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sur 485 notes
Ce petit essai est si passionnant et si nécéssaire qu'il devrait atterrir entre les mains de tous. Car dès lors que l'on possède un téléphone portable, un accès internet et au moins un compte chez l'un ou l'autre des mastodontes GAFA alors ce livre devient d'autant plus urgent à lire.

Bruno Patino nous explique de façon claire et concise tout ce qui se cache derrière la notion d'économie de l'attention dont nous, malheureux utilisateurs, ne savent presque rien alors que c'est le fer de lance des géants de l'internet. Notre dépendance aux écrans est le résultat d'un système bien huilé… On apprend que leur modèle publicitaire est entièrement fondé l'attention des utilisateurs. Plus nous sommes sollicité, plus nous passons du temps sur nos écrans, et plus nous passons du temps sur nos écran et plus nous rapportons de l'argent aux gafa (et autres plateformes). Donc peu à peu, l'outil qui devait au départ être un moyen de partage de connaissances, de savoirs, de communication, d'échanges est devenu progressivement gangréné par l'irruption du capitalisme.
Tout est fait, et des équipes travaillent tout particulièrement à cela, pour vampiriser notre « temps de cerveau » disponible. Et cette capitalisation sur notre attention est rendue d'autant plus possible que le téléphone portable, contrairement à la télévision, est en permanence à portée de main, ainsi nous pouvons rogner sans difficulté sur nos autres « temps »: temps d'étude, temps de repos, temps de famille, temps de couple et j'en passe. Grâce notamment à un merveilleux système appelé notifications ! Procédé insidieux et sournois alimentant la dépendance. Mais il y a plus vicieux encore : le "scrolling", comprenez le fait de défiler. Défiler dans un fil d'actu, défiler dans des "news", défiler encore et encore parce que les géants se sont rendus compte que ce phénomène alimentait le circuit de récompense du cerveau en insufflant comme des shoot de dopamine. Il faut défiler encore et encore parmi des infos toujours plus courtes (souvent seulement une phrase) car c'est justement la limite du temps d'attention de l'utilisateur dont se sont rendus compte les géants (où l'ont-ils provoqué ? comme la théories de l'oeuf et la poule...)

Ce modèle a également profondément changé la nature même des « échanges » sur internet ; course aux like et à la visibilité, normalisation de la haine, de l'injure, de la désinformation, du sensationnalisme et du complotisme. Toutes ces dérives qui deviennent la norme car profitable au modèle économique des plateformes et qui par conséquent, et malheureusement, modifient aussi le comportements des utilisateurs… Et engendrent également toutes les conséquences psychologiques que l'on connait : stress, dépression, anxiété, narcissisme, « fomo » etc. Sans parler des médias qui peu à peu ont pris les codes des plateformes et d'internet s'engageant une course permanente au buzz, une info en chassant l'autre et provoquant une l'hystérisation du débat publique, l'absence de mesure et l'intolérance, bref le ruissellement des conséquences de ce système pourrait faire l'objet d'un livre entier.

