qu'il découvre au-delà des comptoirs commerciaux de la côte n'est ni vide ni sauvage: C'est au contraire une mosaïque de peuples, de cultures et de gouvernements industrieux plus ou moins antagonistes qui s'affairent sur les ruines de l'ancien empire Songhaï et prospèrent sur le commerce trans-saharien. Un réseau dense de frontières et de routes commerciales qui contraignent ce territoire horizontal aussi sûrement que les affluents d'un fleuve ou le rythme implacable des saisons. Des gens de toutes sortes, puissants, marchands, pèlerins, pillards ou répudiés, en compagnie desquels il tentera désespérément de survivre.
"Il est des moments de passivité héroïque auxquels parfois même les plus vaillants se résignent" résume Conrad dans Typhon.
Nul ne verra jamais en lui l'ambassadeur courtois et profitable que fut Marco Polo, ni même un potentiel métisse comme Gonzalo Guerrero. Ses interlocuteurs se servent de lui, le manipulent, l'aident parfois, et Park s'échine à garder un cap dans cette tourmente qu'il traverse dans la plus totale improvisation, mais qu'il consigne avec un souci naturaliste aussi laborieux qu'intéressant.

Le 15 novembre 1884 débutait la conférence de Berlin, qui allait solder le destin de l'Afrique sous la tutelle des grands empires coloniaux. Ce que découvrit Mungo Park en 1795 n'existait déjà plus, et le continent prenait le train de l'Histoire comme partout ailleurs.
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