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EAN : 9782702138458
334 pages
Calmann-Lévy (03/01/2008)
4.11/5   41 notes
Résumé :
La souffrance des animaux, leur sensibilité d’êtres vivants, est un des plus vieux tabous de l’homme. Dans ce livre iconoclaste – que certains considéreront même comme scandaleux –, mais courageux et novateur, l’historien américain Charles Patterson s’intéresse au douloureux rapport entre l’homme et l’animal depuis la création du monde.
Il soutient la thèse selon laquelle l’oppression des animaux sert de modèle à toute forme d’oppression, et la « bestia... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Voilà un livre intelligent : instructif, révélateur malgré une certaine lourdeur.
L'auteur expose une étude fouillée de l'histoire de l'élevage et s'attarde bien sûr sur l'élevage intensif. On apprend ainsi que la domestication des animaux date de 11000 ans, que l'élevage a précédé l'esclavage qui lui est étroitement associé. Les pratiques de l'un sont en effet les mêmes pour l'autre : castration des mâles, marquage des "soumis"puis entraves pour contrôler leur production et leur mobilité. Les esclaves traités comme les animaux sont donc comparés à eux dans les noms qu'on leur donne. Le langage ainsi déshumanisant se charge de mépris pour déculpabiliser les bourreaux. Et on retrouve ensuite le même vocabulaire dépréciatif dans la Guerre pour nommer les ennemis. Mais l'auteur s'attarde surtout sur l'histoire de l'élevage industriel dont la patrie n'est autre que les Etats-Unis. Ils ont inventé et développé un système d'abattage mécanique, technicisé pour augmenter la rapidité de la chaîne, la rentabilité des carcasses au XIXè siècle. Ce sont les colons anglais qui ont introduit dans la culture ce goût prononcé pour la viande, une tradition qui s'est poursuivie par une augmentation croissante de la consommation dans ce pays. A tel point qu'au XXè siècle, dans les dernières décennies, le nombre d'animaux abattus a doublé par rapport au siècle précédant (de 4 à 9 milliards tués par an). L'auteur restitue aussi le lien qui unit l'abattage avec l'industrie : le fordisme s'étant inspiré des pratiques des abattoirs pour établir une chaîne de travail toujours plus rapide qui repose sur une division et une spécialisation des tâches. Ford qui nous rappelle-t-on était un antisémite proche des allemands nazis.

S'ensuit donc l'ultime comparaison entre le système des camps de concentration avec les abattoirs qui eux aussi, se sont inspirés de ce modèle. Bref, une longue histoire dont les articulations souterraines nous sont ici révélées. Qui aurait crû qu'il y ait un même fil invisible qui relie élevage, esclavage, industrie et camps de concentration nazis ? En tout cas, si je devinais l'association entre camps sous la 2nde Guerre mondiale et l'essor des abattoirs (avec en parallèle celui des ferme-usines), le reste était bien moins évident. Encore fallait-il le prouver...

Autrement dit, un bon, très bon travail de recherche même si je suis plus critique sur la rédaction. L'auteur cite aussi beaucoup de gens qui ont dénoncé, contesté ce type de "système" et qui sont pour beaucoup devenus végétariens : Sinclair, un américain qui le premier a écrit un roman (intitulé"La Jungle") sur les abattoirs, Isaac Bashevis Singer qui lui, a publié plusieurs nouvelles sur les rapports entre hommes et animaux, Muller, Liesel ou Christa Blanke qui sont devenus végétariens et militants dans des associations (CASH, PETA et Angels animals) et bien d'autres...On peut regretter toutefois le caractère exhaustif de cette liste : trop de détails sont évoqués, ce qui a pour effet d'embrouiller l'esprit du lecteur. Il faut parfois relire pour bien comprendre certains aspects. Ceci dit, il est vrai qu'on apprend, qu'on s'instruit beaucoup, ce qui est le principal pour ce genre de livre, un genre que je qualifierai de "livre-documentaire" car il nous pousse à réfléchir sur les excès dans nos sociétés à travers l'Histoire.