J'ai été sincèrement effarée de lire tout ce que je constatais depuis plusieurs années mais sans pouvoir en comprendre ni les liens et ni les causes. Cela fait quelque temps maintenant que je questionne ma propre utilisation d'internet, des réseaux et de mon téléphone, beaucoup de choses me mettaient de plus en plus mal à l'aise et puis au fur et à mesure j'ai changé mon rapport à tout ça, sans pour autant que les questions ne quittent mon esprit. Ce livre m'a apporté beaucoup de réponses.
Ma critique n'est qu'un piètre tableau de cet essai, car Bruno Patino aborde beaucoup d'aspects de ce marché de l'attention, de ses origines et de ses dérives, il le fait de façon très claire surtout très étayée. Et il ne se laisse pas aller à la démagogie ni au pessimisme, il croit encore au rêve qu'avaient les pionniers d'internet, et à la fin de l'ouvrage nous propose quelques solutions pour essayer de s'en sortir.
Bref j'encourage vraiment vivement tout un chacun à lire ce livre afin de prendre pleinement conscience de cette réalité et de s'armer des outils intellectuels qui nous permettront à nous, utilisateurs/internaute/usagers, d'être les maitres éclairés de notre utilisation.
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Les études le montrent : « La capacité d'attention de la génération des millenials, est de 9 secondes. Au-delà, son cerveau décroche. Il lui faut un nouveau stimulus, un nouveau signal, une nouvelle alerte, une autre recommandation. Dès la dixième seconde. Soit à peine une seconde de plus que le poison rouge ». Et ne nous leurrons pas : le phénomène tend à se généraliser, créant une addiction nouvelle, une « servitude numérique » qui ne touche pas que les jeunes. Ainsi « tel le poisson, nous pensons découvrir un univers à chaque moment, sans nous rendre compte de l'infernale répétition dans laquelle nous enferment les interfaces numériques auxquelles nous avons confié notre ressource la plus précieuse : le temps ». Ce constat de l'auteur, qui avoue être lui-même « dépendant des signaux qui encombrent l'écran de mon téléphone » est saisissant car on réalise qu'effectivement, personne ne peut se targuer d'avoir échappé au grignotement progressif des sollicitations numériques (« L'existence sur smartphone est une vie par procuration dont la clé de voûte est la peur de disparaître sans le regard et les jugements électroniques des autres »)…

Plus saisissante encore, la partie expliquant les manipulations du « capitalisme numérique » pour mieux nous enferrer. Une méthode directement inspirée des casinos, « qui sont pensés pour produire une servitude psychologique entièrement construite sur la dépendance qu'engendre la récompense aléatoire » (elle-même démontrée sur des souris de laboratoire : si l'animal comprend qu'à chaque activation, le levier procure de la nourriture, il arrête de l'actionner, rassuré ; si la délivrance est aléatoire, la souris appuie beaucoup plus souvent pour s'assurer d'obtenir sa récompense…). Ainsi, « le bric-à-brac désordonné des fils Twitter, de la timeline de Facebook, où ce que l'on peut trouver va du sublime au minable, de l'utile au dérisoire, du sérieux au ridicule, produit l'effet d'une machine à sous qui délivre tantôt 5 centimes, tantôt 100 000 euros ». Les algorithmes qui régissent les réseaux sociaux sont donc paramétrés de façon à entretenir le caractère aléatoire des résultats afin que l'utilisateur reste « accro ». de même sur Netflix, « ce qui compte n'est pas la qualité de la série, mais la frustration liée au visionnage incomplet. L'enchaînement des vidéos vise à ne pas interrompre la dépendance par d'autres sollicitations ». Autant d'exemples édifiants qui nous ont tous concernés un jour ou l'autre et qui font froid dans le dos (« Ce confort, agréable dans un premier temps, devient vite nécessaire, et prend le pas sur la zone de contrôle du cerveau »)… L'effet de cette « captologie » (l'art de capter l'attention de l'utilisateur, que ce dernier le veuille ou non) est bien sûr dévastateur sur la psychologie humaine, surtout chez les plus jeunes dont il profite des faiblesses (« Chez les enfants, la capacité à effectuer un choix raisonné qui ne succombe pas à la tentation immédiate n'est pas encore totalement formée »). Notre vie culturelle et intellectuelle est devenue « stroboscopique » : nos parcours et nos décisions sont guidés non pas par nos choix raisonnés (comme on le suppose) mais bien par des algorithmes, et « les suivre aveuglément en croyant à leur promesse d'optimisation a fait de nous des somnambules ». Pire, ils nous emprisonnent dans une « bulle d'informations », nous enferment dans notre propre vision du monde et « nous endoctrinent avec notre propre opinion » en affichant en priorité des données (et des contacts) allant dans le sens de ce que (ou qui) nous sommes habitués à regarder (au lieu de nous ouvrir à de nouvelles possibilités).

La seconde partie, axée sur l'information, m'a moins enthousiasmée (beaucoup de références, de notions, de désignations techniques en anglais), même si les propos sont très justes. L'auteur évoque à la fois la multiplication des sources depuis le numérique et l'influence du contexte de réception (il fait notamment référence à l'anecdote du lancement de la guerre des mondes par Orson Welles) qui font qu'il est devenu bien difficile de distinguer les vraies des fausses nouvelles (« la polyphonie numérique » et « l'incertitude globale »). Il analyse les conséquences d'un monde inondé par les « pseudo-événements » fabriqués par l'industrie du spectacle, du divertissement et des médias qui mettent en avant « une personne célèbre à cause de sa célébrité » : le choc émotionnel provoqué possède « un potentiel viral » important (puisqu'il sera « partagé, commenté, recopié ») et donc une grande valeur économique dans un modèle fondé... sur la publicité. Il est en effet dépité de voir que désormais, « moins on sait, plus on affirme, et plus on affirme, plus on est visible sur les réseaux »…

Dans cet embrouillamini d'informations, quid de la presse ? Autrefois média principal (pour ne pas dire unique), descendant (du journaliste au lecteur), avéré (faits vérifiés), elle est aujourd'hui dénaturée, noyée dans le flot quotidien des « opinions, enquêtes, erreurs, mensonges, témoignages, canulars, calomnies, communiqués » balancés pêle-mêle. Soyons honnêtes : sur les réseaux, la presse se fait déborder de façon permanente (« en nombre comme en intensité de messages, elle ne peut lutter ») et a perdu son monopole. Les organisations journalistiques, les citoyens et les interfaces de distribution forment désormais un cercle aux relations complexes. L'objectif majeur n'est plus l'authenticité mais la performance (« les histoires les plus regardées ») et la préférence (« celles qui sont les plus appréciées »).

Dès lors, comment agir ? Bruno Patino propose deux pistes, insuffisamment développée selon moi : tout d'abord, la « désintoxication technologique » (« Il s'agira d'avoir non plus accès à la connexion, mais à la déconnexion », comme le traite si bien Loïc le Borgne dans son roman jeunesse le garçon qui savait tout soit dit en passant). Cependant il n'est pas question de renoncer aux extraordinaires potentialités de la société numérique qui rend accessible à tous connaissances et culture : « Il nous faut simplement comprendre que la liberté s'exerce dans la maîtrise » et surtout former les jeunes (et les moins jeunes...) à sa bonne utilisation afin de lutter contre « ces humains au regard hypnotique, enchaînés à leurs écrans, qui ne savent plus regarder vers le haut » ni autour d'eux, bref jouir de la vraie vie.
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La civilisation du poisson rouge : 9 secondes d'attention, et pas 1 seconde à perdre

Vous lisez assurément cet article sur un écran. Serez-vous troublé par une notification pendant votre lecture ? À coup sûr. Vous allez vous perdre dans les méandres des stories, tweets et messages, autant de stimuli qui viendront vous distraire, sans que vous réalisiez la perte de contrôle… Une impression de déjà vécu ? Normal, vous tournez en rond dans le bocal digital, les yeux ronds et hagards. C’est du moins l’alerte lancée par l’ouvrage de Bruno Patino, spécialiste des médias et des questions numériques, dans son pamphlet contre la monopolisation de notre attention par les écrans.

Le constat est sans appel, et manquerait parfois de nuances : les écrans sont paramétrés par tout un système économique annihilant le libre-arbitre des individus, devenus hommes-machines, dont le smartphone est désormais prothèse. Si cette métamorphose aux accents transhumanistes semble belle et bien accomplie, notre sens critique est-il à ce point nécrosé ? Les dérives doivent être évoquées, et ce livre les énumère habillement. Mais qu’en est-il vraiment des alternatives ? Sur cette question, l’auteur nous laisse sur notre faim.

