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EAN : 9782253248309
256 pages
Le Livre de Poche (06/03/2024)
  Existe en édition audio
4.42/5   1385 notes
Résumé :
Quarante ans après la mort de son oncle Désiré, Anthony Passeron décide d'interroger le passé familial. Évoquant l'ascension de ses grands-parents devenus bouchers pendant les Trente Glorieuses, puis le fossé grandissant apparu entre eux et la génération de leurs enfants, il croise deux histoires : celle de l'apparition du sida dans une famille de l'arrière-pays niçois - la sienne - et celle de la lutte contre la maladie dans les hôpitaux français et américains.
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Critiques, Analyses et Avis (299) Voir plus Ajouter une critique
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°°° Rentrée littéraire 2022 # 8 °°°

« Sans doute que ça a commencé comme ça. Dans une commune qui décline lentement, au début des années 1980. Des gosses qu'on retrouve évanouis en pleine journée dans la rue. On a d'abord cru à des gueules de bois, des comas éthyliques ou des excès de joints. Rien de plus grave que chez leurs aînés. Et puis on s'est rendu compte que cela n'avait rien à voir avec l'herbe ou l'alcool. Ces enfants endormis avaient les yeux révulsés, une manche relevée, une seringue plantée au creux du bras. Ils étaient particulièrement difficiles à réveiller. Les claques et les seaux d'eau froide ne suffisaient plus. On se mettait à plusieurs pour les porter jusque chez leurs parents qui comptaient sur la discrétion de chacun. »

Un de ces enfants endormis, c'est Désiré, l'oncle de l'auteur, héroïnomane mort du sida en 1987, contaminé après un partage de seringue. Anthony Passeron n'en garde qu'un souvenir sepia très lointain que réactivent quelques bobines en Super 8. Une tragédie dont la famille s'est difficilement relevée. Son récit est une enquête familiale qui tente de rembobiner le fil d'une vie brisée presque occultée par l'omerta d'un clan soucieux de préserver respectabilité et notabilité dans une petite-ville de l'arrière-pays niçois. La vérité a été confisquée, entre déni et ignorance, Désiré étant officiellement décédé d'une embolie pulmonaire.

« Ce livre est l'ultime tentative que quelque chose subsiste. Il mêle des souvenirs, des confessions incomplètes et des reconstitutions documentées. Il est le fruit de leur silence. J'ai voulu raconter ce que notre famille, comme tant d'autres, a traversé dans une solitude absolue. Mais comment poser mes mots sur leur histoire sans les en déposséder ? Comment parler à leur place sans que mon point de vue, mes obsessions ne supplantent les leurs ? Ces questions m'ont longtemps empêché de me mettre au travail. Jusqu'à ce que je prenne conscience qu'écrire, c'était la seule solution pour que l'histoire de mon oncle, l'histoire de ma famille, ne disparaissent avec eux, avec le village. Pour leur montrer que la vie de Désiré s'était inscrite dans le chaos du monde, un chaos de faits historiques, géographiques et sociaux. Et les aider à se défaire de la peine, à sortir de la solitude dans laquelle le chagrin et la honte les avaient plongés. »

Pour inscrire l'histoire de Désiré dans le chaos du monde des années 1980, Anthony Passeron fait le choix pertinent d'une construction narrative alternant chapitres familiaux au plus près de l'intime et chapitres récapitulant l'histoire de lutte contre le sida. Ces derniers sont absolument passionnants, clairs, instructifs, relatant comme une course contre la montre la découverte du virus par les professeurs Montagnier, Barré-Sinoussi, Brun-Vézinet et Rozenbaum ( entre autres ), la bataille des brevets pour les traitements AZT puis bithérapie puis trithérapie entre laboratoires français et américains, relatant parfaitement les espoirs déçus et les petites victoires.

Les chapitres familiaux incarnent L Histoire avec un ton remarquablement juste, infusé d'un souffle pudique qui laisse à affleurer une émotion bouleversante sans spectaculaire clignotant ni pathos voyeuriste. Les mots de l'auteur font ressentir de façon très sensible tous les chamboulements entraînés par le sida, maladie tabou, emprisonnée dans une vision morale, accolée à la notion d'un péché pour avoir eu des relations homosexuelles, s'être drogué par intraveineuse ou avoir une sexualité trop libre. Il y a des malades plus «  coupables » que d'autres, et ceux du sida, même dans les hôpitaux où ils étaient soignés en fin de vie suscitaient le dégoût et peu de compassion, mis à l'écart.

Même schéma dans les familles où la honte a tout submergé. le personnage de la mère de Désiré, Louise ( la grand-mère de l'auteur donc ) est très intéressant : elle pique des colères folles lorsqu'on lui dit que son fils est héroïnomane et séropositif, elle qui a si durement acquis une notabilité en épousant un fils de boucher, elle l'étrangère, l'Italienne qui a fui le fascisme et a été stigmatisée par la pauvreté et la xénophobie. Jamais l'auteur ne juge sa famille usée par le silence et le déni, toujours il enveloppe son récit d'empathie et d'humanité.

Un superbe roman, important, qui offre une sépulture de mots à la fois digne et puissante à tous les Désirés du monde. On le quitte difficilement, terriblement émus.
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Pour son premier roman, couronné du prix Première Plume 2022, Anthony Passeron raconte l'apparition du SIDA en France dans les années 80, tout en brisant le tabou familial concernant le décès de son oncle.

Tout débute en 1981, lorsque des chercheurs américains et français observent l'émergence d'une étrange pathologie qui semble surtout frapper la communauté homosexuelle. Dans un petit village reculé de l'arrière-pays niçois, loin des préoccupations scientifiques relatives à l'apparition de ce « cancer gay », c'est l'ennui qui commence à faire des victimes parmi les plus jeunes. Il n'est en effet pas rare d'y retrouver des « enfants endormis » dans les rues, le regard comateux, une seringue vide plantée au creux du bras. Parmi ces héroïnomanes qui n'hésitent pas encore un seul instant à partager leurs seringues, Désiré, l'oncle d'Anthony Passeron

Au fil de chapitres très courts, l'auteur alterne deux récits qui se font brillamment écho. La petite histoire, reconstituant celle de sa propre famille, touche à l'intime, tandis que la grande revient sur le combat de la communauté scientifique à l'échelle mondiale. Deux batailles dévastatrices contre un adversaire féroce dont on ignore encore le nom…

C'est au détour de souvenirs retrouvés dans une boîte à chaussures et quarante ans après les faits qu'Anthony Passeron tente de lever le voile sur la mort de cet oncle que personne n'évoque. Plongeant au coeur de cette famille taiseuse, ayant emmuré cette tragédie dans le silence, l'auteur livre un regard plein de justesse sur une époque où la méconnaissance du virus était inévitablement synonyme d'exclusion, d'isolement et de stigmatisation. Des familles submergées par la honte à la mise à l'écart de la société de ces séropositifs traités comme des pestiférés, en passant par l'angoisse relative à la méconnaissance totale de ce virus, Anthony Passeron montre l'impact de ce fléau à hauteur d'homme… celle de son oncle et de sa propre famille.

En parallèle à cette histoire familiale très intimiste, l'auteur nous plonge également au coeur d'un récit qui tient presque du thriller en relatant la course contre la montre menée par les médecins, les immunologistes, les infectiologues et les virologues des deux côtés de l'Atlantique afin de débusquer ce tueur en série qui fera plus de 36 millions en quarante ans. Des premières victimes du virus constatées par des médecins français en 1981 au prix Nobel de médecine qui ne récompensera que deux d'entre eux en 2008, en passant par les premiers essais de dépistage, le scandale du sang contaminé, les fausses pistes thérapeutiques et la guerre des brevets, Anthony Passeron ne manque pas de passionner le lecteur en revenant sur cette traque visant à trouver et à éradiquer ce virus impitoyable qui s'attaque à notre système immunitaire.

Un premier roman intime et passionnant qui, à l'instar de « Over the Rainbow » de Constance Joly, revient avec beaucoup de justesse et suffisamment de recul sur les années SIDA.
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Le sommeil de l'injustice.

Au détour de souvenirs retrouvés dans une boîte à chaussures, Anthony Passeron reconstitue
l'histoire de sa propre famille, notamment celle d'un oncle dont on ne parle qu'à demi-mots.
Une reconstitution familiale bouleversante autour du SIDA dans les années 80.

Maladie sulfureuse et honteuse du fait de son principal mode de transmission d'ordre sexuel,
soumise à l'opprobre morale car elle concernait au départ en majorité des homosexuels, elle revêt ici une dimension supplémentaire dans l'infamie : la culpabilité. On l'oublie parfois, mais le SIDA a fait aussi des ravages chez les personnes toxicomanes par l'échange des seringues, coupables de se droguer.

Son enquête le mènera à découvrir ce que pouvait représenter un toxico dans une famille de
commerçants d'une petite ville de province que tout le monde connaît. Un aspect social aussi abordé concernant la transformation économique de l'abandon des petits commerces au profit de la grande distribution.