Reste une question, non abordée par l'auteur mais qui se pose pour nous lecteurs, du-moins pour moi : pourquoi, en dépit de contestations certaines, l'élevage intensif, industriel est encore si fort aujourd'hui ? Au cours de la 2nde Guerre mondiale, la lutte n'avait duré que 6 ans alors que là, elle semble incroyablement longue (+ d'1 siècle entre Sinclair et Christa). Je crois avoir ma réponse personnelle sur cette question : c'est qu'en dépit de la longue liste de gens que l'auteur cite, c'est précisément l'inverse qui se passe dans la réalité car trop peu de gens se sentent concernés par ce sujet et choisissent, surtout, de s'impliquer (à travers notamment des associations). Or on ne change l'Histoire, la société dans ses pratiques que par la lutte d'un grand nombre, la force du collectif....
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Charles Patterson soutient dans Un éternel Treblika une thèse qui en choque plus d'un : notre façon de traiter l'animal est similaire à celle dont certains peuples ont été traités durant la Seconde Guerre Mondiale, ou plus exactement, peut être est ce à cause de notre rationalisation des "ressources" que représentent les animaux que ces personnes ont été traitées comme telles.
Ahurissant au premier abord, et pourtant... L'auteur démontre point par point cette idée, avec des dizaines de sources à l'appui. Regards condescendants sur les autres espèces, industrialisation toujours plus rapide de la mort, reproduction choisie et donc stérilisation ont été appliqués aux hommes... Aujourd'hui, comment nier l'évidence ? Pourquoi continuons nous à humilier et tuer, à infliger un meurtre de masse constant pour notre seul plaisir gustatif sacrifiant ainsi 60 milliards d'animaux par an ? C'est la question que pose ce livre.

" Un jour, nos petits enfants nous demanderont : Où étais tu pendant l'holocauste des animaux ? Qu'as tu fait contre ces crimes terrifiants ? Nous ne pourrons pas leur offrir la même excuse une seconde fois - que nous ne savions pas. " Helmut KAPLAN.
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"Pour ces créatures, tous les humains sont des nazis ; pour les animaux, c'est un éternel Treblinka." Isaac Bashevis Singer

Cet ouvrage étudie les liens entre l'exploitation des animaux -et d'abord leur mise à mort pour la consommation humaine- et les meurtres de masse dont, plus particulièrement, la shoah.

L'étude commence au néolithique avec l'apparition de l'agriculture. La domestication des animaux est présentée comme la base d'autres asservissements : c'est au Moyen-orient aussi que l'on trouve les premières preuves d'esclavage et l'exploitation des femmes pour la procréation et le travail aurait été calquée sur celle du bétail.

L'auteur rappelle ensuite que le mépris pour une catégorie de personnes passe souvent par le fait qu'on leur donne des noms d'animaux ou qu'on les compare à des animaux (ces chiens, ces porcs, ces rats...). Une fois qu'ils ont été ainsi déshumanisés, il est plus facile de massacrer les gens. C'est ce qu'il s'est passé lors de l'extermination des indiens des Etats-Unis au 19° siècle et lors de la shoah. D'autres massacres de masse sont évoqués.

Il y a aussi tout un développement sur l'histoire de l'abattage industriel aux Etats-Unis. Contrairement à ce que l'on croit souvent, ce n'est pas Henry Ford qui a inventé le travail à la chaîne mais il s'est inspiré de ce qui se faisait dans les abattoirs de Chicago. Je craignais en commençant ma lecture de devoir affronter des descriptions choquantes. C'est là que je les ai trouvées. Il y a des passages à vous passer l'envie de manger de la viande. En lisant cela, je repensais à ce que j'avais lu chez Temple Grandin qui disait avoir rendu plus humain l'abattage du bétail et ça ne collait pas avec les animaux terrorisés et les employés brutaux. Et puis voilà qu'il est question d'elle :

"A Treblinka et Sobibor, les SS appelaient le boyau [le chemin qui mène aux chambres à gaz] la "route vers les cieux" (...). le même mélange d'ironie moqueuse et d'autodisculpation est évident aux Etats-Unis. le professeur Temple Grandin, spécialiste des animaux, employée par l'industrie de la viande, appelle la rampe et le convoyeur à double rail qu'elle a conçus pour canaliser le bétail vers sa mort "l'escalier vers les cieux."

Henry Ford est le lien vers l'eugénisme. C'était un sympathisant nazi et, comme eux, un partisan de la stérilisation forcée des "dégénérés" pour obtenir des êtres humains de qualité supérieure. C'est à dire qu'il voulait étendre aux gens ce qui est à l'oeuvre dans l'élevage animal. Les nazis ont appliqué ce programme puis sont passés à l'extermination des "indésirables".

Enfin, Charles Patterson termine son ouvrage en traçant le portrait de différents militants de la cause animale que leur réflexion a amenée à faire le lien entre la shoah et les violences dont sont victimes les animaux. Il nous présente des Juifs américains et des Allemands. Un chapitre entier est consacré à Isaac Bashevis Singer à qui ce livre est dédié. J'apprends qu'il était végétarien, engagement qui transparaît dans son oeuvre.