Bien entendu, les écrans publicitaires qui polluent rues, gares et autres lieux de passage sont le fruit d’un capitalisme agressif, visuellement parlant ! Nous n’avons aucun pouvoir sur ces messages, et c’est bien là le problème : nous les subissons. L’auteur aurait sans doute dû distinguer de manière plus franche les écrans dits subis, que nous ne pouvons éviter qu’en fermant les yeux ou en détournant la tête, et les écrans dits suggérés. Explications : rien ne vous oblige à regarder dix fois votre téléphone dans l’heure. Vous pouvez déjà le paramétrer afin que les notifications n’apparaissent pas (ce que vous avez fait bien évidemment avant de lire cette chronique !).

Peut-être aurait-il été judicieux d’élaborer une typologie des écrans selon leur contenu, distinguer les visées informatives et argumentatives des intentions purement divertissantes. Pour exemple, un tutoriel vidéo en vue de diffuser une information efficacement au sein d’une entreprise n’a pas la même visée qu’une série de stories sur Instagram énumérant chacune de vos activités quotidiennes… Dans cet ouvrage, l’accent est mis sur les effets pernicieux des réseaux sociaux ce qui, en soi, représente une ligne éditoriale clairement identifiée, mais cloisonne quelque peu le propos.

L’auteur n’est ni moralisateur, ni inquisiteur : il a choisi un ton bienveillant, invitant subtilement à se concentrer de nouveau sur les plaisirs qui nécessitent un temps long et à soi, comme la lecture. Bruno Patino est d’ailleurs un lecteur aguerri, en témoignent entre autre ses références littéraires à Faulkner, Huxley et Philip K.Dick. Rappelons aussi qu’en Italie, le propriétaire de la librairie Barium semble avoir adopté la même technique en offrant un livre gratuit contre une heure sans smartphone ! Tout au long de l’ouvrage, aucun utilisateur des nouvelles technologies ne se sent personnellement pointé du doigt (il aurait été dommage de vexer un lectorat nomophobe !). On regretterait presque un vocabulaire un peu plus caustique, qui conduirait chacun et chacune à se positionner et à se responsabiliser en ce qui concerne son rapport aux écrans.

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"La Civilisation du poisson rouge" est un livre qui surfe sur notre crainte du numérique. En voulant prouver que notre usage des écrans provoque notre perte cognitive (nous deviendrions des poissons rouges), Bruno Patino fait la démonstration d'un ouvrage confus aux idées mal articulées. Si on devait faire la liste de toutes les erreurs, approximations et fausses informations citées dans son argumentaire, il faudrait bien plus que les 184 pages de l'ouvrage.
Pouvant être citées: 1) la fausse information sur le temps d'attention du poisson rouge qui a déjà fait l'objet d'une contre-information par Jean-François Dortier et la BBC en 2017 ; 2) la liste des pathologies liées au numérique issue d'un design fictionnel du Near Futur Laboratory (groupe de travail sur les évolutions possibles du futur composé d'ethnologues et de designers) et non de médecins comme écrit dans le livre ; 3) l'absence de références bibliographiques qui ne rassure pas sur la fiabilité des sources ; 4) l'amalgame entre attention et mémoire afin de permettre des raccourcis faciles sur le déclin de notre cerveau ; 5) la confusion entre Internet et Web, etc.