Mais au-delà de la partie intime, l'auteur met en relief l'histoire même de la maladie à travers la
découverte du virus, la guerre des laboratoires, le scandale du sang contaminé, la mort de Rock
Hudson, ou encore les essais balbutiants des premières thérapies. Des souvenirs qui parlent à
beaucoup d'entre nous et que d'autres découvriront souvent avec circonspection.

La narration est tendue jusqu'à son dénouement, car en alternant les chapitres dans un cadre
familial et ceux dans un cadre scientifique ou politique, Anthony Passeron entretient l'espoir de
rédemption et de sauvetage de ces victimes.

Même sans le souffle romanesque de la fiction, ce livre vous étreint d'une émotion à fleur de peau qui ne vous quitte pas en abordant le SIDA de façon à la fois globale et intime.
Ces enfants endormis ne se réveilleront pas : l'héroïne, le SIDA, la fin d'une époque aussi auront raison de leurs espoirs avant qu'une nouvelle vie prenne place.

Un livre original que je défendrais en librairie car je suis sûr que vous aurez du mal à le refermer avant de l'avoir terminé.
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J'ai eu beaucoup de mal à terminer ce livre, je n'y voyais plus rien à travers mes larmes. Pourtant, je n'ai pas la larme facile.
Mais là, sur les dernières pages, j'ai été fauchée par Anthony Passeron avec son style distant, sans pathos, au sujet des années Sida dans les années 1980, quand les scientifiques ne savaient pas grand-chose de cette maladie. le sida apparaissait comme une justice divine pour certains pour punir les dépravés, les renégats de la société, les homosexuels et les drogués. À l'époque certains médecins refusaient de soigner les malades, ceux qui le faisaient étaient parfois incités à partir de leurs hôpitaux, personne ne voulait accueillir leurs patients pestiférés.
Le Sida a clairement marqué mon adolescence, l'insouciance c'était fini, on nous a martelé l'importance de « sortir couvert », je me souviens d'Hervé Guibert, du film « Les nuits fauves ». Mais tout ce que raconte Anthony Passeron, je l'avais un peu oublié ; les multiples atermoiements et embuches auxquels se sont heurtés les chercheurs, les répercussions terribles au sein des familles.
La drogue et le sida ont fait exploser la cellule familiale construite par les grands-parents de l'auteur, Louise et Émile. Ils ont travaillé dur toute leur vie dans l'arrière-pays niçois pour offrir un avenir sans nuage à leurs enfants. Leur fils aîné, le préféré, nommé Désiré comme son grand-père, fait leur fierté, il est le premier à faire des études. Mais Désiré s'ennuie ferme dans son petit village au sein de l'étude notariale dans laquelle il a son premier emploi, il rêve de liberté, de voyager. Un beau jour, il pique l'argent dans la caisse de la boucherie parentale et part à Amsterdam.
Il y aura un avant et un après Amsterdam, car pendant son séjour, Désiré découvre l'héroïne et ne va plus jamais la lâcher. Les déflagrations sur la cellule familiale sont terribles entre le déni et les coups de colère de Louise, et le mutisme d'Émile qui se tue à la tâche pour oublier les malheurs de son fils.
Le récit d'Anthony Passeron est extrêmement pudique, il raconte avec une grande simplicité le séisme familial provoqué par la lente descente aux enfers de son oncle Désiré.
Les chapitres alternent les trop lentes découvertes scientifiques et les rapides dégradations de la santé de Désiré.
Coup de coeur pour la plume fluide, sobre, sans fioritures de l'auteur qui exprime ses sentiments tout en retenue sans jugement, la tendresse et l'amour affleurent. Dans cette famille dans laquelle on ne dit pas je t'aime, les actes remplacent alors les paroles. Je ressors de cette trop courte lecture bouleversée et conquise…
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Enfant, Anthony Passeron a vu mourir du sida son oncle, sa tante et sa cousine, née séropositive. Depuis, cela fait plus de trente ans que sa famille vit repliée dans le silence du déni et de la honte. Alors, décidé à mettre des mots sur ces vies pour les rendre à la lumière, il entreprend de reconstituer leur histoire, entremêlant son récit d'une rétrospective, soigneusement documentée, du combat des chercheurs pour identifier, puis vaincre le virus.