J'ai apprécié cette lecture qui approfondit certaines thèses développées dans Sapiens, en plus militant. Derrière un titre qui peut sembler provocateur, il y a une réflexion étayée par de nombreuses références qui sont citées. J'ai trouvé particulièrement intéressant le développement sur l'eugénisme aux Etats-Unis et en Allemagne dans les années 1930 et les liens entre les théoriciens des deux pays. Je suis moins convaincue quand, aux crimes des nazis, l'auteur ajoute le fait qu'ils appréciaient consommer de la viande. Il me semble que c'était aussi le cas de pas mal d'anti-nazis.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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Outre le thème relativement osé abordé dans ce livre, c'est un ouvrage qui est bien documenté et qui renvoie à notre Humanité (ou notre malheureuse absence d'Humanité pour certains...) quant au traitement que l'Homme afflige aux animaux dans le but de se nourrir. Bien que le livre ne soit pas une ode au végétarisme, c'est un thème qui en découle naturellement puisqu'il pose la question morale du choix alimentaire des Hommes.
Pour ma part j'ai apprécié la thèse défendue par ce livre, mais la surabondance de références tout au long de l'ouvrage alourdie grandement la lecture et peut la rendre fastidieuse. C'est dommage. de plus, la seconde moitié du livre m'a semblé être aussi redondante. J'aurai aimé également un plus large panel de références que les références d'auteurs pour la plupart juifs, même si c'est le parti prit de l'auteur et de l'Histoire de son peuple. C'est pourquoi le début de l'ouvrage m'a plu davantage en retraçant de façon concise l'historique de la place de l'animal au sein de notre société ( de la Genèse à nos jours en passant par Descartes et Saint Thomas d'Aquin). Néanmoins un bon ouvrage à conseiller et dont la thématique gagnerait à s'étendre au grand public....
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Un livre lumineux, qui dévoile une pensée qui demeure encore malheureusement avant-gardiste - la conception de l'animal comme un être-vivant à part entière, qui ne mérite pas d'être réduit en esclavage et massacré par l'homme.

L'auteur fait le lien entre l'invention du travail à la chaîne aux abattoirs de Chicago, son application à l'industrie automobile par Ford - asservissement du prolétaire, le réduisant à un rouage dans la grande machine capitaliste -, ce même Ford qui sera "consultant" auprès des nazis pour leur apprendre à rationaliser le génocide de 6 000 000 de Juifs dans les camps de concentration... Comme quoi, celui qui ne se montre pas humain envers les animaux se prédispose à ne pas l'être non plus envers les hommes.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
La tentative la plus téméraire pour élargir le fossé entre humains et animaux fut une doctrine rendue célèbre à partir de 1630 par le philosophe et homme de science français René Descartes. Cette doctrine déclarait que les animaux n'étaient que de purs et simples machines ou automates, pareils à des horloges, capables d'avoir un comportement complexe, mais totalement incapables de parler, de raisonner ou même d'avoir des sensations, soutenant que les animaux n'éprouvaient pas de douleur et que leur cris, leurs hurlements, leurs contorsions n'étaient que des réflexes externes, sans lien avec une sensation interne.
Elargir à ce point le fossé entre l'homme et l'animal fournissait de loin la meilleure rationalisation jamais entendue en faveur de l'exploitation humaine des animaux. Le cartésianisme, justifiant l'ascendant des hommes, les autorisait à les maltraiter et libérait, comme le dit Descartes, "de tout soupçon de crime, si souvent qu'ils mangeassent de la viande ou tuassent des animaux".
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(...) Dès le départ, Himmler se présenta comme une autorité en matière d'agriculture. Dans un lettre datée du 22 avril 1926 adressée à une personne qui s'intéressait aux fermes il dit : "Je suis une bauer (paysan) même si je n'ai pas de ferme." En attendant, gérer un élevage de poulets accrut son obsession pour l'eugénisme et pour l'amélioration des êtres humains comme celles des souches animales. Ainsi que l'analyse de Fritz Redlich : "Son intérêt pour la reproduction et l'abattage des poulets se transforma en intérêt pour la procréation et le meurtre des êtres humains."

La lecture d'un certain nombre de pamphlets racistes renforça Himmler dans sa conviction que la procréation humaine devait prendre en compte le facteur race. Il considérait que la tâche d'un leader était "comme le spécialiste en horticulture qui, quand il veut créer une nouvelle souche pure à partir d'une espèce ancienne qui a été épuisée par trop de croisements, commence par aller dans le champ pour arracher les plantes non désirées". Après la guerre, un de ses officiers SS témoigna que le passé agricole de Himmler était bien à la base de son obsession pour la procréation raciale. L'exploitation animale - reproduction, sélection et abattage - a posé les jalons à chaque étape sur la voie menant au génocide. "
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"Auschwitz commence quand quelqu'un regarde un abattoir et pense : ce ne sont que des animaux". ADORNO
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"Il me semble d'ailleurs qu'on ne devrait lire que les livres qui vous mordent et vous piquent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas comme un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? Pour qu'il nous rende heureux, comme tu l'écris ? Mon Dieu, nous serions tout aussi heureux si nous n'avions pas de livres [...] un livre doit être la hache pour la mer gelée en nous."

Franz Kafka
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