"La Civilisation du poisson rouge" est un ouvrage qui, contrairement à son postulat de vouloir démontrer les dérives de l'économie de l'attention, est finalement un symptôme des maux de notre siècle: les fake news et la post-vérité.
A cet ouvrage, le lecteur attentif préféra lire ceux des chercheurs en science de l'information et de la communication qui sont prolixes sur le sujet... et bien plus rigoureux en la matière. Il pourra aussi se reporter sur "Internet rend-il bête?" de Nicholas Carr, un peu daté, mais richement argumenté et documenté.
Lien : http://www.meta-doc.fr/au-ro..
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L'attention, voilà bien un sujet qui méritait un livre de cet acabit. Alors toutes mes félicitations à Bruno Patino qui nous met la tête dans notre .... C'est un essai qui dérange, puisqu'il nous met face à nos propres dérives ... consternant. Et pourtant, tellement réel, cela nous fait froid dans le dos
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Ce livre est un « Petit traité sur le marché de l'attention » et il a été vraiment très intéressant. J'avais vu la publication il y a plus d'un an en grand format et c'est l'arrivée en poche qui m'a décidée à me lancer. Assez court, il est pourtant très percutant.
Un sujet qui m'a intéressé pour plusieurs éléments.
Le premier est ma profession. Je suis enseignante, assez jeune dans le métier, et je constate déjà que le niveau des élèves varie plutôt vers le bas que vers le haut… Vieille rengaine me direz-vous mais cela tend à s'accélérer tout en ayant un potentiel lien à internet.
Le second élément est la mise en situation du problème abordé dans ce traité : la civilisation du poisson rouge, nous donc ?
Et finalement, c'est la thématique des réseaux sociaux et de ses travers qui m'a amenée encore un peu plus vers cet ouvrage. Non pas que je me sente complètement accro mais s'en rend-on vraiment compte ?
Et donc je n'ai pas été déçue. On apprend énormément sur les techniques utilisées par les géants d'internet. le sujet est à la fois technologique et psychologique. Et s'il est assez poussé en termes d'informations, les nombreuses sources de l'auteur sont disponibles en fin de texte pour approfondir les notions en elles-mêmes.
Les trois lectrices en moi ont donc trouvé des réponses à leurs questions.
Les techniques de manipulation de l'attention concernent tous les publics sans exception. Les jeunes ont, cependant, un cerveau encore en formation qui est d'autant plus malléable et accessible à tous les appâts numériques… L'objectif étant de gagner de plus en plus du temps de l'utilisateur : c'est une véritable économie du temps.
L'image du poisson rouge s'impose donc et est très bien résumée par la citation du livre : « le poisson rouge est fait pour vivre en bande, entre vingt et trente ans, et peut atteindre 20 centimètres. le bocal a atrophié l'espèce, en a accéléré la mortalité et détruit la sociabilité. »
On revient alors sur le but premier d'internet qui était de créer un lieu de culture, de libre partage. Et qui s'est peu à peu transformé en une autoroute de « fake news » dont on ne peut plus s'extirper. Cela modifiant notre rapport à la vérité, nous recherchons juste des informations à sensations.
Me concernant, je ne considère pas internet comme une addiction mais les éléments de ce traité montrent tout de même qu'une certaine partie de mon temps est grignoté par les sollicitations d'internet.
C'est donc un livre très intéressant qui permet de se rendre compte du fonctionnement biaisé d'internet. Une utopie presque devenue dystopie. Attention, le texte ne se veut pas anti-internet mais revendique les aspirations premières qui ne correspondent plus du tout à ce qu'une minorité en a fait. L'auteur aborde le thème sous différents aspects : les bulles sociales et informationnelles, le modèle économique des plateformes, les algorithmes d'addiction, l'utilisation des données personnelles, la prolifération des « fake news » et donc la vérité inatteignable.
Un texte qui permet d'avoir une idée sur le sujet et qui permet d'amorcer une réflexion sur ce qui pourrait être changé. On assimile souvent la carpe koï à la sagesse, ici, le poisson rouge permet d'ouvrir la comparaison avec l'aliénation que peut mettre en place certains acteurs d'internet.
Bruno Patino est actuellement directeur d'Arte. Il a donné plusieurs interviews qui permettent d'introduire son propos et mettent en appétit pour son traité.
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Chers lecteurs, utilisateurs d'Instagram, Facebook, Netflix, Tinder et j'en passe : ce livre parle probablement de vous. du moins il parle de la captation de données, de dépendance, du bon vouloir des algorithmes, de durée d'attention limitée. Il parle de la génération Millennials et de son temps de concentration estimé à 9 secondes. Bruno Patino s'intéresse à la façon dont l'évolution du numérique a redessiné les contours de nos interactions sociales et de notre recherche d'infos. Je retiens 3 grands thèmes dans cet essai.