« Les archives familiales ont censuré la fin de sa vie. Tout ce qui se dirait désormais, c'est qu'il est mort un matin d'avril 1987 d'une embolie pulmonaire. » Désiré, l'oncle de l'auteur, était le fils aîné d'un couple de petits commerçants, enrichis à la force du poignet et devenus les notables d'un village de l'arrière-pays niçois. Lui qui aimait la fête et les copains goûta à l'héroïne lors d'un voyage à Amsterdam. Ce fut le début d'une addiction dont le jeune homme ne put jamais se défaire, et qui, en ces années quatre-vingts où l'usage des seringues ne faisait l'objet d'aucune précaution, devait précéder l'apparition d'étranges symptômes, alors inexplicables. Leur fils ayant rejoint les rangs de ces « enfants endormis » retrouvés défoncés au petit matin dans la rue, les parents déjà frappés de stupeur par ce qui signifiait pour eux une incompréhensible et honteuse déchéance, resteraient à jamais stigmatisés, par-delà le chagrin, par la marque d'infamie portée à cette époque par le sida, et tenteraient longtemps de se réfugier dans le déni et dans la préservation des apparences.


Alors qu'à la souffrance et au désarroi des malades, pestiférés suspendus aux tâtonnements de la recherche, répond la détresse de leurs proches – combative, taiseuse ou colérique, terrorisée chez l'auteur enfant – face à l'atroce avancée de la maladie et de la mort, rien mieux que l'histoire de cette famille meurtrie dans sa chair ne pouvait souligner les terribles enjeux de l'interminable course contre la montre livrée par les chercheurs. Depuis plus de quarante ans que l'on a pris conscience de son existence, le virus du sida a tué plus de 36 millions de personnes. La narration qui, en parallèle du récit familial, suit les espoirs, les impasses et les rivalités qui jalonnent les progrès de la recherche contre le sida, est aussi un hommage à la ténacité des hommes et des femmes engagés dans ce combat longtemps déconsidéré, souvent décourageant, mais qui suscite ces mots bouleversants : « ‘'Merci.'' La jeune femme est déconcertée : ‘'Mais pourquoi ? On n'a pas réussi à vous sauver.‘' Les yeux mi-clos, entre deux mondes, le moribond trouve encore la force de répondre : ''Pas pour moi. Pour les autres.'' »


Un très beau livre, sensible et touchant, qui restitue parole et dignité à tous ces malades morts en parias et à leurs proches traumatisés par l'infamie d'une maladie longtemps jugée honteuse. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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critiques presse (8)
LeSoir
17 avril 2023
Le romancier succède à Mario Alonso au palmarès du prix Première avec son roman « Les enfants endormis ».
Lire la critique sur le site : LeSoir
LeSoir
17 avril 2023
Récompensé du prix Première, « Les enfants endormis » raconte les premières années de l’épidémie de sida à travers l’histoire d’une famille d’un village isolé du sud de la France, soudain tragiquement relié au monde.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Culturebox
06 janvier 2023
Dans la lignée d'Annie Ernaux ou de Didier Éribon, ce primo-romancier de grand talent entremêle enquête sociologique et histoire intime rendant ainsi hommage aux premières victimes du sida et aux chercheurs pressés par le temps. [...] Un essai poignant qu’aucun lecteur ne peut oublier une fois refermé.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LaLibreBelgique
02 janvier 2023
Anthony Passeron retrace l’histoire de son oncle, emporté dans les années 90, alors que les chercheurs tentaient d’identifier et de contrer ce nouveau virus.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Culturebox
29 septembre 2022
Un ouvrage passionnant à mi-chemin entre l'enquête sociologique et le récit intime porté par une langue à nul autre pareil. Ce qui ne gâche rien !
Lire la critique sur le site : Culturebox
Elle
09 septembre 2022
Anthony Passeron renverse la rentrée avec ce récit intime et sociologique d’une famille aux premiers temps du sida.
Lire la critique sur le site : Elle
LeFigaro
08 septembre 2022
Dans ce premier roman l’auteur raconte l’apparition du sida en France en mêlant récit familial et enquête sociologique. Un livre magistral.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LesInrocks
29 août 2022
Un récit intime qui rejoint les prémices de la lutte contre le sida.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (179) Voir plus Ajouter une citation
Pour déchirer le mutisme dans lequel nous avions sombré, j'interrogeais mon père sur la fonction d'un voyant sur le tableau de bord ou sur le nom d'un village qui scintillait au loin. Ses phrases s'allongeaient au fur et à mesure des questions. Il nous expliquait le fonctionnement d'une voiture et finissait par raconter ses souvenirs de jeunesse lorsqu'il accompagnait son père dans ses tournées en camion. Ses mots nous réchauffaient. Nous l'écoutions, le visage appuyé contre la vitre. Ce genre de discussion était notre manière de reprendre le contact, de regagner l'ordinaire de la vie après nous être confrontés à quelque chose qui ressemblait terriblement à la mort.
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Le 3 octobre 2014, un article collectif est publié dans la revue Science. Une équipe internationale, dirigée par Nuno Faria de l’université d’Oxford, affirme être parvenue à retracer l’origine historique et géographique de l’épidémie de sida.
On savait depuis plusieurs années que le VIH était une forme de virus ayant migré des grands singes vers l’espèce humaine, probablement au cours d’un accident de chasse ou directement lors d’une consommation de viande, quelque part au sud-est du Cameroun. C’est à partir de cette région que les chercheurs ont commencé à suivre son trajet.
Ils ont séquencé les virus contenus dans des centaines de prélèvements effectués dans cette grande région d’Afrique au cours du XXe siècle, et conservés dans un laboratoire du Nouveau-Mexique. Ainsi, ils ont pu suivre à la fois l’évolution génétique du VIH et ses déplacements géographiques. Dans les années 1920, un premier sujet contaminé se serait rendu du Cameroun à Kinshasa, au Congo. La maladie se serait ensuite progressivement diffusée dans les grandes villes voisines, comme Brazzaville, Bwamanda et Kisangani, aidée en cela par le développement de l’urbanisation, l’essor des transports et les campagnes de vaccination coloniales. La forte présence de travailleurs haïtiens dans cette région de l’Afrique au cours des années 1960 explique probablement comment le virus a traversé l’Atlantique et permet enfin de comprendre pourquoi cette population était particulièrement représentée parmi les premiers cas observés au début des années 1980.
Au jour de la publication de ce travail gigantesque, le sida avait déjà fait plus de 36 millions de victimes à travers le monde.
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Au cours de l'année 1982, le nombre de malades diagnostiqués en France progresse. Willy Rozenbaum a trouvé un poste à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, où il peut de nouveau recevoir ses patients. Aucun d'entre eux ne voit son état s'améliorer. Les décès s'accumulent.
L'infectiologue est habitué à côtoyer la mort, mais dans le cas de cette maladie, la condamnation des patients est double : une mort physique et aussi sociale. Les articles de presse, les reportages de télévision sur la maladie ont propagé la peur dans la population. Les proches sont rares au chevet des malades, qui sont réduits à leur homosexualité, leur toxicomanie, la plupart d'entre eux n'ayant plus que de rares médecins comme interlocuteurs.

Page 49, Globe 2022.
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J'ai voulu raconter ce que notre famille, comme tant d'autres, a traversé dans une solitude absolue. Mais comment poser mes mots sur leur histoire sans les en déposséder ? Comment parler à leur place sans que mon point de vue, mes obsessions ne supplantent les leurs ? Ces questions m'ont longtemps empêché de me mettre au travail. Jusqu'à ce que je prenne conscience qu'écrire, c'était la seule solution pour que l'histoire de mon oncle, l'histoire de ma famille ne disparaissent pas avec eux, avec le village. Pour leur montrer que la vie de Désiré s'était inscrite dans le chaos du monde, un chaos de faits historiques, géographiques et sociaux. Et les aider à se défaire de la peine, à sortir de la solitude dans laquelle le chagrin et la honte les avaient plongés.
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Sans doute que ça a commencé comme ça. Dans une commune qui décline lentement, au début des années 1980. Des gosses qu'on retrouve évanouis en pleine journée dans la rue. On a d'abord cru à des gueules de bois, des comas éthyliques ou des excès de joints. Rien de plus grave que chez leurs aînés. Et puis on s'est rendu compte que cela n'avait rien à voir avec l'herbe ou l'alcool. Ces enfants endormis avaient les yeux révulsés, une manche relevée, une seringue plantée au creux du bras. Ils étaient particulièrement difficiles à réveiller. Les claques et les seaux d'eau froide ne suffisaient plus. On se mettait alors à plusieurs pour les porter jusque chez leurs parents qui comptaient sur la discrétion de chacun.

Page 75, Globe 2022.
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Videos de Anthony Passeron (20) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Anthony Passeron
Découvrez le lauréat du Prix Première Plume 2022, Anthony Passeron pour son roman "Les enfants endormis" publié aux éditions du Globe. https://www.furet.com/livres/les-enfants-endormis-anthony-passeron-9782383611202.html
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