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Critique de keria31


Voilà un livre intelligent : instructif, révélateur malgré une certaine lourdeur.
L'auteur expose une étude fouillée de l'histoire de l'élevage et s'attarde bien sûr sur l'élevage intensif. On apprend ainsi que la domestication des animaux date de 11000 ans, que l'élevage a précédé l'esclavage qui lui est étroitement associé. Les pratiques de l'un sont en effet les mêmes pour l'autre : castration des mâles, marquage des "soumis"puis entraves pour contrôler leur production et leur mobilité. Les esclaves traités comme les animaux sont donc comparés à eux dans les noms qu'on leur donne. Le langage ainsi déshumanisant se charge de mépris pour déculpabiliser les bourreaux. Et on retrouve ensuite le même vocabulaire dépréciatif dans la Guerre pour nommer les ennemis. Mais l'auteur s'attarde surtout sur l'histoire de l'élevage industriel dont la patrie n'est autre que les Etats-Unis. Ils ont inventé et développé un système d'abattage mécanique, technicisé pour augmenter la rapidité de la chaîne, la rentabilité des carcasses au XIXè siècle. Ce sont les colons anglais qui ont introduit dans la culture ce goût prononcé pour la viande, une tradition qui s'est poursuivie par une augmentation croissante de la consommation dans ce pays. A tel point qu'au XXè siècle, dans les dernières décennies, le nombre d'animaux abattus a doublé par rapport au siècle précédant (de 4 à 9 milliards tués par an). L'auteur restitue aussi le lien qui unit l'abattage avec l'industrie : le fordisme s'étant inspiré des pratiques des abattoirs pour établir une chaîne de travail toujours plus rapide qui repose sur une division et une spécialisation des tâches. Ford qui nous rappelle-t-on était un antisémite proche des allemands nazis.

S'ensuit donc l'ultime comparaison entre le système des camps de concentration avec les abattoirs qui eux aussi, se sont inspirés de ce modèle. Bref, une longue histoire dont les articulations souterraines nous sont ici révélées. Qui aurait crû qu'il y ait un même fil invisible qui relie élevage, esclavage, industrie et camps de concentration nazis ? En tout cas, si je devinais l'association entre camps sous la 2nde Guerre mondiale et l'essor des abattoirs (avec en parallèle celui des ferme-usines), le reste était bien moins évident. Encore fallait-il le prouver...

Autrement dit, un bon, très bon travail de recherche même si je suis plus critique sur la rédaction. L'auteur cite aussi beaucoup de gens qui ont dénoncé, contesté ce type de "système" et qui sont pour beaucoup devenus végétariens : Sinclair, un américain qui le premier a écrit un roman (intitulé"La Jungle") sur les abattoirs, Isaac Bashevis Singer qui lui, a publié plusieurs nouvelles sur les rapports entre hommes et animaux, Muller, Liesel ou Christa Blanke qui sont devenus végétariens et militants dans des associations (CASH, PETA et Angels animals) et bien d'autres...On peut regretter toutefois le caractère exhaustif de cette liste : trop de détails sont évoqués, ce qui a pour effet d'embrouiller l'esprit du lecteur. Il faut parfois relire pour bien comprendre certains aspects. Ceci dit, il est vrai qu'on apprend, qu'on s'instruit beaucoup, ce qui est le principal pour ce genre de livre, un genre que je qualifierai de "livre-documentaire" car il nous pousse à réfléchir sur les excès dans nos sociétés à travers l'Histoire.

Reste une question, non abordée par l'auteur mais qui se pose pour nous lecteurs, du-moins pour moi : pourquoi, en dépit de contestations certaines, l'élevage intensif, industriel est encore si fort aujourd'hui ? Au cours de la 2nde Guerre mondiale, la lutte n'avait duré que 6 ans alors que là, elle semble incroyablement longue (+ d'1 siècle entre Sinclair et Christa). Je crois avoir ma réponse personnelle sur cette question : c'est qu'en dépit de la longue liste de gens que l'auteur cite, c'est précisément l'inverse qui se passe dans la réalité car trop peu de gens se sentent concernés par ce sujet et choisissent, surtout, de s'impliquer (à travers notamment des associations). Or on ne change l'Histoire, la société dans ses pratiques que par la lutte d'un grand nombre, la force du collectif....
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