1/ L'addiction à la récompense aléatoire
Exemple typique : Instagram

L'expérience de Skinner montre que lorsqu'on prend l'habitude d'avoir un système de récompense aléatoire (comme le principe de likes sur Instagram), le sujet (vous et moi) plutôt que de se lasser face à ce mécanisme imprévisible, va être attiré par l'appât du 'gain' même minime. Dans l'exemple d'Insta, l'incertitude de la 'gratification' est liée à l'algorithme qui fait passer certaines publications à la trappe puis fait exploser le compteur sur d'autres. le sujet devient comme hypnotisé par cette irrégularité dans la récompense. Cette incertitude est à l'origine de l'acte compulsif qui engendre l'addiction.


2/ Accroître le temps passé via l'aspect de découverte
Exemple : Tinder

Selon Patino, l'algorithme propose à la fois des profils qui correspondent à l'utilisateur ainsi que d'autres moins pertinents de façon plus aléatoire. Encore une fois l'idée est de créer une dépendance à l'usage et d'accroître le temps de consultation du site. Si les résultats étaient trop bien optimisés on gagnerait en pertinence mais on perdrait le côté compulsif. Et surtout, le temps passé serait moindre. Ça vaut bien évidemment pour toutes les plateformes qui intègrent des fonctions “découverte” où l'utilisateur se perd sans voir le temps passer.


3/La satisfaction vs. l'incomplétude
Exemple : Netflix

L'auteur nous dit (je cite) : proposer un ensemble d'actions comme étant liées et devant être enchaînées sans pause, c'est créer de l'incomplétude et pousser le sujet à ne ressentir de la satisfaction qu'à la fin de la série d'actions en lui faisant oublier son libre arbitre lors des différentes étapes. Cela ne vous rappelle-t-il pas Netflix qui donne à peine 5 secondes de répit à la fin d'un épisode avant de passer au suivant ? Là encore l'objectif est d'influer sur les comportements et, via ce principe de complétude, de transformer un usage récurrent en addiction. Netflix soulage gentiment de la fatigue mentale en relevant l'utilisateur de ses fonctions décisionnelles.

•••
C'est un court essai plutôt accessible que je vous recommande si vous n'êtes pas très familier avec les termes suivants : Millennials, FOMO, GAFAM, UX, IA, Machine learning. Nul doute que vous apprendrez plein de choses. C'est riche d'exemples et plutôt simple à lire si le sujet vous intéresse.
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Voilà un essai bien intéressant qui rappelle les points importants de l'histoire et du développement des médias, qui décortique les mécanismes effrayants de l'économie de l'attention et qui, ô joie, propose des pistes de solutions concrètes et sensées pour éviter de basculer dans le pire de l'ère du numérique. A lire et diffuser de toute urgence!
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Globalement intéressant et court, cet ouvrage remet en perspective la question du temps à l'aune du numérique, ainsi que son exploitation commerciale. le propos est parfois ardu mais on comprend en général très bien. Utile donc comme l'est "La fabrique du crétin digital". D'ailleurs, j'en tire les conséquences en rédigeant une critique courte pour limiter mon temps sur le net. :)
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Très court essai.

Où l'on apprend que la capacité d'attention du poisson rouge est de 8 secondes... et que celle des personnes ultra-connectées en permanence est de... 9 secondes.

Un mauvaise nouvelle?

Pour les géants de l'économie numérique, bien au contraire!

L'objectif qu'ils poursuivaient est atteint.
A l'issue de recherches poussées, ils sont parvenus à capter quasiment l'essentiel de notre attention et de notre capacité de concentration.

Glaçant!

Une lecture salutaire?
Une chose est certaine: on ne regarde plus son smartphone de la même façon...
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