AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,54

sur 57 notes
5
3 avis
4
0 avis
3
5 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un écrit de combat contre la morale relâchée de la Compagnie de Jésus doublé d'un traité théologique sur la grâce (divine), voilà ce que sont "Les Provinciales"! Pascal y déploie tout son talent, pour ne pas dire son génie, usant d'une ironie assassine pour ridiculiser la tartuferie des jésuites et vulgarisant, au bon sens du terme, une épineuse question dogmatique afin de la rendre accessible à "l'honnête homme" de son temps - et du nôtre.
A priori, c'était une gageure que de pouvoir capter l'attention avec un sujet aussi "ingrat" mais le pari fut réussi: l'oeuvre obtint un franc succès!

À noter que l'acception péjorative du mot "jésuite" (à savoir hypocrite, faux-jeton) vient de là...
Commenter  J’apprécie          141
Incroyable actualité de ces lettres de Pascal qui ont passionné la France en cette fin de XVIIe siècle. Une controverse incroyable entre les Jésuites, les Thomistes d'un côté, et les Jansénistes de l'autre sur la capacité de la grâce de Dieu à être efficace pour sauver les justes.
L'actualité du texte, c'est évidemment les controverses absurdes, contraires à la raison que nous connaissons actuellement sur internet, à propos du vaccin, de la sévérité de la maladie, des raoulteries, et autres. Ici, et c'est encore plus spectaculaire, la polémique tient au fait que la grâce de Dieu puisse sauver un homme juste de façon sure, ou de façon prochaine, ou même simplement lui donner la faculté de prier pour demander l'aide de Dieu. La controverse a été si terrible qu'il y a eu des excommunications, des expulsions d'instituts réputés, des déchirements incroyables et que l'église de France s'en est trouvée comme amputée par une sorte de paralysie spirituelle, de distance par rapport à la simple joie de croire, de tristesse, de dépression qui a perduré jusqu'à nos jours. le jansénisme, qu'il aie ou pas été l'hérésie dénoncée en son temps, ou la cause défendue par Pascal a porté des fruits pourris pendant plusieurs siècles!

Toute la controverse tient en une phrase de Saint Augustin (évêque du 4e siècle) : "Nous savons que la grâce n'est pas donnée à tous les hommes". Les Jésuites suivent la doctrine de l'un d'entre eux, Molina, qui a interprété Saint-Augustin, et les textes bibliques en ce sens que la grâce peut être active en tout homme juste et lui donner les moyens de se sauver du péché. Les jansénistes y mettent une nuance que je ne saurais préciser, tant elle est subtile, surtout après la lecture de cet éminent texte de Pascal, mais qui sous-entend que la grâce pourrait ne pas être suffisante pour en sauver certains.

Alors évidemment, ce qui est passionnant, c'est l'infinité de subtilités de ce débat telle que :

"Allons donc, distinguo, si vous appelez ce pouvoir [de la grâce] pouvoir "prochain", il sera Thomiste, et donc catholique, sinon il sera Janséniste et hérétique."

Tout l'art de Pascal est de faire la narration de la part d'un homme de bonne volonté qui interroge tour à tour les protagonistes du débat, et énonce, pour mieux les dénoncer les subtilités ou nuances absurdes, qui font que l'on est du côté ou l'autre du "bon catholicisme".

En fait, au delà de la vivacité polémique du texte, et de son actualité brulante, c'est avant tout une réflexion passionnante sur la Grâce, c'est à dire cette liberté intérieure, conférée par Dieu pour se tourner vers lui et sauver sa vie. Et bien sur son articulation avec la liberté. Quand on parle de prédétermination, un concept courant dans la théologie du XVIIème siècle, peu pratiqué aujourd'hui, on parle de la volonté de Dieu de sauver les justes, la question restant en suspens de savoir si Dieu veut ou peut sauver tous les hommes (a-t-il renoncé à sauver un Hitler, un Pol-Pot, un Pétain, un serial killer?). Suivant les courants du christianisme, la prédétermination peut avoir de subtiles nuances. Et bien évidemment, c'est aussi le spectre de la contre-réforme (la réaction du catholicisme à la naissance du protestantisme) qui plane sur le débat.
Je ne sais pas s'il serait sain de relancer le débat aujourd'hui, ce genre de débat est venimeux, mais le monde n'en serait il pas meilleur si nous tentions de croire que chacun peut-être sauvé, qu'aucun homme n'est irrécupérable? Ou est-ce une faiblesse de raisonnement qui amène à une complaisance avec le mal? Peut-on être miséricordieux, comme finalement seul peut l'être un Dieu chrétien prêt à la crucifixion pour porter le péché du monde, ou faut il s'en remettre à une justice supérieure qui nous demeure pour toujours inaccessible? Est-ce de l'orgueil de prétendre trancher dans ce débat? Les grilles de lectures de ces magnifiques textes de Pascal sont infinies.

J'aimerais finir avec une phrase de conclusion de la première lettre :

"Je vous laisse cependant dans la liberté de tenir pour le mot de "prochain", ou non ; car j'aime trop mon prochain pour le persécuter sur ce prétexte."
Commenter  J’apprécie          60
Moins connu peut etre que "les pensees" Les Provinciales valent largement le detour tant la pensee de l'auteur est ici sublimée et toujours aussi claire et precise, le temps ne semble pas avoir de prise sur ce genie à decouvrir absolument !
Commenter  J’apprécie          20


Lecteurs (256) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
438 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *}