J'aime la forme littéraire de la nouvelle. Un article de presse m'a fait connaître cet auteur et ce recueil publié par une maison d'édition localisée près de Niort. le titre du recueil (‘Nouvelles d'un vaste monde') et la proximité de la maison d'édition (j'habite La Rochelle) ont attisé ma curiosité et je n'ai pas été déçue. Les 13 nouvelles se suivent et ne se ressemblent pas : elles se situent à des époques différentes et dans divers pays. Certaines sont très courtes, la narration peut être à la 1ère ou à la 3ème personne. L'écriture est enlevée, mais les univers créés sont variés : toujours de l'angoisse, mais parfois teintée d'un humour assez noir ou parfois même plus horrifique. Les personnages sont prisonniers de leurs sentiments, mais aussi de leurs pulsions, je dirais tout simplement de leur condition d'être humain. Difficile de classer ces textes qui m'ont fait un peu penser à Poe ou à Maupassant : le mot « fantastique » s'impose naturellement, mais il n'est pas suffisant. Parallèlement aux récits, il y a une réflexion sur l'écriture elle-même. Un point commun à ces nouvelles : je trouve que les chutes sont étonnantes et qu'elles frappent l'esprit. A la fin d'une histoire, il faut toujours un temps pour se lancer dans une autre.
Je n'ai qu'un seul regret : il est dommage que le recueil n'existe qu'en numérique. C'est tellement agréable de prêter « physiquement » un livre qu'on a apprécié.
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Excellent ! Dommage que la version papier n'existe pas !
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Chez moi, tout a sa place. Je suis un maniaque, il ne faut pas perturber ce monde qui est le mien. Je possède une petite étagère qui me sert de bibliothèque. J'y entrepose une quinzaine de livres, guère plus, dont je ne peux ni ne pourrais jamais me séparer. Tout ce que je n'ai jamais su écrire, d'autres l'ont fait. [...] Parfois je fixe l'étagère et je me dis que l'addition de mes angoisses, de mes perceptions et de tout ce que mon esprit a englobé représente bien peu de choses. Il s'agit probablement d'un sentiment de finitude égal à celui du bagnard remis en liberté et dont les affaires personnelles logent dans une seule boîte à chaussures [...] Je regarde ces livres. Je les fixe un à un en essayant de ressentir l'infini que chacun contient. Les infinis s'additionnent, se figent les uns après les autres. Je globalise l'ensemble qui se trouve fini, déterminé. Cet immense empaquetage achevé, je songe encore quelques instants.
Je m'extirpe ensuite de cette méditation et je sors prendre l'air.
Extrait de "Le portrait"
Dans la solitude j'étais le plus courtois des hommes ; en société, par contre, je perdais un peu de mon savoir-vivre, je me renfrognais et on devait probablement me juger taciturne, sauvage, cassant même. Je n'aimais rien moins que les conseils des autres et leurs putains de règles de vie citoyennes. Finalement, j'ai toujours été un sacré prétentieux : je pensais que sa propre grandeur se quantifie par le fait même que nul autre que soi ne peut la mesurer ; l'absence d'autrui devenait un prétexte, voire une obligation, à ne pas se relâcher, à cultiver une attitude réservée, réfléchie ; en de nombreuses occasions, c'était comme si j'étais au-dessus de moi, m'observant marcher, regarder ma montre, épier le monde et les activités des autres ; je m'observais observant.
- Le Portrait -
Les jeux d'hiver ne peuvent regrouper que des pays de montagnes, de neige, de marques prestigieuses d'après-ski, de sports de glisse pour riches et de Santa Klaus obèses... Pas d'Amérique latine, pas d'Afrique, pas de pays arabo-musulmans, pas d'Iran, pas d'Asie du Sud-Est. Que des nations grasses, propres, supérieures et enneigées. J'avais entendu au journal télévisé que les Afghans aussi vivent dans un pays montagneux et qu'ils connaissent un hiver terrible. J'ai vu leurs montagnes, toutes desséchées, maigres, cisaillant à l'horizon un ciel terreux. Pas des montagnes pour les jeux, pas assez souriantes, pas assez fraîches, pas assez insouciantes. Derrière le président, quelques connasses de l'équipe de ski agitent les mains et leurs dents blanches. Leur humanité est la plus humaine. Elles portent de magnifiques parkas claires, leurs yeux brillent de fierté. Elles ont eu raison de naître dans ce pays-ci.
Je me rends à la gare avec un but précis. Pour la première fois depuis longtemps, j'attends quelqu'un. Le train était à l'heure ce jour-là. Il avait en effet dix minutes de retard.
"Le portrait"
Film de Cédric Daly (2021). Voix-off : Christophe Ravet. Texte de David Pascaud. D'après le polar L'affaire DeMerks (Jerkbook Editions).